Par Gauthier Langlois
Né vers 1815 près de Sarreguemines (Moselle) ; tailleur habitant rue Rochechouart, quartier Faubourg-Montmartre à Paris, exilé suite au coup d’État du 2 décembre 1851 à Londres puis Jersey, il y rencontra Victor Hugo qui le dissuada d’assassiner Napoléon III.
Il est appelé Schmitz et né en Bavière selon la commission militaire de Paris et appelé Schmidt et né près de Sarreguemines selon Victor Hugo. Il ne doit être confondu avec Georges Joseph Schmitt, autre proscrit alsacien.
Il avait été condamné, avant 1851, à 3 ans de prison pour attentat à la pudeur.
Il résista au coup d’État du 2 décembre 1851 en tenant une barricade près de son domicile, rue Rochechouart à Paris (actuellement rue Marguerite-de-Rochechouart, IXe arrondissement). Pour ce fait il fut d’abord condamné à la transportation au bagne de Cayenne. La commission de révision de Paris le condamna finalement à « Algérie plus », c’est à dire à la transportation dans un bagne algérien. La condamnation était motivée par l’observation suivante : « Instigateur de la construction d’une barricade élevée au coin de la rue Rochechouart. Disait faire partie d’une société secrète comptant plus de 20 000 adhérents et être chef de barricade. Était à la tête d’une bande d’individus qu’il excitait à la guerre civile. »
Selon le témoignage qu’il fit à Victor Hugo il séjourna en même temps que l’ancien représentant Jules Miot à Brest, sur le vaisseau Duguesclin transformé en un infâme dépôt de forçats en instance de départ pour le bagne. Ce détail situe le séjour entre le 10 et le 13 mars 1852. Par la suite soit sa peine fut commuée en expulsion, soit il réussi à s’échapper car peu après il rejoignit Londres. L’année suivante il séjourna à Jersey où il vint voir Victor Hugo, qui a consigné le récit de leur entrevue :
« Ce matin 13 juin [1853], je déjeunais. Un homme a demandé à me parler en particulier. Je l’ai reçu. Il m’a dit avec un accent alsacien : Je m’appelle Schmidt, je suis d’un endroit près de Sarreguemines, je suis tailleur, je demeurais rue Rochechouart, je suis proscrit de décembre. J’étais avec Miot sur le Duguesclin, c’est un hasard que je n’aie pas été à Cayenne, enfin me voilà ; j’ai passé un an à Londres, je suis ici depuis cinq semaines ; je n’ai pas d’ouvrage, et puis ce qui se passe en France me fait mal ; je veux en finir, j’en ai assez de tout cela ; j’ai coupé mes moustaches, je vais aller à Paris, et je ferai un coup. — C’était un homme d’une quarantaine d’années, calme, basané, robuste, l’air froid et résolu. Je lui ai dit : Comment irez-vous à Paris ? — Il m’a répondu : J’ai un faux passeport. Et il a tiré de sa poche un passeport au nom de Frédéric Laibrock, délivré par le vice-consul Laurent en date du 12 mai 1853. Il me dit en me montrant dans un coin la signature Laibrock : J’ai contrefait mon écriture. — Je repris : Que voulez-vous faire ? — Il me dit : Tuer l’homme.
Je lui ai défendu de faire cela, et lui ai donné toutes les raisons. Il s’en est allé en me disant : — Je ferai ce que vous voudrez. Je ne me suis ouvert qu’à vous seul. Et je suis venu vous voir avec l’idée que je ferais ce que vous me diriez. Vous me dites de ne pas tuer Bonaparte, ça vous regarde ; vous savez ça mieux que moi. Je ne le tuerai pas.
Au moment de partir, il m’a pris la main en disant : — J’étais résolu. Vous m’avez changé. Il était mort comme vous êtes là. C’est drôle que ce soit vous qui sauviez la vie à cet homme-là.
Il m’a quitté en ajoutant qu’il irait toujours à Paris, mais pour trois jours seulement, et qu’il serait de retour à Jersey dans dix jours.
Ce Schmidt est ce même tailleur qui, à lui seul, désarma le poste Rochechouart. »
On ignore ce qu’il devint par la suite.
Par Gauthier Langlois
SOURCES : Archives nationales F/7/*/2594 (liste générale), F/7/12712 (État des individus condamnés à la transportation à Cayenne), (BB/30/476 (dossier de grâce). — Service historique de la Défense, 7 J 3 (dossiers des commissions militaires de Paris). — Victor Hugo, Œuvres complètes. Choses vues, Paris, Librairie Ollendorff, 1913, tome II, p. 85-90. — Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, « Schmitz - Georges Jean », Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier - (Université de Bourgogne/CNRS), [En ligne], mis en ligne le 27 août 2013. —