Par Jean-Louis Ponnavoy, Michel Thébault
Né le 4 septembre 1922 à Lyon (VIe arr.), exécuté sommairement le 30 novembre 1944 à Pforzheim (Bade-Wurtemberg, Allemagne) ; étudiant ; résistant du réseau SR Alliance.
Louis Payen était issu d’une grande famille de la bourgeoisie et de la soierie lyonnaise. Son arrière-grand-père, Louis Payen (1805-1893) était à l’origine de la maison de soieries L. Payen et Cie. Son grand-père Octave (1853- 1929) avait quitté la soierie pour une reconversion comme agent de change à Lyon (associé à Abel Waldmann). Parmi les enfants d’Octave, deux de ses fils Louis (1884-1916) et Pierre (1891-1916) décédèrent devant Verdun lors de la première guerre mondiale. Petit fils d’Octave Payen, Louis était le fils d’Henri Payen (1894-1933) employé puis associé dans la charge d’agent de change Waldmann, marié à Marie Antoinette Frachon (1899–1992) originaire d’Annonay, sans profession. Ils eurent cinq enfants, dont Louis, qui fut orphelin à onze ans quand son père décéda en 1933 d’une maladie contractée en captivité durant la première guerre mondiale.
Après des études secondaires chez les Jésuites à Lyon (d’abord au collège de la Trinité où il entra à l’âge de 7 ans puis à l’Externat St Joseph), Louis passa successivement un bac Latin-Français en 1938 et un bac moderne en 1939. Puis il entra en classe préparatoire à l’école militaire de Saint-Cyr, au lycée du Parc à Lyon. Dans le même temps, il poursuivait depuis l’enfance, un engagement dans le mouvement scout. Entré chez les Scouts de France en 1932 comme louveteau, il y suivit tout le cursus du scoutisme et jeune chef scout témoignant d’un profond engagement chrétien, il dirigea la troupe XIXe Lyon jusqu’à son arrestation.
Seulement admissible au concours Saint-Cyr en 1942, il décida de le représenter l’année suivante mais lors de l’invasion de la zone libre en novembre 1942, l’école militaire de Saint-Cyr repliée à Aix-en-Provence fut dissoute par les autorités allemandes. Louis Payen acquis dès l’été 40 à l’esprit de résistance, participa immédiatement avec des camarades de préparation à Saint-Cyr à des opérations de transport et de cache de dépôts d’armes. Il prit également contact avec le groupe Combat mais le quitta assez rapidement. Il rejoignit alors en février 1943, par l’intermédiaire de camarades de « prépa », et avec un camarade de lycée Jean Perrache, le réseau Alliance. Il devint membre de l’équipe de Sécurité (« Les Apaches »), placé sous les ordres de Jean Philippe Sneyers (« Escogriffe ») avec qui il avait été mis en contact. Le groupe était chargé en priorité de l’encadrement et de la protection des actions du réseau. Louis Payen participa également à la réception de parachutages d’armes dans la Loire, l’Ain et l’Isère ainsi qu’à des transports de fonds. Appelé à prendre part sous les ordres de Lucien Ernest Siegrist (« Éléphant ») au déménagement d’un poste de commandement qui avait été repéré, il fut arrêté le 11 juin 1943 au domicile de Jean-Philippe Sneyers. Le contenu du déménagement devait y être mis à l’abri mais prévenus, les agents de la SIPO-SD les attendaient dans l’appartement. Le récit donné par Marie-Madeleine Fourcade, chef du réseau Alliance, dans son livre « L’Arche de Noé » (op. cit. p. 370 et suivantes) fournit un récit circonstancié de cet événement. Un traître, Jean Paul Lien, alias Flandrin, avait réussi à pénétrer le réseau. Recruté par Jean-Philippe Sneyers qui lui faisait entièrement confiance, celui-ci l’avait chargé de faire le guet le 11 juin, ignorant qu’il était à la solde de l’Abwehr. Les conséquences pour le réseau Alliance furent catastrophiques, entraînant une vague d’arrestations sur tout le territoire.
L’appartement de la famille Payen fut perquisitionné par la Gestapo le 12 juin. La présence d’esprit et le sang-froid de sa mère, Marie-Antoinette Payen, qui avait connaissance de toutes les actions de son fils et les soutenait, (elle avait en particulier dissimulé le poste émetteur dans le fourneau de la cuisinière à laquelle elle s’adossa pendant toute la perquisition), rendirent cette perquisition infructueuse.
Louis Payen d’abord incarcéré à Lyon à la prison de Montluc, fut transféré à la prison de Fresnes (Seine, Val-de-Marne) le 26 décembre 1943 puis déporté en Allemagne et écroué à la prison de Pforzheim (Bade-Wurtemberg) le 25 janvier 1944 sous le n° 564 dans la même cellule que le père François Marty aumônier des prisons de Lyon. Le 19 mars 1944, la Gestapo de Strasbourg transmit un dossier d’accusation pour espionnage au profit d’une puissance ennemie concernant huit détenus, au Tribunal de guerre du Reich qui y apposa les tampons « secret » et « affaire concernant des détenus » ainsi que la mention "NN" (Nacht und Nebel-Nuit et Brouillard). Sans être jugé, il fut remis à disposition de la Gestapo de Strasbourg le 10 septembre 1944, ce qui équivalait à une condamnation à mort.
Lors de l’avance des Alliés sur le Rhin le 30 novembre 1944, il fut extrait de sa cellule ainsi que 17 autres hommes et 8 femmes appartenant comme lui au réseau Alliance. Après un simulacre de libération, ils furent tous conduits en camion à la forêt de Hagenschiess, à quelques kilomètres de Pforzheim et abattus d’une balle dans la nuque par les tueurs de la Gestapo Julius Gehrum, chef de l’AST III, Reinhard Brunner, Howold, Buchner et Irion puis jetés dans une fosse recouverte de terre et de branchages.
Fin mai 1945, les corps furent découverts et exhumés par les soldats français. Après avoir été identifiés, ils furent placés dans des cercueils et rapatriés en France. Un office religieux fut célébré à Lyon à sa mémoire le 6 juillet 1945 à l’église de la Rédemption et Louis Payen repose aujourd’hui au cimetière d’Écully (Rhône).
Il fut décoré de la Médaille de la Résistance par décret du 10 janvier 1947, de la Légion d’honneur et de la Croix de guerre avec palmes par décret du 6 août 1955. Il obtint la mention Mort pour la France et la mention "Mort en déportation" par arrêté du 19 avril 1996.
Son nom figure sur la stèle commémorative réseau Alliance à Pforzheim (Allemagne) ainsi que sur la plaque commémorative dans le hall d’entrée du lycée, des élèves du lycée du Parc morts pour la France 1939 – 1945.
Message adressé aux scouts de la 19ème Lyon, par Louis Payen depuis sa cellule de la prison de Montluc, en juillet 1943."Frères, scouts, du fond de mon trou, je pense sans cesse à chacun de vous, à ce camp qui doit être si chic dans la belle nature de Dieu. Pour moi, hélas ! mes horizons sont limités (2mx1 ;50m). Je tiens à vous remercier de tout ce que j’ai pu acquérir à votre contact et vous demande pardon de ne pas avoir fait plus pour vous. J’espère que, si je reviens un jour, je retrouverai une troupe toujours joyeuse, unie, fana et forte. Je compte sur vous. Quel que soit l’endroit où je me trouverai, je prierai toujours pour chacun de vous.Soyez toujours gonflés, vous n’avez pas le droit de ne pas être fanas, vous êtes le sel de la terre, vous avez donc de lourdes responsabilités. Des heures dures vous attendent, vous ferez jeunes l’apprentissage de la souffrance. Si vous n’êtes pas fort, si vous n’êtes pas prêts, tout s’écroulera en vous. Rayonnez au maximum votre christianisme, vos vertus françaises et scoutes. Ayez confiance en Dieu, vos Parents, vos Chefs. Soyez généreux et grands. Priez pour le pays, Aidez ceux qui souffrent et que Notre-Dame de la Route vous protège !".
Par Jean-Louis Ponnavoy, Michel Thébault
SOURCES : Notes, photographie et archives familiales de Louis-Michel Payen (neveu de Louis Payen). — Auguste Gerhards "Tribunal du 3e Reich", archives historiques de l’armée tchèque, à Prague, Le Cherche Midi, Paris 2014.— "Livre Mémorial des Déportés de France" de la F.M.D. tome 1.— Mémorial de l’Alliance, 1948.— Notes sur la famille Payen — Mémorial GenWeb.— État civil. —