SCHEIBLIN Paul, Robert, Jean, Henri

Par Pierre Alanche

Né le 26 juillet 1931 à Versailles (Seine-et-Oise, Yvelines) ; ouvrier tôlier-formeur puis analyste-programmeur chez Renault ; militant JOC, ACO ; délégué du personnel, membre du CE CFTC-CFDT, membre du bureau du SRTA-CFTC puis SRTA-CFDT.

Fils d’Aloïs Scheiblin et de Joséphine Wilt, Paul Scheiblin fut le deuxième enfant d’une famille de trois garçons, le troisième mourut en service commandé alors qu’il était soldat pendant la guerre d’Algérie. Son père naquit dans l’Alsace annexée à l’Allemagne. Sa famille n’acceptait pas cette situation et lui transmit son attachement à la France. Mobilisé dans l’armée allemande, il fut un de ceux qu’on appela « les malgré-nous » ; il refusa de porter les armes. Par représailles, il fut envoyé sur le front de l’Est, dans le nord de la Russie, où il servit comme aide-infirmier. Cette activité lui plut et, la paix revenue, il débuta sa carrière en exerçant cette profession. Une tante, installée en région parisienne, le convainquit de quitter l’Alsace et il entra dans une compagnie de chemin de fer. En 1940, il fut mobilisé au dépôt de Trappes, où sa connaissance de l’allemand lui valut de servir comme interprète. Cet position lui permit de venir en aide au réseau de résistants du dépôt en tamponnant de faux papiers qui permirent de faire revenir en France des travailleurs envoyés en Allemagne.

Paul Scheiblin passa sa jeunesse à Versailles (Seine-et-Oise, Yvelines) dans le quartier, alors populaire, de Porchefontaine. Élève turbulent, il fit ses études primaires de 1937 à 1946 à l’école publique des garçons, dans le quartier. L’Occupation fut une période de privations, les familles ouvrières éprouvaient de grandes difficultés pour nourrir les familles, les enfants en étaient réduits à chaparder de la nourriture, y compris dans la caserne allemande toute proche. Paul Scheiblin échoua à son certificat d’étude. En 1946-1947, il commença une formation technique au collège Jules Ferry. Il y resta un an, faisant trois parcours d’initiation en ajustage, menuiserie, tôlerie. Par un ami, il apprit que la régie Renault (RNUR) recrutait des apprentis. Il entra en formation au centre d’apprentissage de l’entreprise, le 11 septembre 1947. Après trois ans d’études, en 1950, il obtint les CAP de tôlier-formeur et de carrossier. Ses responsables de formation lui proposèrent de continuer des études d’ingénieur à Douai, mais il préféra entrer immédiatement dans l’entreprise, comme ouvrier tôlier-formeur. Il fut mobilisé pour le service militaire, pour dix-huit mois du 15 octobre 1951 au 11 avril 1953, qu’il effectua à Trèves en Allemagne.

Pendant sa scolarité, il avait fait partie des louveteaux qui, interdits pendant l’Occupation, avaient poursuivi leurs activités sous le nom de « petits marins ». Puis, pendant son apprentissage, il avait adhéré à la JOC à partir de 1947 et était devenu responsable de la fédération de Versailles, en remplacement de Joseph Martin, sous la responsabilité du père Viel. Quand il était entré chez Renault, il avait fait partie du GATR, groupe d’action au travail qui se réunissait dans les locaux des assomptionnistes de Sèvres (Hauts-de-Seine).

À son retour du service militaire, il retrouva son emploi chez Renault dans le service de fabrication des prototypes qui étaient alors entièrement réalisés à la main, à partir des dessins des stylistes. Certain prototypes – comme l’étoile filante, qui en 1956 établit le record mondial de vitesse sur le lac salé – étaient destinés à la recherche ou à la promotion de la marque ; les autres, les plus nombreux, étaient la première étape du processus de développement d’un nouveau modèle. Le travail était très bruyant, les dispositifs de protection inexistants ou rudimentaires. Il passa dix-sept ans dans cet atelier. Sa qualification d’ouvrier professionnel évolua P1 en 1950, P2 en 1953, puis P3, bien que son déroulement de carrière fût ralenti par son activité syndicale ; sa hiérarchie refusa de lui confier les fonctions de maître d’apprentissage que son savoir-faire justifiait. En 1965, le médecin du travail estima que la détérioration de l’ouïe nécessitait le changement de poste de Paul Scheiblin. Ayant suivi des cours internes à l’entreprise pour préparer sa reconversion, il fut affecté, le 29 mars 1966, au service méthodes emboutissage où il s’occupa des activités de préparation du travail. Les grèves de mai éclatèrent alors. Il ne participa pas aux réunions de services organisés par le chef de service dans un café à proximité du bureau des méthodes pour mobiliser les salariés et il fut le seul de ce secteur à être déclaré gréviste. Il participa aux activités syndicales pendant la période d’occupation de l’usine, tout en terminant la construction de son pavillon, dans le quartier de Porchefontaine à Versailles, dans la rue où il avait passé son enfance. Il travailla dix ans comme agent des méthodes passant du coefficient 221 à 270. Il devint ensuite agent technique passant du coefficient 270 en 1972 à 305 en 1976, occupant un emploi administratif où ses responsabilités professionnelles étaient bloquées par son activité syndicale. En 1976, l’informatique se développait chez Renault. Robert Lucente, militant CFDT, qui avait fait partie de la même équipe d’ACO que Paul Scheiblin, avait des responsabilités au service du personnel de la direction de l’informatique ; il accueillait les candidats sans discrimination. Paul Scheiblin réussit les tests pour devenir programmeur deuxième échelon puis, après une formation, il exerça le métier d’analyste-programmeur où il progressa jusqu’au coefficient 365 qu’il obtint en 1984 qu’il occupa jusqu’à son départ de l’entreprise en décembre 1986, dans le cadre d’un des premiers plan FNE (Fond national de l’emploi).

Paul Scheiblin avait adhéré au SRTA-CFTC qui venait d’être créé en 1953 ; membre du conseil syndical, il représentait les ateliers 38 (prototypes), 58 (chaine de montage véhicules), 49 (chaîne d’assemblage moteurs). En 1959, il fut membre du bureau ou il siégea de nombreuses années, il représenta le SRTA auprès du syndicat général des travailleurs de l’automobile CFTC (SGTA-CFTC) à partir de 1965 avec Robert Lucente et Jacques Chamouard. Pendant ces années, il fut confronté aux questions posées par la guerre d’Algérie : les ouvriers d’origine algérienne étaient nombreux dans l’entreprise et appartenaient à toutes les tendances qui se divisaient sur les moyens d’action. Grâce à ses contacts auprès des divers réseaux, il put intervenir pour protéger un de ses collègues menacé de mort par les militants du FLN car il refusait le paiement de l’impôt révolutionnaire. Le 16 février 1962, il participa à la manifestation qui se termina tragiquement par de nombreux morts et fut signataire, avec Pierre Cadel, Paul Lemaitre, Robert Lucente, Gilbert Malaise*, de la lettre que la CFTC Renault adressa à Paris Match pour contester le reportage que l’hebdomadaire avait fait des évènements. Il fut également élu délégué du personnel et représentant au CE. Paul Scheblin participa aux débats sur la déconfessionnalisation de la CFTC, à laquelle il était favorable. La décision fut adoptée à une majorité de 77 % par le SRTA-CFTC. Au congrès de création de la CFDT en 1964 à Issy-les-Moulineaux, il fit partie de l’équipe responsable du service d’ordre.

Paul Scheiblin épousa Odette Lemaitre le 19 décembre 1959 à Versailles. Ils étaient tous deux originaires du même quartier de Porchefontaine et était la sœur de Paul Lemaitre qui fut secrétaire du SRTA-CFTC. Elle avait débuté sa vie professionnelle comme aide comptable en 1948 puis elle fut embauchée comme bibliothécaire par le CE de Renault, aux côtés de Rolande Mingasson* quand la CFTC partagea la gestion du CE avec la CGT, celle-ci ayant perdu la majorité absolue en octobre 1956. Adhérente du SRTA-CFTC, elle fut membre du conseil du syndicat. Elle quitta son emploi en 1961 à la naissance de leur premier enfant, Pascal. Le couple eut six enfants.
Depuis 1954, lui et sa femme font toujours partie de l’équipe ACO de Versailles, aux côtés d’André Colliot et de Robert Lucente.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article174722, notice SCHEIBLIN Paul, Robert, Jean, Henri par Pierre Alanche, version mise en ligne le 22 juillet 2015, dernière modification le 6 novembre 2019.

Par Pierre Alanche

SOURCES : Archives UPSM. &#8212. — Archives CFDT, fonds Renault. &#8212. — Entretien, 8 avril 2015.

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