MOHN Joseph [MOHN Auguste, Joseph]

Par Françoise Olivier-Utard et Léon Strauss

Né le 23 novembre 1898 à Guebwiller (Haute-Alsace, Alsace-Lorraine), mort le 26 mars 1970 à Lichtenberg (Bas-Rhin) ; secrétaire de l’Union des syndicats de cheminots CGT d’Alsace et de Lorraine, secrétaire général de l’Union départementale du Bas-Rhin ; membre du comité fédéral du PCF du Bas-Rhin (1946-1966) ; conseiller municipal de Strasbourg.

Français par réintégration, fils d’Alphonse Mohn et d’Hortense Gensbeitel, Joseph Mohn était ajusteur aux ateliers de chemin de fer de Bischheim. Il fut, pendant la Première Guerre mondiale, muté à Berlin, et y aurait découvert le syndicalisme et le spartakisme. Revenu à Bischheim en 1918, il était en 1919 secrétaire du syndicat CGT des ateliers et membre de la section socialiste SFIO. En avril 1920, au congrès de Sélestat, il devint secrétaire de l’Union des syndicats de cheminots d’Alsace et de Lorraine. L’élection de ce « bolcheviste militant », en même temps que celle de Furstoss au secrétariat général, fut interprétée comme le signe d’un virage à gauche de cette puissante organisation. Il fut exclu au début de 1922 de la CGT à la demande d’Eugène Imbs, secrétaire général de l’UD du Bas-Rhin des syndicats confédérés, et devint secrétaire de l’UD du Bas-Rhin de la nouvelle CGTU (puis de 1923 à 1936, secrétaire général de la 18e région de la CGTU) tout en conservant, lors du congrès de 1923, le secrétariat de l’Union des cheminots qui avait adhéré à la CGTU. Au début du mois d’août 1923, il participa à Paris au congrès des cheminots unitaires et fut nommé archiviste du comité fédéral. De 1923 à 1935, il fut secrétaire général de l’union régionale CGTU, dont il rédigeait l’organe bi-mensuel, Der Proletarier. Délégué à tous les congrès de 1925 à 1935, il fut membre de la commission exécutive de la CGTU de 1933 à 1936. En 1933 il anima la grande grève du bâtiment à Strasbourg, qui fut par la suite considérée comme prémisse du Front populaire. Après la réunification syndicale, il devint secrétaire général de l’UD-CGT du Bas-Rhin, le 30 juin 1936. Cette désignation marquait le triomphe du courant « ex-unitaire » dans le Bas-Rhin. Il assista aux congrès nationaux CGT de 1936 à 1938. En 1937, il présenta un « essai de rénovation des assurances sociales locales » qui déboucha sur des propositions de lois.

Membre fondateur, en 1921, du Parti communiste à Strasbourg, il fut délégué au congrès national de Clichy en janvier 1925. Le 18 janvier 1925, il y affirma son accord pour faire de la propagande en langue allemande. Il participa aussi activement à la lutte contre la guerre du Maroc, en traduisant, en alsacien, le 18 septembre 1925, le discours de Maurice Thorez. Il présida le Congrès ouvrier et paysan de Strasbourg, réuni à la salle de l’Aubette, qui adopta, sans doute à son instigation, un manifeste réclamant pour l’Alsace et la Lorraine le droit à l’autodétermination. Tenté un moment, en 1929, par la dissidence autonomiste du maire de Strasbourg Charles Hueber* et de Jean-Pierre Mourer*, Mohn, devenu conseiller municipal de Strasbourg, resta finalement fidèle au parti « ligniste ». Il fit alors un voyage en URSS dont certains prétendirent qu’il revint avec le grade de capitaine de l’Armée rouge.
En fait , il fut un des douze français partis d’Ostende, le 31 octobre 1929 à bord du Roudzoutak, pour participer en URSS aux cérémonies du 12e anniversaire de la Révolution russe. Il revint vers la fin du mois de novembre. L’Armée rouge n’est pas concernée par ce voyage.

Il fut candidat aux élections législatives à Haguenau en 1928, 1932 et 1936.
En 1936, secrétaire du comité départemental du Rassemblement populaire, il conduisit, avec Edmond Rothé, professeur à l’université de Strasbourg, la grande manifestation qui réunit 20 000 personnes et défila de la place de la Bourse au parc du Contades.

A la suite du pacte germano-soviétique, Mohn profita de sa mobilisation pour garder une position prudente. De 1940 à 1944, il vécut à Saint-Dié (Vosges), où son épouse tenait un restaurant. Cette mise en retrait de la vie politique lui fut par la suite reprochée par les militants qui s’étaient senti abandonnés sous le joug nazi et par ceux qui avaient subi les camps de concentration.

En 1944, il aurait commandé un groupe de résistants vosgiens. Après la Libération, il revint au conseil municipal de Strasbourg jusqu’en 1965, où les communistes ne furent plus représentés, du fait de la nouvelle loi électorale. Il fut membre du comité fédéral du PCF du Bas-Rhin en 1946-1947, puis membre du bureau fédéral de 1948 à 1965, puis à nouveau membre du comité fédéral, en 1965-1966.

En 1945 il reprit aussi ses fonctions de secrétaire permanent de l’UD-CGT du Bas-Rhin. Il présida en 1946-1947 la Caisse primaire de Strasbourg et la Caisse régionale de Sécurité sociale, puis fut battu par Théo Braun en avril 1947, ne sortant qu’au treizième rang de sa propre liste. En novembre-décembre 1947, il dirigea le mouvement de grève contre le plan Marshall et la « Schwowepolitik » (politique boche) du gouvernement Robert Schuman.
En 1952, il ne soutint pas Albert Erb*, secrétaire général des cheminots d’Alsace et de Lorraine, lorsque celui-ci fut contraint de démissionner de ses fonctions « pour des raisons extra-syndicales », qui avaient à voir avec les drames de la guerre et le procès des Alsaciens auteurs du massacre d’Oradour-sur-Glane.

Dès 1955 un conflit larvé l’opposa à celui qui allait lui succéder, Georges Martin, qui lui reprochait son manque d’initiative, et à certains dirigeants de la fédération du PCF, qui lui reprochaient ses goûts bourgeois et son manque de conviction dans son soutien à l’URSS. La structure très régionale de la CGT alsacienne, héritée de ses origines allemandes, était aussi parfois mal perçue à Paris, qui aurait souhaité plus de centralisation. Mais il avait un grand charisme et les qualités d’un excellent orateur. C’était « le grand Mohn ».

Après son départ à la retraite, en 1965, il fut président de l’Union départementale CGT du Bas-Rhin, jusqu’à sa mort.

Il avait obtenu la Légion d’honneur en 1947 et avait été décoré de la croix de guerre 1939-1945. Joseph Mohn s’était marié en septembre 1931 à Strasbourg avec Sophie Werling ; ils eurent un fils.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article6792, notice MOHN Joseph [MOHN Auguste, Joseph] par Françoise Olivier-Utard et Léon Strauss, version mise en ligne le 30 juin 2008, dernière modification le 4 septembre 2013.

Par Françoise Olivier-Utard et Léon Strauss

SOURCES :<EM> </EM>Arch. Nat., F 7/13090, 13117, 13130, 13261, 13403. — Arch. Dép. Bas-Rhin, 98 AL 634, 664, 1069, 102 AL 47, 544 D 40. — Der Proletarier, 1925-1936. — Le Travailleur syndicaliste, 1936-1939. — Le Syndicaliste CGT, depuis 1945. — La France de l’Est, Mulhouse, 8 décembre 1929. — Numéro spécial de l’Humanité d’Alsace et de Lorraine : Résistance, décembre 1960, p. 42 pour le texte français. — Huma 7 jours, Strasbourg, 26 mars et 2 avril 1970. — Le syndicaliste CGT, Strasbourg, 1970, n° 4 (portrait, p. 1). — J.-P. Waller, La CGT dans le Bas-Rhin, Mémoire IEP, Strasbourg, 1971. — Encyclopédie de l’Alsace, 9, Strasbourg, 1984, p. 5203. — Rainer Stübling, Die CGTU Bemerkungen über die Zeitung « Der Proletarier » und die Artikel Josef Mohns, texte dactylogr., s. d. ; [1984]. — L’Appel des Soviets, n° 14, novembre 1929. — DBMOF, tome 36, 1990, p. 432. — Nouveau dictionnaire de biographie alsacienne, fasc. n° 27, Strasbourg, 1996, p. 2679.

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