MAHOUDEAUX Gaston, Robert, Étienne [pseud. Résist. : Claude]

Par Frédéric Stévenot

Né le 22 octobre 1922 à Ohis (Aisne), tué par la police française le 5 août 1944 à Fourmies (Nord) ; célibataire ; ouvrier agricole ; résistant FFI-FTPF.

Fils de Gaston Maurice Mahoudeaux, né le 8 décembre 1898 à Watigny (Aisne), maçon, décédé le 4 mai 1961 à Wimy (Aisne), et de Marguerite Marie Eugénie Marcelle Julliard, née le 14 janvier 1902, décédée le 22 mars 1979, rue de la Fontaine à Wimy. Ses parents se marièrent le 5 mai 1921 à Ohis (Aisne), et eurent treize enfants. Au moment de sa mort, Robert était ouvrier agricole et demeurait rue du Calvaire à Wimy, chez ses parents herbagers.

Robert Mahoudeaux était l’aîné d’une fratrie qui comprit Raymond Mahoudeaux, militant communiste et maire d’Hirson (Aisne) après la guerre.

En 1940, selon un discours posthume d’octobre 1944, il s’engagea à dix-huit ans au 153e d’infanterie de montagne (unité non retrouvée). Il se porta ensuite volontaire pour rejoindre 33e régiment de chasseurs alpins, afin de partir pour la Syrie. Après l’invasion de la zone sud, Robert Mahoudeaux fut démobilisé et rentra chez lui. Il fut alors requis pour aller travailler en Allemagne. Lors d’un de ces appels, il partit à Paris ; passé dans la clandestinité, il entra dans la Résistance.

Robert et Raymond Mahoudeaux appartinrent au groupe FTPF de Wimy, n° 161.
En mars 1944, un groupe de récupération d’armes put se constituer à Wimy, composé de René Marche, Robert Mahoudeaux, Pierre Dutrieux, Klébert Julliard, Gaston Mahoudeaux, et de Raymond Mahoudeaux. Le 15 juillet, Éliane Ravaux, professeur des cours complémentaires à La Capelle (Aisne), mit le groupe en relation avec Vériele, receveur des Postes dans la même localité et chef régional FTPF. Celui-ci contacta le commandant Gaston Collet, qui fixa un rendez-vous au groupe le 23 juillet. Il fut officiellement intégré par le commandant Collet dans les FTPF (3e région, détachement 16, groupe 161). Ce jour-là, Maurice Cevaux, Léon Dufour et Jacques Cattelin le rejoignirent. Voici sa composition :

  • Chef : Cevaux Maurice, matr. 1611, alias Bernard
  • Caporal : Mahoudeaux Robert, 1612, Claude
  • Catelin Jacques, 1613, Henri
  • Dufour Léon, 1614, Germain
  • Dutrieux Pierre, 1615, Éloi
  • Mahoudeaux Raymond, 1616, Édouard
  • Julliard Klébert, 1617, Anatole
  • Marche René, 1618, Edmond

Le même jour (23 juillet), à 14 h, le groupe sabota la ligne Busigny-Hirson par un déboulonnage de la voie, l’objectif étant de faire dérailler une grue. Le chef du groupe de Fourmies (Nord), le sous-lieutenant Raymond Lemaire, dirigea l’opération avec les FTPF de Wimy (sauf Pierre Dutrieux et Klébert Julliard) qu’il avait directement sous ses ordres. La grue ne dérailla cependant pas. Une autre opération fut organisée à 23 h sur la même ligne : quatre locomotives déraillèrent cette fois. Deux jours plus tard, à 12 h 30, Maurice Ceveaux sabota la ligne téléphonique entre la poste du Nouvion (Aisne), le PC de la division et la Kommandantur d’Hirson, sur ordre de Raymond Lemaire. À ce moment, en effet, la division allemande attaquait le maquis de la forêt du Nouvion.

Le 4 août, à 0 h 30, le groupe en entier organisa un attentat contre un train de munitions qui stationnait dans la gare d’Ohis-Neuve-Maison. Un soldat allemand fut tué, mais le groupe perdit un pistolet-mitrailleur.
Le lendemain, une opération fut montée avec Robert Mahoudeaux, Maurice Cevaux, Jacques Catelin et Léon Dufour, placés sous les ordres du chef de détachement Marceau (groupe de Fourmies). Il s’agissait de pénétrer sur le chantier de l’entreprise Henry, travaillant pour l’Allemagne, et de faire sauter les machines. Le groupe se heurta cependant à la police française : Robert Mahoudeaux fut tué rue Saint-Louis (aussi appelée Grand-Rue) , et deux hommes capturés. Ceux-là furent libérés quelques heures plus tard par le maquis de Papleux (Nord). Le groupe fut dissous le même jour, au motif de l’incapacité à commander de son chef et de la mort de Robert Mahoudeaux ; par ordre du chef de détachement, les armes furent remises au chef de groupe, Maurice Cevaux. Robert Mahoudeaux fut enterré au cimetière de Wimy.
Le 8 août, le groupe FTPF 161 fut reformé par le sous-lieutenant Lemaire, qui en confia le commandant à Raymond Mahoudeaux. En firent encore partie Pierre Dutrieux, René Marche, Kléber Julliard et Gaston Mahoudeaux (matr. 1619). Le 10 août, Raymond Mahoudeaux fut mis en relation avec Gilbert Denis, chef régional FFI, par l’intermédiaire d’André Devin, d’Effry. Le groupe intégra alors officiellement le secteur FFI n° 4 ZN (groupe C).

Entre temps eurent lieu les obsèques de Robert Mahoudeaux, à Wimy. A. Delabre, instituteur, prononça un discours au « cimetière […] devant une foule considérable », précisant qu’il l’avait « rédigé (au café Fontaine) pendant l’office religieux » :

« Mon cher Robert,
C’est au nom de la jeunesse de Wimy que je viens saluer ta dépouille mortelle. Ta mort tragique et brutale nous a plongés dans la peine la plus sincère et la plus profonde.
Nous conservons de toit le souvenir d’un excellent camarade, toujours affable, toujours de bonne humeur.
Nous nous inclinons devant le sacrifice de ta vie, qui t’assure du respect de tous.
À tes parents, à tes frères et sœurs, nous disons la grande part que nous prenons à leur immense chagrin. Puissant les nombreux témoignages de sympathie dont ils sont l’objet leur donner le réconfort dont ils ont tant besoin.
À toi, cher Robert, au nom de tes camarades, je t’adresse le dernier et suprême adieu ».

Après la Libération, à la mi-octobre 1944, un responsable FFI non encore identifié prononça ce discours (texte corrigé) :

« Messieurs, Mesdames, Camarades,
Le jour n’est pas encore lointain ou s’est refermée la tombe de notre camarade de résistance : Robert Mahoudeaux, caporal au 161e groupe FTPF.
Vous souvenez-vous de ce petit gars nerveux, plein de vie, qui pendant toute sa vie malheureusement si vite fauchée, fut non seulement un modèle de bonne camaraderie, mais aussi un animateur et un sportif de tout premier ordre.
Dès l’âge de 18 ans, refusant d’accepter la défaite et ayant déjà des illusions sur le patriotisme des Vichyssois, il s’engage au 153e d’infanterie de montagne, afin de servir la France.
Bientôt, il entre volontairement au 33e régiment de chasseurs alpins afin de partir pour la Syrie où il pensait passer plus facilement à la dissidence.
Peu de temps après, il fut démobilisé, les barbares nazis ayant occupé la zone sud.
Rentré chez lui, il est appelé à diverses reprises pour aller travailler en Allemagne.
Lors d’un de ces appels, il part jusque Paris, et où il se sauve.
Alors, il se cache, réfractaire parmi tant d’autres et entre à la résistance où je l’ai connu.
Je puis vous dire aujourd’hui : « c’était un soldat admirable… » ; et pour cela vous citer un fait. Le 5 juillet dernier, une division boche attaquait le maquis de la forêt du Nouvion. Je suis averti que le téléphone fonctionnait sans arrêt entre la poste du Nouvion où se trouvait le PC de la division, et la Kommandantur d’Hirson. Je passe le mot à Robert Mahoudeaux qui part, immédiatement, seul, une pince dans la poche, sur la ligne de chemin de fer et coupe les fils, gênant ainsi les communications et par là, les opérations d’attaque du maquis.
Dois-je vous parler aussi des tentatives de déraillement qui eurent lieu à Wimy et du déraillement qui eut lieu près du viaduc. Non, vous le savez, Robert y était présent.
Enfin, il fallut que le 5 août, Robert reçut l’ordre de se rendre à Fourmies pour s’emparer de l’argent de l’entreprise boche Todt.
Là, des policiers français,… français ! Non ! Ils ne méritent plus ce nom, ces sbires de Vichy ! et par là-même de Hitler…
Ces soudards postés dans la Grand’rue les attendent et crient le revolver à la main : « Halte ! Haut les mains ! ». Ce cri que tous les patriotes redoutaient, car il en fit arrêter un grand nombre d’entre nous et qui causa bien des incidents regrettables dans notre région.
Ce cri, Robert a pensé : « pris pour pris, je me défendrai toujours (avant) » . Et, prenant son revolver, dit feu sur les policiers.
Ceux-ci répondirent avec ensemble et vous savez le drame : Robert fut transpercé de part en part… Nous avons trouvé dans son corps les traces de 15 balles.
Je me souviens encore de son enterrement, où nous ne pouvions pas être présents, les boches étant encore dans notre pays. Mais je me souviens de la douleur de tout ce peuple qui sentait confusément que l’un des meilleurs d’entre eux était mort et que cette mort arrivait juste au moment où notre pays, qu’il avait si bien servi, allait être libéré.
Cette libération est arrivée, mais la joie que nous éprouvons est entachée par le souvenir de nos morts. En ce jour, nous rendons enfin les Honneurs à l’un d’eux, ce petit gars qui aurait eu 22 ans dimanche et dont le souvenir reste aussi vivace parmi nous.
À ses parents, à ses nombreux amis, je viens au nom du 14e bataillon, au nom de la 41e compagnie FFI, à mon nom personnel, apporter ici mes bien sincères condoléances.
À toi, Robert, je viens apporter notre dernier adieu à tous…
Oui, Robert, tes yeux clos à jamais ne verront pas ces lendemains qui chantent après les journées si sombres que nous avons vécues, mais toujours ton ombre sera parmi nous. Et nous essaierons de suivre ton exemple dans la lutte qui continue encore.
Robert, mon camarade, adieu et que la terre te soit légère ».

Un autre discours (dont le texte a été corrigé), dont l’auteur n’a pu être identifié non plus (mais probablement Gilbert Denis, chef régional FTPF, ou Raymond Lemaire, chef du groupe FTPF de Fourmies), fut prononcé un an plus tard :

« Mesdames, Messieurs, chers Camarades,
 
Au nom des FFI, j’ai le devoir d’apporter sur la tombe de notre regretté camarade Mahoudeaux Robert l’hommage de notre reconnaissance émue tout en apportant à sa chère famille l’expression de nos plus sincères condoléances.
Mahoudeaux Robert, fils aîné d’une famille de 12 enfants, avait compris que son devoir était de rejoindre et de travailler avec les FFI à la libération de notre chère patrie.
 
Robert faisait partie de ce groupe plain d’espoir et d’espérance, le groupe « Jean-Pierre ». Robert était toujours volontaire, même dans les moments les plus durs et les plus dangereux. Il ne ménageait rien, son dévouement et sa conscience prolétarienne lui dictait le chemin qu’il suivait droit, car il appartenait à la race fière des travailleurs sans peur et sans reproche.
Soldat dans le maquis, FFI dès la première heure, il devait hélas bien jeune connaître la mort. Il est tombé sur le chemin du calvaire que tous les FFI ont vécu et gravi pendant cette affreuse guerre.
 
Le 5 août 1944, il y a un an, passant à Fourmies rue Saint-Louis, il fut tué presque ’à bout portant par la police au service des lâches et des traîtres.
Tué à 22 ans, à l’aube de sa vie, Robert, ils t’ont tué parce que tu représentait l’âme vivante et généreuse de cette jeunesse de France qui préférait la mort à la servitude. Ils t’ont tué parce qu’il savait que le devoir des FFI était non pas de vivre, mais de vivre pour combattre les boches et tous leurs soutiens. Ils savaient que ton idéal et commandait de travailler pour le bien-être de tous.
 
Chers amis, devant la tombe de notre cher Robert, nous devons vous dire : ne croyez pas les hommes qui ont tué et qui ont les mains tâchées de sang de cette jeunesse désarment. Il reste impuni de leurs crimes, alors qu’il s insultent la misère humaine. Ils devraient être au poteau, ces hommes qui, malgré leurs compromissions avec l’ennemi, malgré leurs trahisons, n’ont qu’un seul espoir : que cela recommence.
Aussi, compagnes et compagnons, sur la tombe de notre cher Robert, nous faisons le serment qu’ensemble nous travaillerons dans toutes nos forces pour le relèvement de notre beau pays de France.
 
Robert, nous t’assurons que nous respecterons la flamme qui brillait en toi. Bous nous souviendrons et nous n’oublierons pas, aminé par la même flamme, l’âme sereine, le cœur solidement accroché, nous poursuivrons notre route vers le résurrection, vers la Paix, vers le bonheur, pour la Fraternité.
 
Au nom de tous les FFI, je m’incline devant ta mémoire et je te crie bien haut : dors en paix. Je te salue ; nous te saluons tous ; la pensée reste vivante, car on ne tue pas la pensée même si on enterre le penseur.
 
Cher Robert, tu resteras vivant parmi tes Camarades ».

Dans l’édition de la Gazette de la Thiérache du dimanche 12 novembre 1944 (n° 2572), Raymond Mahoudeaux fit paraître un article intitulé « Pas de confusion ! », en réponse à des accusations relatives à son frère :

« Croit-on encore que l’armée de la Résistance, qui pendant deux [sic] longs mois, a lutté contre l’agresseur allemand, était composée de malfaiteurs dont l’occupation principale consistait à piller les fermes ? Trop de gens parlent à la légère de choses qu’ils ne connaissent pas. Il y a quelque temps on parlait avec des sous-entendus désobligeants de l’activité de Robert Mahoudeaux, âgé de 22 ans, tué à Fourmies le 5 Août 1944. La vérité, c’est que ce soit-disant « gangster » a trouvé la mort au cours de l’exécution d’une mission, ainsi que l’a rappelé le chef de la Résistance R. Lemaire, dans le discours qu’il a prononcé au cimetière de Wimy. Réfractaire et membre F.F.I. depuis la démobilisation, qui suivit l’occupation de la zone sud par les Allemands, Robert coupa les fils téléphoniques entre la colonne qui attaquait le maquis du Nouvion et la Kommandantur d’Hirson, participa aux déraillements de Wimy et du viaduc. Le 5 Août, il reçut l’ordre de se rendre à Fourmies pour s’emparer de l’argent de l’entreprise boche « Todt ». Des policiers français, sbires de Vichy, voulurent l’arrêter, il répondit à leurs sommations en faisant feu. Le malheureux jeune homme tomba atteint de 15 balles par la riposte des policiers.
Il est faux de croire que l’argent enlevé à un bureau de l’organisation Todt devait lui profiter, ainsi qu’à sa famille et à quelques membres du groupe.
Le soussigné se déclare prêt à toute confrontation avec les personnes de la région ayant eu à se plaindre de bandes clandestines et demande en toute honnêteté de ne plus confondre Résistance et banditisme ».

Robert Mahoudeaux fut homologué membre des FFI (GR 16 P 384284). Il ne semble pas avoir été reconnu « mort pour la France » ni avoir reçu la médaille de la Résistance.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article226087, notice MAHOUDEAUX Gaston, Robert, Étienne [pseud. Résist. : Claude] par Frédéric Stévenot, version mise en ligne le 15 avril 2020, dernière modification le 7 février 2022.

Par Frédéric Stévenot

SOURCES. SHD, Vincennes (n.c.). — Site Internet : Mémoire des hommes ; Geneanet. — Arch. privées Sylvie Varea (fille de Raymond Mahoudeaux). Acte de décès communiqué par les services de l’état civil de Fourmies (n° 181).

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