HEYER Léon

Par Françoise Olivier-Utard

Né le 10 mai 1923 à Mulhouse (Haut-Rhin) ; mort le 3 juillet 2012 à Guebwiller (Haut-Rhin) ; mineur de potasse ; militant de la CGT ; incorporé de force, membre d’un commando de partisans en Russie ; membre du Parti communiste du Haut-Rhin.

Son père, Joseph (1901-1963), était né à Mulhouse. Il devint mineur de potasse au puits Rodolphe à Wittenheim. Il était membre du Parti communiste. Il fut licencié pour fait de grève en 1938 et devint maçon à Ensisheim. Il dut quitter le logement de la cité minière de Bollwiller et s’installa à Guebwiller (Haut-Rhin). Pendant l’annexion de fait, les Allemands le remirent au travail à la mine, sous conditions. Sa mère, Maria Entz (1904-1991), était ouvrière du textile à Guebwiller, chez Frey. Elle était syndiquée à la CGT et soutenait les opinions politiques de son mari, sans être adhérente au Parti communiste. La famille, catholique d’origine, s’était détachée de toute pratique religieuse. Le couple avait trois enfants.

Léon Heyer commença ses études à l’école de Bollwiller et les acheva à Guebwiller. Il fut embauché comme mineur de potasse en 1940 à Bollwiller, à la mine Alex, puis à la mine Rodolphe. Sa famille, qui possédait un poste de radio, écoutait les nouvelles de Londres et de Moscou et, dénoncée, fut contrainte de déménager. Elle n’eut toutefois aucun contact avec la Résistance. Léon Heyer fut appelé au Reichsarbeitsdienst (RAD, service du travail obligatoire du Reich) à dix-neuf ans ans, en octobre 1942, à Hambourg. Il fut versé en janvier 1943 dans la Wehrmacht. Il fut dirigé, après un court passage en Tchécoslovaquie, sur le front russe, en Biélo-Russie, à Dovonoko. La région était occupée par les Allemands mais harcelée par des partisans, qui attaquèrent le camion dans lequel Léon Heyer était convoyé, le 23 avril 1943. Il eut le réflexe de sauter dans le fossé et fut le seul survivant. Il se rendit et eut la chance de tomber sur un partisan juif lettré, qui parlait l’allemand et put expliquer aux autres sa situation d’Alsacien enrôlé de force dans l’armée allemande. Il ne fut pas fait prisonnier mais on lui confisqua son fusil. Au bout de quelques semaines, il fut intégré jusqu’en 1944 à ce groupe de partisans. Il apprit le russe. Il participa à une dizaine d’actions contre des trains allemands et à autant d’embuscades sur les routes. Après les sabotages, le groupe, composé d’une vingtaine d’hommes, se réfugiait dans une clairière et vivait avec les bûcherons locaux, l’été dans des cabanes de branchages, l’hiver dans des trous creusés dans le sol. Léon subit la dureté de l’hiver russe. Début juillet 1944, l’Armée rouge lança une offensive en direction de la Vistule. La brigade fut divisée. L’équipe dans laquelle il fut versé assura la circulation dans la ville de Selva. Puis Léon entama le chemin de retour, qui le conduisit via Minsk et Moscou, dans un camp russe où étaient rassemblés les antifascistes. Il y resta jusqu’à l’automne. Pensant pouvoir rentrer en France plus rapidement, les Alsaciens demandèrent à être envoyés au camp de Tambov où se trouvaient les prisonniers alsaciens. L’arrivée de l’hiver rallongea le séjour jusqu’au printemps. Léon Heyer fut conduit à Odessa, en mai 1945, où il put enfin prendre un train pour Paris. Il fut démobilisé à Chalon-sur-Saône. Il rentra chez lui le 21 août 1945. Sa famille, qui avait reçu une lettre annonçant sa disparition en 1943, fut bouleversée de joie.

Grâce à l’entremise d’un délégué mineur qui fit des recherches pour lui et grâce aussi à la complaisance d’une interprète russe installée à Bollwiller, il put retrouver plus tard les adresses de ceux qui l’avaient recueilli, et, en 1967, il se rendit avec sa famille en URSS pour un mois. Il y reçut un accueil chaleureux et rendit l’invitation en Alsace. Il fut surpris de constater que certains manuels d’histoire en URSS relataient ses faits de guerre au sein de partisans. Les échanges amicaux durèrent jusqu’à la chute du communisme. Son activité de résistance valut à Léon Heyer d’être décoré de la Médaille de la guerre patriotique, Catégorie I, par décret du Soviet suprême. Il n’y eut qu’une cinquantaine de Français à obtenir une telle reconnaissance. La cérémonie eut lieu à Guebwiller le 8 mars 1969.

Trois semaines après son retour de Russie, en 1945, Léon Heyer fut embauché à la mine Rodolphe. Il adhéra au Parti communiste et milita à la cellule locale de Guebwiller. Il milita aussi à la CGT. Victime d’un accident de la mine en 1976, il fut mis à la retraite. Il resta alité pendant deux ans. Après la retraite il rejoignit le syndicat des retraités CGT de la mine et créa une section de retraités à l’Union locale de Guebwiller.

Le 16 avril 1948, il avait épousé à Guebwiller Jeanne Lidolf, née le 25 juin 1924 à Guebwiller, ouvrière textile, membre du Parti communiste. Le couple eut deux enfants.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article88372, notice HEYER Léon par Françoise Olivier-Utard, version mise en ligne le 4 juillet 2010, dernière modification le 5 avril 2022.

Par Françoise Olivier-Utard

SOURCES : La résistance alsacienne une et multiple, Contribution du mouvement ouvrier dans l’Alsace annexée, supplément au Bulletin du centre régional Alsace de l’Institut CGT d’histoire sociale, p. 16. — Léon Tinelli, L’Alsace résistante, publication du centre régional Alsace de l’Institut CGT d’histoire sociale, 2002, p. 138-143. — Gabrielle Schmitt Hohenadel, 1939-1945, Destins sous l’occupation, Imprimerie Éditions Reber, 2009, p. 18-27. — Entretien du 2 mai 2010.

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