CHARRIEAU Henri, Eugène, René

Par Alain Dalançon, David Hamelin, Gilles Morin

Né le 10 octobre 1924 à Poitiers (Vienne), mort le 20 octobre 2014 à Poitiers ; professeur de mathématiques ; militant syndicaliste, secrétaire de la section départementale de la FEN de la Vienne (1955-1960), membre du bureau national du SNPEN (FEN) (1969-1980) ; secrétaire de la fédération SFIO de la Vienne (1964-1970).

Promotion des normaliens de Poitiers au lycée Henri-IV en 1942-43. Charrieau au centre de la photo derrière le professeur

Fils unique d’un employé à l’usine à gaz de Poitiers et d’une couturière, Henri Charrieau fut baptisé par tradition et alla au catéchisme. Après l’école primaire du boulevard Coligny de Poitiers, il fréquenta l’école primaire supérieure voisine (1935-1940) comme élève boursier, et réussit le concours d’entrée à l’École normale d’instituteurs en 1940. Mais, en raison de la suppression des ENI par le gouvernement de Vichy, il fut élève-maître au lycée Henri-IV de Poitiers, obtint le baccalauréat « mathématiques élémentaires », puis prépara le concours d’entrée à l’École normale supérieure de Saint-Cloud qu’il réussit en 1944.

Dispensé du service militaire (classe 1944), muni à sa sortie de l’ENS, trois ans plus tard, d’une licence de mathématiques et du certificat d’aptitude au professorat, Henri Charrieau se maria – à l’église par tradition – en septembre 1947 à Poitiers avec Yvette Commelin, conseillère d’orientation professionnelle, avec laquelle il eut deux filles et deux garçons, dont aucun ne fut baptisé. Tout en restant domicilié à Poitiers, il entama alors une carrière de professeur certifié de mathématiques, successivement aux EN d’instituteurs d’Orléans (1947-1948), d’institutrices de Niort (1948-1952), d’instituteurs de Tours (1952-1955). Il revint ensuite dans sa ville natale, au collège moderne de garçons (1955-1960) et enfin à l’EN d’instituteurs et d’institutrices (1960-1984). Après la suppression de la préparation au baccalauréat dans les ENI, il effectua une partie de son service en classe de terminale dans les lycées de la ville (Camille-Guérin et Aliénor-d’Aquitaine).

Syndiqué à la Fédération de l’Éducation nationale dès le début de sa carrière, Henri Charrieau fut membre du Syndicat national des professeurs d’écoles normales puis du Syndicat national de l’enseignement secondaire (classique-moderne) de 1955 à 1960. Durant ces cinq années, il assura le secrétariat départemental de la FEN, à une époque où la vie fédérale était réduite, dans un département où la section départementale du Syndicat national des instituteurs, dirigée par René Bibault, était à majorité « cégétiste ». Selon son propre témoignage, Henri Charrieau, qui était scandalisé par l’attitude de soutien inconditionnel du Parti communiste français à l’URSS, notamment lors des événements de Hongrie en 1956, s’employa à essayer « de réduire l’influence communiste dans le SNI, le SNES et la FEN ». Mais en 1960, la majorité des mandats de la section départementale au congrès fédéral fut portée en faveur de la motion « Bouches-du-Rhône » et il fut alors remplacé par un militant du SNI « cégétiste », Chaumin. Ardent défenseur de la laïcité, il participa au premier rang au combat contre la loi Debré en 1959-1960 et présida le conseil de parents d’élèves de l’école primaire de ses enfants.

Henri Charrieau était devenu parallèlement un des dirigeants de la fédération de la Vienne du Parti socialiste SFIO auquel il avait adhéré en 1954. Élu lors du congrès fédéral de 1956, secrétaire fédéral adjoint chargé de l’organisation, il était secrétaire de la section de Poitiers en février 1957 et par ailleurs responsable des Cercles Jean Jaurès. À la fin des années 1950, il signa plusieurs articles dans l’hebdomadaire de la fédération, L’éveil de la Vienne, protestant notamment contre les pétitions mises en circulation par le PCF au sujet du problème algérien, mais aussi contre le retour des « disponibles ». Proche des minoritaires socialistes, correspondant du Comité socialiste d’études et d’action pour la paix en Algérie en 1958, il fut de ceux qui s’opposèrent avec force au retour du général de Gaulle au pouvoir en mai 1958, et mena campagne contre la Constitution de 1958. Il fut alors assez isolé dans sa fédération, dont le secrétaire était Henri Huyard, ancien résistant et déporté, qui avait dit ne pas avoir honte de se rallier à l’ancien chef de la France libre.

En février 1964, lors de l’assemblée générale du parti, Henri Charrieau fut à nouveau élu secrétaire fédéral en remplacement d’Huyard qui abandonnait cette fonction pour raisons de santé. Dans le même temps, il fut investi candidat de la SFIO pour les élections cantonales dans le canton sud de Poitiers, comme il l’avait déjà été en avril 1958. Au cours de cette période, il fut également candidat aux élections municipales à Poitiers. Les rapports de police le concernant le présentaient comme ayant une grande influence au sein de son parti et dans la population.
Henri Charrieau restait cependant critique vis-à-vis de l’orientation du Parti. S’il avait tenu meeting commun avec Maxime Dumas, secrétaire de la fédération communiste, à Poitiers le 24 novembre 1965, pour soutenir le candidat unique de la gauche à l’élection présidentielle, François Mitterrand, il écrivit à la direction nationale, entre les deux tours, le 12 décembre : « Nous souffrons, hélas, dans le Parti, d’une absence de politique sérieuse, et ceux qui sont proches de nous n’en sont pas dupes », et il ajoutait : « s’il n’y a pas rapidement des changements importants dans la direction du Parti, je crains que la situation mauvaise de notre Fédération soit celle de nombreuses autres, ce qui serait une catastrophe. »
L’accord électoral de décembre 1966 de désistement entre la FGDS et le PCF n’entraina pas des candidatures communes dans tous les cantons aux élections cantonales de 1967.

Toujours secrétaire fédéral en avril 1968, Henri Charrieau protesta contre la décision de la FGDS de ne pas présenter de candidat à l’élection législative de juin à Châtellerault, laissant le candidat du PCF, Paul Fromonteil, affronter seul à gauche le député-maire centriste Pierre Abelin. Cette décision relevait selon lui d’une « attitude méprisante vis-à-vis d’une toute petite fédération, dont les militants travaillent dans des conditions particulièrement difficiles, en sachant que le succès ne viendra jamais récompenser leurs efforts. » Présent à une conférence régionale de la SFIO à Châteauroux (Indre) qui suivit, il fut donc remplacé en octobre 1969 comme secrétaire fédéral par Courtade. Mais, après le départ de ce dernier en septembre 1970, il assura l’intérim.

Henri Charrieau adhéra au nouveau Parti socialiste en 1971 étant membre de la tendance « Bataille socialiste ». Dans la décennie suivante, il fut candidat aux élections sénatoriales. En 1973, il se présenta aux élections législatives dans la circonscription de Châtellerault, où la FGDS n’avait pas présenté de candidat en 1967 ni en 1968. Il avait insisté pour que cette erreur soit réparée, après la signature du Programme commun. Mais avec 7759 voix, il arriva loin derrière le candidat communiste Fromonteil (11 674 voix) au 1er tour, si bien que les deux candidats appelèrent dans un communiqué commun à voter au 2e tour pour le candidat unique de la gauche, pour une « union claire et loyale sur la base d’un programme ». Pourtant bien que Fromonteil ait presque fait le plein des voix à gauche, Pierre Abelin fut réélu.

Dans le même temps, Henri Charrieau, redevenu adhérent du SNPEN depuis 1960, en avait été secrétaire départemental jusqu’en 1968 et candidat aux élections au bureau national sur la liste des « autonomes ». Entré au bureau national en 1969 sur la liste de la « majorité nationale » favorable à la majorité fédérale, il fut réélu en 1970, second sur cette liste conduite par Henri Rogniaux, mais cette fois-ci, après la victoire de la liste d’Union conduite par Jean Tanguy, dans la minorité qui prit le nom « Unité, indépendance et démocratie » en 1971. Pendant plusieurs années, se trouvant dans la situation délicate d’être minoritaire dans sa section syndicale de la Vienne, dont le secrétaire, Jean Géron, était également membre du bureau national, il défendit avec fermeté les positions de sa tendance, en insistant surtout sur la défense des EN et de leurs personnels. Ainsi à l’assemblée générale nationale de 1970, au moment où le SNPEN s’engageait aux côtés du SNES et du SNESup dans l’élaboration d’un projet commun de formation de tous les maîtres dans des centres universitaires, il estimait que les écoles normales d’instituteurs restaient les mieux aptes pour la formation initiale des instituteurs, qu’elles « pouvaient faire du bon travail sans l’enseignement supérieur » qui n’avait pas fait preuve de réussite.

Dans la section FEN de la Vienne, où la majorité Unité et Action s’était affirmée depuis la fin des années 1960 et dont le règlement intérieur mit en place des élections sur listes d’une partie des membres du conseil fédéral, il représenta la tendance UID durant plusieurs années au cours de la décennie 1970, notamment avec Brajard, un instituteur socialiste de Châtellerault.

Sur le plan politique, Henri Charrieau, qui avait eu des désaccords avec la nouvelle génération des militants socialistes dès le congrès d’Épinay, se trouva de plus en conflit avec les partisans de François Mitterrand : Jacques Santrot, élu maire de Poitiers en 1977, puis député l’année suivante, et son chef de cabinet Alain Claeys – alors son propre gendre, futur député de la Vienne et trésorier du PS –, Édith Cresson, nouvelle candidate socialiste à toutes les élections à Châtellerault, à partir du milieu des années 1970. Il quitta le Parti socialiste à la veille des élections présidentielles de 1981 pour marquer son opposition aux méthodes en pratique dans sa fédération et à la politique du Premier secrétaire, François Mitterrand. Il cessa en même temps d’être syndiqué, alors qu’il était encore membre du bureau national du SNPEN en 1980. Il prit sa retraite en 1984.

Henri Charrieau fut toujours estimé par ses camarades et ses adversaires, en raison de sa franchise et de sa très grande rigueur intellectuelle et morale. Il refusa toujours les honneurs, même les distinctions professionnelles, bien qu’il ait été considéré comme un excellent professeur par ses élèves et collègues.
En 2006, il habitait toujours Poitiers (rue de la Chatonnerie) avec son épouse qui mourut au début du mois d’août.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article19523, notice CHARRIEAU Henri, Eugène, René par Alain Dalançon, David Hamelin, Gilles Morin, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 28 octobre 2021.

Par Alain Dalançon, David Hamelin, Gilles Morin

Promotion des normaliens de Poitiers au lycée Henri-IV en 1942-43. Charrieau au centre de la photo derrière le professeur

SOURCES : Arch. Dép. Vienne, 1 W 4326, 1 W 4328. — — Arch. FEN 86. — Arch. OURS, dossiers Vienne et fonds C. Fuzier.— Arch. Fondation Jean Jaurès, fonds Pierre Mauroy, fédérations de la Vienne (consultée par Jacques Girault) et de la Haute-Garonne. — Arch. André Seurat. — Arch. mun. Poitiers (Mme Desehu). — La Nouvelle République du Centre-Ouest. — Presse syndicale : Bulletin de la SD FEN de la Vienne, bulletin du SNPEN, Former des maîtres. — Maxime Vallée, La Fédération de la Vienne du Parti communiste français, de la mort de Maurice Thorez à la signature du Programme Commun (1964-1972) : essai d’Histoire du communisme local au prisme des archives de la Fédération de la Vienne du PCF, 2013. —
Renseignements fournis par l’intéressé et témoignages oraux de collègues et syndicalistes. — État civil.

Iconographie : " Elèves et Maîtres de l’École Normale de Poitiers, 1831-1991" André Sapin, Geste éditions / Archives de vies

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