MAGRINELLI Catherine, Rina (née RADICCHI)

Par Jean-Claude Magrinelli

Née le 4 août 1928 à Auboué (Meurthe-et-Moselle), morte le 8 novembre 1996 à Auboué ; militante du PCF et de l’UFF ; membre du bureau de l’Association France–RDA de Meurthe-et-Moselle ; première femme maire d’Auboué.

Catherine Magrinelli en 1979.

Catherine, Rina Radicchi est née à Auboué. Ses parents étaient originaires de Costacciaro, un petit bourg médiéval situé au pied du Mont Cucco, non loin de Gubbio, aux confins de l’Ombrie et des Marches. Son père Bernardino, né le 8 avril 1894 était journalier agricole ; sa mère, Barbera Procacci, née le 27 juillet 1896, était une des filles d’un petit propriétaire terrien. Bernardino fit la guerre pendant quatre ans. En 1919, il se maria et le couple s’installa à Schiegga e Pascelupo. Le premier enfant Italo dit Tito naquit le 6 décembre1920. En 1921, Bernardino émigra seul à Auboué où il se fit embaucher comme manœuvre à l’usine, une division de la Société des Hauts Fourneaux et Fonderies de Pont-à-Mousson. Le 12 avril 1922, il reçut son livret d’ouvrier titulaire. Barbera et son enfant le rejoignirent. La famille trouva à se loger aux cités du Tunnel qui appartenaient aussi à l’usine. Trois enfants naquirent, Antonio dit Toni le 26 octobre 1925 à Auboué, Rina et Mario né le 24 février 1933 à Briey.
Catherine fit sa scolarité primaire à l’école de filles du village dite école du centre. L’enfant de bons souvenirs du Front populaire. Son père, pendant les congés payés, l’emmenait souvent en promenade dans les bois autour des cités et parfois al campo (au champ), un petit lopin de terre qu’il cultivait en bordure des cités. La guerre la marqua profondément, avec les perquisitions et rafles effectuées dans la ville par les polices allemande et française de février à août 1942 ; la vision quotidienne à partir de janvier 1943, sur le parcours de l’école, de la colonne de prisonniers de guerre soviétiques "qui n’avaient que la peau et les os", se rendant à la mine du Paradis à Moineville, le village voisin ; la fuite de son père et de son frère Antoine à Étain où se trouvaient les Américains, par les bois, pour échapper le 3 septembre 1944 à la prise d’otages de tous les hommes d’Auboué par les Allemands ; les soldats de la Wehrmacht morts dans les combats de la Libération, entassés dans des camions américains qui traversaient le village ; le retour de déportation en juillet 1945 de son frère ainé Italo, qui ne pesait plus que quarante kilos ; l’inhumation avec les honneurs militaires, le 18 novembre 1945, dans un caveau construit à côté du cimetière de Coinville, du corps des 11 FTP aubouésiens fusillés en juillet et août 1942 à La Malpierre. Bernardino, sans en faire partie, était proche du Parti communiste qu’il appréciait pour sa défense des antifascistes italiens victimes d’expulsion avant 1936 et pour la part qu’avaient prise ses militants dans l’usine au développement d’un puissant syndicat CGT des métaux auquel il avait adhéré dès sa création le 11 août 1936. Il fut élu en juillet 1948 délégué suppléant au comité d’établissement. Il fut adhérent au syndicat jusqu’à son départ en retraite. Les causes de l’engagement antifasciste et communiste de Catherine remontent à cette période.
Après son école primaire, Catherine n’alla pas à l’école ménagère. Elle apprit la couture, qu’elle ne délaissa jamais complètement par la suite. Le 30 avril 1947, elle épousa Aldo Magrinelli, un jeune ajusteur né à Auboué le 5 octobre 1925. Le couple s’installa aux cités du Tunnel, d’abord au n° 55 où naquit Jean-Claude, leur premier fils, le 27 juin 1948, puis au n° 10, après la naissance d’Yves, le second fils, le 22 avril 1953 à Briey. À partir d’août 1962, ils résidèrent rue La Louvière, en bordure des cités, dans une maison construite en famille. Catherine et Aldo adhérèrent ensemble au Parti communiste en 1946. Aldo milita au syndicat CGT des métaux de l’usine où il exerça son mandat de délégué titulaire au comité d’établissement à partir de juin 1947 et Catherine au groupement local de l’Union des Femmes Françaises qui déployait une intense activité pour que cesse la guerre en Algérie. Elle était marraine de Vanni Silvestrucci qui fut tué là-bas le 25 octobre 1956. Ils se retrouvaient ensemble dans les activités de la cellule communiste des cités du Tunnel. En avril 1953, Catherine fut l’une des trois femmes élues - avec Mmes Tiberti et Schneider - de la liste d’Union ouvrière et démocratique présentée par le Parti communiste, conduite par Jean Bertrand, qui emporta les élections municipales. Elle ne fut pas présente dans l’équipe municipale du mandat 1965-1971. À son retour, à partir de 1971, elle assuma des responsabilités d’adjointe au maire. Elle mena de front ses activités professionnelles
-  ses activités professionnelles : elle fut distributrice de journaux puis ouvrière à l’usine agroalimentaire SOLPA à Homécourt de juillet 1960 à octobre 1962 où elle reconstitua le syndicat CGT, gérante de l’Imprimerie fédérale du Parti communiste de 1965 à 1983 qui édita la plupart des journaux fédéraux et de section de Meurthe-et-Moselle mais aussi nombre de journaux des syndicats CGT de Lorraine -,
-  ses activités dans les organisations de masse : elle fut secrétaire de UFF des cités du Tunnel de 1948 à 1978, présidente des majorettes d’Auboué, "Les Dianes de France", à partir de leur création en 1970, membre du conseil d’administration de la MJC Roger Henry depuis sa création en juillet 1964, secrétaire du comité de jumelage Auboué/Radebeul, une ville de RDA, dans la banlieue de Dresde, qu’elle fonda avec le maire Jean Bertrand en 1961, membre du bureau de l’association départementale France/RDA -,
-  et ses responsabilités politiques : après la fermeture de l’usine en 1967, la direction de la section d’Auboué fut confiée à trois militantes, le « secrétariat à hauts talons », avec Yolande Bertrand, l’épouse de Jean Bertrand et Élise Commandini. En 1980, avec le conseil municipal, elle engagea aux côtés de la MJC une action d’envergure pour obtenir de l’État le financement nécessaire à la réalisation d’une animation en mai sur « Résistance et déportation ». En février 1982, la municipalité et la MJC unirent leurs efforts pour promotionner le livre du Père Louis Köll, Auboué en Lorraine du fer au début du siècle. Naquit à cette occasion une profonde et indéfectible amitié avec Louis Köll.
Quand Jean Bertrand, pour raison de santé, décida de se retirer, elle fut désignée pour lui succéder. Elle fut élue maire le 11 février 1979. Au vin d’honneur qui suivit cette passation de pouvoir, Gaston Plissonnier, membre du bureau politique et Antoine Porcu, secrétaire fédéral, étaient présents. Catherine Magrinelli était la première femme maire d’Auboué, communiste et d’origine italienne. Elle reçut la médaille d’argent communale le 3 janvier 1984, la médaille vermeil d’honneur régionale le 4 juillet 1989. Son mandat fut marqué par deux investissements structurants dans la ville : l’ouverture le 3 février 1980 d’une caserne des sapeurs pompiers et la construction d’un nouveau lotissement dit de Serry, aux cités du Tunnel, sur une des dernières zones constructibles du ban communal en raison des effondrements miniers. Elle conduisit la liste d’Union de la gauche qui remporta les municipales en mars 1983, avec 55% des voix et une participation frôlant les 80%. Les premiers symptômes de la maladie apparaissant, le 14 septembre 1989, elle écrivit aux habitants d’Auboué : « Je m’adresse à vous, aujourd’hui, pour vous annoncer ma décision de démissionner de ma charge de Maire. Cette décision, je l’ai prise en mesurant tout ce que cette haute responsabilité nécessite comme présence continuelle, comme efforts permanents, comme disponibilité. Ces responsabilités multiples, qui sont celles du premier magistrat d’une ville comme Auboué, ma santé ne me permettait plus de les assurer comme je le souhaitais… ». Catherine acheva le mandat en cours comme adjointe. Elle fut remplacée par Yolande Bertrand aux responsabilités de maire.
Catherine Magrinelli décéda du cancer à son domicile 11 rue Octave Corzani (anciennement rue La Louvière), le 8 novembre 1996, entourée de son mari et de ses deux fils. Elle repose dans le caveau familial Magrinelli, au cimetière de Coinville, à deux pas du caveau des fusillés. En novembre 1994, elle prenait une dernière fois la plume pour dénoncer « la faute grave et inexcusable » du maire qui a refusé de « donner au nouveau centre culturel le nom que portait l’ancienne MJC, celui de Roger Henry », jeune FTP mort en déportation, frère de Maurice Henry fusillé le 29 juillet 1942 à La Malpierre dont le corps repose au caveau des fusillés.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article227983, notice MAGRINELLI Catherine, Rina (née RADICCHI) par Jean-Claude Magrinelli, version mise en ligne le 20 mai 2020, dernière modification le 20 mai 2020.

Par Jean-Claude Magrinelli

Catherine Magrinelli en 1979.
Le secrétariat de la section communiste d’Auboué : Élise Commandini, Catherine Magrinelli, Yolande Bertrand.

SOURCES : Archives nationales, Pierrefitte, 1978066313/1, dossier MI 12561, 1960/1971 (sur l’association départementale France / RDA). — Archives départementales de Meurthe-et-Moselle : 10 M 100 : Dossier « Syndicat des ouvriers des métaux d’Auboué et similaires et 102 W 86 : Usine d’Auboué. Élections du 17 juin 1947. Résultats par collèges Archives municipales d’Auboué, extraits d’état civil. – Archives personnelles : Livret de famille Magrinelli Aldo Catherine n° 28 de l’année 1947 délivré par la mairie d’Auboué. — Texte de l’hommage rendu à Catherine Magrinelli par Patrick Hatzig secrétaire fédéral du PCF, le 10 novembre 1996.
Bibliographie : Magrinelli Jean-Claude, Le front populaire dans la vallée de l’Orne Auboué-Homécourt-Joeuf 1919/1939, T.E.R. de maîtrise, Université Nancy II, 1974. — Magrinelli Jean-Claude et Yves, Antifascisme et Parti communiste en Meurthe-et-Moselle 1919-1945, SNIC, 1985 - Latger Hélène : « Communisme et société dans les communes du bassin sidérurgique et minier lorrain 1945-1977 », mémoire de D.E.A, Université de Nancy II, novembre 1991. — Viard Paul, Auboué Recueil d’articles sur Auboué, Tomes 1 et 2, Wotan Éditions, Nancy, 2016. Voir notamment le tome 1 : « Auboué : évolution de ses municipalités (1914-1995). — Rossolini Alfred, Résistance. Engagement d’une cité ouvrière Auboué 1936-1945, Wotan Éditions, Nancy, 2016.
Presse : Le Républicain Lorrain, 1953-1984 – Bulletin d’information municipale d’Auboué, Auboué à l’heure de notre temps (1953-1989). – L’Avenir puis Options (journaux mensuels de la section communiste d’Auboué (1963-2010) - Pagus Orniensis n° 18, juin 1995, article intitulé Les prisonniers Russes dans nos Mines de Fer, signé Alfred Rossolini, page 28.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable