DUFOUR André, Maurice

Par Pierre Broué

Né le 13 août 1909 à Paris (XIVe arr.), mort le 11 novembre 1995 à La Tronche (Isère) ; aide-comptable ; militant du PCF, secrétaire régional ; député de l’Isère (1946-1958).

Assemblée nationale, Notices et portraits, 1946

André Dufour était le troisième enfant d’un père brocheur et d’une mère culottière. Sa famille se réfugia en 1917 à Lyon (Rhône), et son père, récemment gazé au front, s’y noya accidentellement. La mère travaillant en usine, le jeune André, de santé fragile, fit de nombreux séjours à la campagne. Il fréquenta l’école primaire jusqu’au Certificat d’études qu’il obtint en 1922, travailla aussitôt après comme garçon de courses, puis employé de banque et enfin aide-comptable dans une petite entreprise lyonnaise.

André Dufour fut incorporé en 1930 dans les chasseurs alpins à Gap (Hautes-Alpes), mais à la suite de manœuvres effectuées dans de dures conditions climatiques, eut un grave accident pulmonaire ; hospitalisé à Grenoble (Isère), il subit un pneumothorax, fut réformé et pensionné à 100 %. Il séjourna ensuite en montagne, près de Megève, pendant presque six ans, y prenant conscience des problèmes politiques et sociaux que posait le sort des travailleurs frappés par la tuberculose, et commença à correspondre avec des personnalités politiques, le député socialiste Guy, et le député communiste Vaillant-Couturier. Il fit ses premiers pas dans la politique au sein d’un petit comité local de Front populaire dont il était trésorier. Au lendemain des élections de 1936, il vint habiter Grenoble et y adhéra au Parti communiste dont son frère aîné, Charles, était déjà membre.

André Dufour y fut rapidement porté à d’importantes responsabilités. Administrateur du Travailleur Alpin dès 1936, il devint membre du bureau régional en 1937. Secrétaire de la cellule de la Bajatière, membre du comité de section de Grenoble, il fut son porte-parole en février 1937 lors de la cérémonie intime pour les vingt années de militantisme de Campiglia. Il suivit les cours de deux écoles du Parti. En 1938, il devint trésorier régional : il était le premier militant de la génération recrutée en 1936 à accéder dans ce département à des responsabilités d’un tel niveau, et n’allait pas décevoir ceux qui lui avaient fait confiance pour cette promotion rapide. Il était également en 1939 secrétaire du syndicat du Bâtiment de l’Isère.

En août 1939, il participa au dernier comité régional, tenu semi-clandestinement. En septembre, au lendemain de l’arrestation et de l’inculpation de ses camarades Turrel, Wolozan, Beau et Vizioz, il fut arrêté à la suite d’une perquisition à son domicile et de la découverte d’un exemplaire unique du tract « La Vérité aux Français », prétexte de l’inculpation, qui approuvait le Pacte germano-soviétique tout en affirmant la détermination des communistes de lutter contre l’hitlérisme. Il fut inculpé de « distribution, exposition et circulation de tracts de nature à nuire à l’intérêt national ». Mais, tandis que ses camarades étaient condamnés à trois mois de prison ferme, André Dufour, en raison de son état de santé et de la minceur de son dossier dans l’affaire, fut condamné seulement, le 22 septembre 1939, à 200 F d’amende. Dès le 27 septembre, avec Paul Billat et Perinetti, il était au travail pour reconstituer dans la clandestinité le Parti communiste dissous entre-temps, et c’est sous leur impulsion que reparut en novembre le premier numéro du Travailleur Alpin ronéotypé clandestinement. La police saisit un autre prétexte : les dirigeants provisoires de la CGT depuis la mobilisation, Robert Buisson* et Marie-Louise Beau, venaient d’adresser aux militants une circulaire les appelant à protester contre la fermeture de la Bourse du Travail. Le 8 novembre 1939, alors que ces deux responsables travaillaient dans l’arrière-salle du café tenu par les parents de Buisson, la police pénétra sur les talons d’un groupe de militants qui entraient comme consommateurs : les sept personnes ainsi arrêtées, dont André Dufour, furent inculpées de « reconstitution » d’un parti « dissous », incarcérées d’abord à la prison Saint-Joseph de Grenoble, puis à Lyon, à la prison Saint-Paul une fois leur affaire déférée à la justice militaire. Admis à l’infirmerie en raison de son état de santé, André Dufour fut astreint à y porter la tenue de bure des condamnés de droit commun. Pourtant, le 27 août 1940, il fut acquitté par le tribunal militaire, l’accusation ayant été abandonnée contre cinq des militants et maintenue seulement contre les deux responsables de la CGT.

André Dufour revint alors à Grenoble et y reprit contact avec le Parti clandestin dont Alfred Martin assurait désormais la direction. Mais il fit partie de la fournée de militants arrêtés le 30 novembre 1940 et internés à Fort-Barraux. Il en fut libéré le 17 décembre suivant, sur l’insistance du médecin du camp qui ne tenait pas à assumer la responsabilité de garde malade. Il revint une fois de plus à Grenoble, reprit un emploi de comptable, et ses activités dans un parti que venait de frapper une nouvelle vague d’arrestations. D’abord chargé de la solidarité - une centaine de militants au total, étaient internés ou emprisonnés pour le seul département -, en compagnie de Paul et Marguerite Monval, il se vit confier en mai 1941 la responsabilité de créer dans l’Isère le Front national dont il composa, avec Paul Monval, l’ingénieur catholique Royer et le Suisse Oleszkiewicz, dit Debout, la première direction. En son nom, il prit contact avec le sénateur radical Léon Perrier qui réserva une réponse qu’on pouvait préjuger favorable, mais qui fut interné presque aussitôt à Vals-les-Bains. Au début de 1942, avec les mêmes hommes, il participa à la fondation du journal clandestin du Front national, Les Allobroges. La même année, il reçut mission de prendre contact avec les organisations de Résistance de la région, et fut le représentant du PC dans le comité départemental de « La France combattante » qui les réunissait. En novembre, après avoir participé aux préparatifs d’une manifestation illégale le 11, il se rendit par précaution pour ce jour-là à Pont-en-Royans, dans sa famille. Mais le 12, avec son frère Charles, il fut arrêté avec une dizaine d’habitants de cette ville, pour avoir chanté La Marseillaise devant le monument aux morts et se retrouva une seconde fois à Fort-Barraux. Mais ils furent tous libérés à la suite d’une pétition massive des habitants de Pont-en-Royans. Il poursuivit son action clandestine à Grenoble jusqu’en juin 1943.

À cette date, prévenu par un fonctionnaire de la préfecture de l’imminence de son arrestation, il passa dans la clandestinité, mis à la disposition de la délégation du Comité central en zone sud sous le pseudonyme d’Olivier. Il effectua des missions à Lyon, Valence, Marseille et Montpellier. En août 1943, il fut désigné comme secrétaire régional du PC dans le Gard, et s’établit à Nîmes où il resta jusqu’en janvier 1944. Il fut ensuite affecté en Dordogne, toujours comme secrétaire régional, siégeant à l’état-major départemental des FTP. adjoint au CER Edouard Valéry.. Il fait partie de ceux qui transmettent au vice-amiral Platon sa sentence de mort le 28 août 1944 (avec Yves Péron "caillou" et Marius Patinaud "Pat")
Il installa après la Libération la Fédération du PCF dans ce département qu’il quitta en novembre 1944.
Après un stage d’un mois dans une École centrale du Parti à Paris, il revint à Grenoble, remplaçant, comme secrétaire régional, le dernier titulaire de ce poste dans la clandestinité, Fernand Bordedebat, qui retournait également dans sa région d’origine. Il fut confirmé à son poste par la conférence fédérale de juin 1945 qui lui adjoignit Paul Billat et Henri Turrel, revenu de déportation. Il devint directeur du Travailleur Alpin, et fut délégué au Xe congrès du PCF à Paris. Second, derrière Joanny Berlioz*, sur la liste du Parti communiste aux élections de 1945, il fut élu député de l’Isère, deux fois réélu en 1946, avec Berlioz d’abord, puis avec Paul Billat, et de nouveau en 1951 avec Paul Billat et Élise Grappe. Réélu le 2 janvier 1956, il fut député jusqu’en 1958. Il avait été remplacé au secrétariat fédéral par Henri Turrel puis Perinetti, mais resta au bureau fédéral. Il fut conseiller municipal de Grenoble de juin 1945 à janvier 1959, deuxième adjoint au maire de 1945 à 1947.

À partir de 1961, André Dufour consacra une grande partie de son temps à la Librairie des Alpes, fondée par son parti, et ne la quitta qu’à sa retraite en 1973. Il continuait à militer au sein de l’ARAC dont il était secrétaire départemental et à s’occuper du Musée de la Résistance et de la Déportation dont il était secrétaire adjoint. Parfois appelé familièrement « le Frisé » à cause d’une calvitie précoce et presque totale, André Dufour représenta dans l’Isère une génération de militants venus au Parti communiste à l’époque du Front populaire, mais dont l’expérience décisive fut plutôt vécue dans la Résistance que dans les luttes sociales.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article23221, notice DUFOUR André, Maurice par Pierre Broué, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 26 septembre 2016.

Par Pierre Broué

Assemblée nationale, Notices et portraits, 1946
Assemblée nationale, Notices et portraits, 1956

SOURCES : Arch. Dép. Isère, 52 M 119. — Le Travailleur Alpin, 30 décembre 1944. — P. Champion, Biographies de militants communistes, TER Grenoble, 1973. — St. Courtois, thèse, op. cit.

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