UNIK Pierre

Par Nicole Racine

Né le 5 janvier 1909 à Paris (Xe arr.), disparu en février 1945 en Silésie ; poète, écrivain, scénariste, journaliste ; membre du Parti communiste (1927-1945) ; secrétaire de rédaction de Commune (1934-35), rédacteur en chef de Regards (1936-1939).

[Col. part. courtesy Librairie Hutin, Paris]

Pierre Unik était né d’un père d’origine juive polonaise, naturalisé français, établi tailleur rue des Petits-Hôtels à Paris (Xe arr.), et d’une mère originaire des Pays-Bas. A l’âge de seize ans, fut accueilli en « enfant prodige » au sein du groupe surréaliste ; il préparait alors son baccalauréat au lycée Louis -le-Grand et s’était enthousiasmé pour le Manifeste du surréalisme. Il devint l’ami de André Breton*, Louis Aragon*, René Char, René Crevel* et Robert Desnos qui l’associèrent aux manifestations du groupe ; il publia un « récit-poème », « Vive la mariée » dans La Révolution surréaliste (1er mars 1926). Il se déclara partisan de l’adhésion des surréalistes au Parti communiste lors d’une réunion convoquée le 23 novembre 1926 au cours de laquelle, répondant à une question de Pierre Naville*, il fit état de son inscription comme sympathisant au Groupe des étudiants communistes. Il fut avec Breton, Aragon, Paul Éluard*, Benjamin Péret*, un des cinq signataires de la brochure Au Grand jour (1927) dans laquelle ceux-ci informaient leurs amis des motifs qui les avaient conduits à adhérer individuellement au PC.

En 1926, étudiant en droit, Pierre Unik collabora au journal des étudiants communistes, L’Étudiant d’avant-garde, jusqu’en décembre 1926, date à laquelle il adhéra au parti ; il fut affecté à une cellule du 1er rayon qui se réunissait rue des Vinaigriers (IIIe arr.). « J’avais 18 ans à peine et je ne sais pourquoi on ne m’a pas affecté de préférence aux Jeunesses », écrivit-il dans son autobiographie pour la commission des cadres. Découragé par l’absence d’activité de sa cellule, il n’y retourna pas après plusieurs mois passés en province comme représentant. Avant son départ pour le service militaire en octobre 1929, il écrivit une « Prière du soldat » que La Révolution surréaliste publia anonymement dans son numéro 12 : « L’armée voit passer et mourir des révoltes jeunes, des fureurs, mais sans doute active-t-elle chez certains une flamme révolutionnaire que rien n’étouffera plus. » Après sa démobilisation, en octobre 1930, il chercha du travail, songea, d’après Georges Sadoul, au cinéma, trouva un emploi aux disques Parlophone, rue du Temple à Paris, le quitta, puis, après quelques mois de recherches, accepta un emploi aux Docks rémois, entrepôt d’alimentation et d’épicerie à Reims où il resta deux ans. Quelques mois chômeur en 1932, il devint courtier chez Hermès (guide de l’acheteur de L’Humanité), puis entra aux studios Paramount à Joinville où il fit de la synchronisation de façon intermittente.

Lors de la crise provoquée au sein du groupe surréaliste par l’« affaire Aragon », après l’inculpation d’Aragon pour Front rouge, le désaveu par celui-ci de la brochure de Breton Misère de la poésie et la rupture qui s’ensuivit entre Aragon et Breton, Pierre Unik refusa d’abord de choisir entre surréalisme et communisme. Maxime Alexandre*, autre membre du groupe surréaliste inscrit au Parti communiste, raconta dans ses mémoires qu’au moment où Breton écrivait Misère de la poésie, Pierre Unik convoqué avec Aragon, Sadoul et Maxime Alexandre au siège du parti, 120 rue Lafayette, pour s’expliquer sur les activités surréalistes et notamment sur le dernier numéro du Surréalisme au service de la révolution qui contenait un article de Salvador Dali, un personnage les enjoignit de signer une déclaration sans quoi ils seraient exclus du parti. Pierre Unik et Maxime Alexandre, après avoir tenté de réconcilier leurs amis en publiant le tract « Autour d’un poème », rompirent avec le groupe surréaliste et rejoignirent Aragon et Georges Sadoul*.

En décembre 1930, après son retour du service militaire, Pierre Unik décida de réadhérer au parti. Affecté en janvier 1931 à la cellule 145 du sous-rayon du Xe, il y milita jusqu’en 1934. De juin à décembre 1931, période durant laquelle il fut employé des Docks rémois (1 500 ouvriers et employés), il rédigea seul le journal d’usine, il milita à la cellule de Reims et fit partie du bureau du rayon de Reims. En décembre 1931, il retourna à sa cellule parisienne et y occupa les fonctions de trésorier pendant plusieurs mois. En 1932, il fit partie du comité du rayon du Xe. Il occupa des fonctions dans d’autres organisations comme la Ligue anti-impérialiste dont il fit partie du bureau, l’Association des Travailleurs sans Dieu. A partir de 1932, il milita activement à l’AEAR appartenant à son bureau et au bureau de la fraction centrale. Il organisa, au nom de l’AEAR, le travail pour le concours de littérature prolétarienne de l’Humanité. D’avril à juin 1933, Pierre Unik fut assistant et scénariste du cinéaste Luis Bunuel pour la réalisation d’un film sur la région des Hurdes en Espagne , avec Eli Lotar comme opérateur. Las Hurdes (Terre sans pain), documentaire d’une précision d’entomologiste qui montrait les conditions de vie inhumaines de ces populations misérables, dut attendre trois ans le visa de censure. En Espagne, Pierre Unik s’était lié aux poètes Rafael Alberti et Federico Garcia Lorca (à Tolède, au printemps 1933, ils en étaient mêmes venus aux mains avec des Cadets de l’Alcazar). Il écrivit une adaptation des Hauts de Hurlevent (que Bunuel ne tourna qu’en 1955 au Mexique), et signa le commantaire du film Espagne 1937.

En 1934, Paul Vaillant-Couturier* appela Pierre Unik à la rédaction de l’Humanité, où il apprit son métier de journaliste. Il la quitta à la fin de 1935 pour participer au film « La vie est à nous », commandé à Jean Renoir* par le PCF, et qui sortit en 1936. Unik en écrivit plusieurs parties dont l’une mettait en scène un jeune chômeur intellectuel. Il collabora également en 1938 au film Le Temps des cerises commandé par le PC. Il rencontra Josie Le Flohic qui devint sa femme. Lorsque Léon Moussinac* prit la direction de l’hebdomadaire illustré communiste Regards, il appela Pierre Unik à la rédaction en chef (1936-1939) ; celui-ci se consacra avec passion à sa tâche, contribuant à la réussite de l’hebdomadaire.

Secrétaire de rédaction de Commune à partir du n° 2 de septembre-octobre 1934, en même temps qu’Aragon, Paul Nizan*, Vladimir Pozner*, Gérard Servèze, il le resta jusqu’en octobre 1935, date à laquelle Aragon devint l’unique secrétaire de rédaction. Il collabora à la revue de l’AEAR jusqu’en 1939, y publiant des poèmes, des comptes rendus de livres et une chronique de cinéma.

Mobilisé en 1939, Pierre Unik fut envoyé fin 1939 à Saizerais, non loin de Nancy ; en juin 1940 fait prisonnier au Stalag VIII A, il alla de Kommando en Kommando autour de Schmiedeberg en Silésie où il travailla dans une filature. Sa femme reçut, par l’intermédiaire du Comité de sauvegarde des œuvres de la pensée et de l’art français créées en captivité, un cahier contenant huit poèmes écrits entre mars 1940 et l’été 1944 (ces poèmes seront inclus dans Chant d’exil, 1972) ; une préface du 7 janvier 1945 parlait d’autres poèmes et d’une nouvelle, mais ces écrits sont perdus. Dans les premières semaines de 1945, après l’offensive déclenchée par l’armée soviétique qui la conduisit à une centaine de kilomètres de Schmiedberg Pierre Unik décida de s’évader avec un camarade ; ce dernier camarade rebroussa chemin dans les Carpates, revint au camp, mais Pierre Unik s’enfonça dans les montagnes. On ne retrouva ni ses ossements, ni ses papiers que chercha vainement sa femme en Silésie. Aragon lui, rendit hommage dans un poème du Roman inachevé (« Le prix du printemps », 1945). Les Éditeurs français réunis publièrent en 1972 son roman autobiographique en partie inachevé, Le Héros du vide, ainsi qu’un recueil de poèmes, Chant d’exil.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article50361, notice UNIK Pierre par Nicole Racine, version mise en ligne le 28 mai 2009, dernière modification le 3 mai 2021.

Par Nicole Racine

[Col. part. courtesy Librairie Hutin, Paris]

ŒUVRE : Le théâtre des nuits blanches, Éditions surréalistes, 1931. — Textes de « Au grand jour » (Aragon, Breton, Eluard, Péret, Unik, Éd. surréalistes, 1927) et de « Autour d’un poème » (Maxime Alexandre, Pierre Unik, 5 avril 1932) dans Tracts surréalistes, déclarations collectives 1922-1969. T. 1 (1922-1939). Présentation et commentaires par J. Pierre, Le Terrain vague, 1980. — Chant d’exil, biographie par G. Sadoul, poème, préface de P. Éluard, Éditeurs français réunis, 1972. — Le Héros du vide : roman inachevé, id.

SOURCES : Arch. RGASPI, Moscou, 495/270/1561. — Arch. PPo. BA/1715. — Maxime Alexandre, Mémoires d’un surréaliste, La Jeune parque, 1968. — J. Rousselot, Dictionnaire de la poésie française contemporaine, Larousse, 1968. — G. Sadoul, Pierre Unik, Chant d’exil. — Rencontres I. Chroniques et entretiens. Choix et notes de B. Eisenschitz, Denoël, 1984. — Dictionnaire général du surréalisme et de ses environs sous la direction d’A. Biro et R. Passeron, PUF, 1982. — Adhérer au Parti communiste ? sept.-déc. 1926, Arch. du surréalisme publiées sous l’égide d’Actual. Présenté et annoté par Marguerite Bonnet, Gallimard, 1992. — Pierre Unik, 1909-1945, Librairie-Galerie Emmanuel Hutin, Paris, 2009.

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