CLERGEAUD Ludovic [CLERGEAUD Jules, Ludovic, Eugène], pseudonyme L’Incorruptible

Par Gilles Morin, Florence Regourd

Né le 22 mars 1890 à Marsais-Sainte-Radegonde (Vendée), mort le 18 septembre 1956 à Marsais-Sainte-Radegonde ; propriétaire-cultivateur ; militant socialiste de Vendée, secrétaire de la fédération de Vendée (1925-1939, 1944-1952) ; conseiller général de L’Hermenault (1937-1940, 1945-1949) ; secrétaire du CDL clandestin au titre de Libération-Nord.

Ludovic Clergeaud
Ludovic Clergeaud
candidature de Ludovic CLERGEAUD au Conseil de la République dans
La Nouvelle République du Sud-Ouest, 8 décembre 1946

Né dans le bocage vendéen, fils d’anciens domestiques de ferme, devenus journaliers agricoles après leur mariage, puis ensuite petits métayers ne sachant ni lire ni écrire, Ludovic Clergeaud passa son certificat d’études en 1901. Il fut cultivateur à Marsais-Sainte-Radegonde (Vendée). Il adhéra à la section SFIO de Foussais (sud de la Vendée) en 1909 (ou 1908 selon les sources). La fédération départementale socialiste ayant été créée en 1911, il participa à son congrès, à La Roche-sur-Yon, en 1914.

D’après ses souvenirs, il milita à la SFIO dès 1906 et participa à la création de la première fédération socialiste départementale. Il adhéra à la section SFIO de Foussais (sud de la Vendée) en 1909 d’après sa brochure (ou 1908 selon les sources) puis à celle de Maillezais (sud Vendée) en 1911. La fédération départementale socialiste, considérée comme « fictive » car elle n’était pas représentée aux congrès nationaux du parti jusqu’au VIIème congrès de Nîmes en 1910 (25 adhérents, un mandat), fut « recréée » en novembre 1911, à partir de la reconstitution des sections d’Oulmes, Maillezais et Maillé. Elle tint son congrès départemental à La Roche-sur-Yon (Vendée) en décembre 1911 mais ne fut pas représentée aux deux sessions du congrès national de 1911. Ce n’est qu’à partir du IXème congrès de 1912 qu’elle fut représentée (34 adhérents en 1912, 112 en 1913, 125 en 1914) par Marcel Coste. Au service militaire, Ludovic Clergeaud ne put assister aux congrès de la fédération départementale, de 1911 à 1913. Il participa à celui de février 1914 à La Roche-sur-Yon.

Ludovic Clergeaud fit un service actif de deux ans et deux mois à Poitiers, de la fin 1911 à 1913, puis cinq ans et un mois de guerre de 1914 à 1919. Mobilisé au 249ème régiment d’artillerie en 1917, il bénéficia d’une permission pour épouser civilement le 18 décembre Alice Métais, (1892-1967) alors servante, originaire de Saint-Cyr des Gâts, fille de fermiers installés à La Maisonnette. Le couple n’eut pas d’enfant.

Candidat sur la liste socialiste aux législatives de 1919, il obtint le score le plus élevé avec 3 140 voix (moyenne de liste : 2989 voix), sans oublier que la liste élue [d’Union nationale] en obtenait, en moyenne, 47 550, ce qui donne une idée de l’implantation des socialistes en Vendée.

Libre penseur, il fut dès juin 1914 au moins, président de la Libre Pensée socialiste de l’Ouest , un groupement qui avait succédé à la Libre Pensée socialiste des Deux-Sèvres et de la Vendée, active dans le sud du département vendéen depuis sa création en 1903 et qui couvrit également la Charente-Inférieure. En 1919 et 1920, Ludovic Clergeaud apparaissait comme vice-président de la Libre Pensée socialiste de l’Ouest. Après la constitution de l’Association Républicaine des Anciens Combattants (ARAC) en Vendée, en 1920, Ludovic Clergeaud y adhéra et dans ses articles du Prolétaire de la Vendée, il reproduisait la ligne antimilitariste et pacifiste de ce groupement d’Anciens Combattants. Il était alors abonné à La Paix par le droit, revue mensuelle" Pour la Société des Nations". Ludovic Clergeaud adhérait également à la Ligue des Droits de l’Homme et du Citoyen depuis 1913.

Ludovic Clergeaud fut délégué au congrès de Strasbourg de la SFIO en février 1920 et au congrès de Tours, en décembre, avec Edmond Guillou. Il y vota pour la motion de reconstruction proposée par Longuet. L’ensemble des sections vendéennes, sauf celle de La Roche-sur-Yon, s’étant prononcé pour l’adhésion à la IIIème Internationale, Clergeaud suivit Guillou dans la création du Parti communiste en Vendée. Avec ce dernier, en 1921, il fut poursuivi pour provocation de militaires à la désobéissance, à la suite d’une campagne d’affichage sur le thème : « À bas la guerre ». Ils bénéficièrent tous les deux d’un non-lieu, après une perquisition sans résultat. Clergeaud animait alors la section fontenaisienne (Fontenay-le-Comte) de la SFIC ainsi que la section cantonale créée à L’Hermenault en novembre 1922. Ludovic Clergeaud adhéra alors au Comité de défense communiste avec Frossard, Victor Méric, Georges Pioch créé au retour du IVème congrès de l’Internationale, devenu Comité d’unité communiste. En désaccord avec Edmond Guillou, Clergeaud fut exclu du PC en janvier 1923, au congrès fédéral de Chantonnay, officiellement comme signataire de la déclaration du Comité de défense communiste. Il fonda alors la « Fédération de Vendée du Parti Communiste Unitaire » (PCU) suivant ainsi Frossard en novembre 1923. Un journal « Le Travailleur charentais » dont Jean Antoine*, maire de Ruelle (Charente-Inférieure) et conseiller général était le directeur, joua pour la fédération de Vendée l’équivalent de L’Égalité de Frossard au niveau national. Ludovic Clergeaud représentait la Vendée au 1er congrès du PCU en avril 1924 à Saint-Ouen. Après fusion avec l’Union fédérative des Travailleurs socialistes révolutionnaires de France et la création d’une Union socialiste communiste (USC) devenue Parti socialiste communiste (PSC), la fédération vendéenne revendiquait une trentaine d’adhérents. C’est à cette époque que Clergeaud tentait d’organiser les métayers en syndicats agricoles ; il était en correspondance avec un syndicat de métayers, fermiers et domestiques du Lot-et-Garonne où militait le communiste Renaud Jean. Clergeaud écrivait dans La Voix Paysanne. L’existence de la Fédération de Vendée socialiste et communiste fut éphémère puisqu’elle fusionna avec la SFIO en juin 1924. Désormais, Clergeaud y milita ; il en fut continuellement secrétaire fédéral, à partir de 1927 quand il remplaça Roger Guillot jusqu’à 1939, dernier congrès fédéral avant la Guerre. En 1937, les socialistes vendéens revendiquaient près de 900 adhérents, en accueillant Georges Monnet contre moins de 300 au moment de la reconstruction de la fédération.

Candidat aux élections législatives de 1932 dans la première circonscription de Fontenay-le-Comte où il obtint 549 voix, soit plus de 3 % des suffrages exprimés, aux cantonales de l’Hermenault (Vendée) en 1934 (458 voix), il obtint son premier mandat électif comme conseiller municipal de Marsais-Sainte-Radegonde en 1935. Premier socialiste élu à l’assemblée départementale, il fut élu conseiller général de L’Hermenault en octobre 1937, avec 712 voix au premier tour, soit plus de 30 % des suffrages exprimés et 1282 voix sur 2507 votants au second tour, contre un candidat de droite inscrit au Parti Social Français (PSF). Ludovic Clergeaud fut désigné assesseur d’une séance au congrès national de la SFIO à Nantes en mai 1939. Durant ces années Trente, il milita par ailleurs dans le syndicalisme paysan, mais celui-ci n’eut jamais une véritable influence dans le département. Il travaillait alors à l’Office National Interprofessionnel des Céréales (ONIC) comme contrôleur à La Roche-sur-Yon, dont il fut officiellement retraité en 1952.

Durant l’Occupation, Clergeaud conserva son mandat d’élu municipal à Marsais-Sainte Radegonde mais fut évincé par Vichy de son mandat de conseiller général ; bien entendu, il ne fit pas partie du conseil créé en 1942. Il fut contacté pour reconstruire le PS clandestin. Il aurait été convoqué à Paris en 1943 pour ce faire et aurait rencontré Daniel Mayer, Jean Meunier, Robert Mauger, Edmond Grasset et Émile Bêche. La Gestapo vint deux fois à son domicile. Dans un témoignage recueilli après la guerre, Ludovic Clergeaud évoque la visite de Tanguy-Prigent, l’organisation de réunions clandestines et la distribution de tracts et de journaux. Certains de ses correspondants résistants du réseau Libé-Nord furent arrêtés, torturés, l’un d’entre eux, Athanase Boisliveau , de l’Aiguillon-sur-Mer mourut en déportation. C’est à ce moment-là que Clergeaud partit de Vendée, menacé lui-même. Il revint pour siéger au Comité Départemental de Libération (CDL).

Membre du CDL clandestin puis du premier Comité départemental de Libération en septembre 1944, secrétaire du CDL, Clergeaud fit partie d’une commission d’épuration.

Il fut de nouveau secrétaire fédéral du Parti socialiste SFIO de novembre 1944 à 1952, et en 1954. En fait, depuis 1949, Charles Herbert exerçait la fonction, Clergeaud, devenu impotent, n’assistait plus aux congrès. La fédération de Vendée avait alors 56 sections et 2000 adhérents, elle tenait 36 mairies avec 79 conseillers municipaux. Elle avait encore un député Georges Gorse. Ludovic Clergeaud avait donné sa démission au congrès fédéral de 1953, il y fut nommé président fédéral « à vie ».

Réélu conseiller général en septembre 1945 sans véritable opposition de droite, avec 2126 voix sur 3868 suffrages exprimés, il fut battu en 1949, avec 1 451 voix au premier tour sur 4579 suffrages exprimés, contre 2 369 voix au candidat PRL (Parti Républicain de la Liberté) et 758 au communiste. Ludovic Clergeaud, gravement malade, ne put réellement faire campagne pour les cantonales. Il représenta également son parti, sans espoir d’être élu, aux élections législatives d’octobre 1945 (3e sur 5 candidats), de juin 1946 (2ème sur 5 dans la liste conduite par Georges Gorse) et de novembre 1946 (1er sur 4), ainsi qu’au Conseil de la République en décembre 1946, novembre 1948 et enfin aux sénatoriales de mai 1952 pour la Liste d’Union pour la Défense de la République, associé à un radical-socialiste.

Militant laïque de la première heure, Ludovic Clergeaud fut élu président d’honneur de l’Amicale Laïque de Marsais Sainte Radegonde à sa création en 1951. Il fut promu chevalier de la Légion d’honneur en 1947.

Ludovic Clergeaud mourut dans sa commune d’origine le 18 septembre 1956.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article20173, notice CLERGEAUD Ludovic [CLERGEAUD Jules, Ludovic, Eugène], pseudonyme L'Incorruptible par Gilles Morin, Florence Regourd, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 15 avril 2020.

Par Gilles Morin, Florence Regourd

Ludovic Clergeaud
Ludovic Clergeaud
candidature de Ludovic CLERGEAUD au Conseil de la République dans
La Nouvelle République du Sud-Ouest, 8 décembre 1946
Sous la bannière socialiste au congrès fédéral de Luçon en 1928
(fonds du PS, CDHMOT de Vendée).
Ludovic Clergeaud soldat
Ludovic Clergeaud soldat
Cliché famille Métais.
Florence Regourd, Ludovic Clergeaud (1890-1956). Méyayer. 50 ans d’engagement en Vendée, Geste édition, 2013.
Alice Métais
Alice Métais

ŒUVRE : Le Socialisme en Vendée, brochure, 1939. — Collaboration au Prolétaire de la Vendée dans les années 1920 et 1921.

SOURCES : Arch. Dép. Vendée, 4 M 403, 3 M 242, 272 et 273, 28 W 416,421. — Arch. Nat., F/1a/3228, 3229 et 3240 ; F/1bI/984 ; F1c/II/249, 270, 281 ; F/1cIV/155. — Arch. Dép. Deux-Sèvres, 4°P 119. — Arch. D. Mayer, 3 MA 28. — Arch. OURS, dossiers Vendée et biographique. — PS-SFIO, Rapports du XXXIIe congrès national, Libairie populaire, 1938. — Notice DBMOF. — L’Humanité, 18 janvier 1923. — La Vendée libre, 17 septembre 1944 et 5 août 1945. — — Le Socialiste de l’Ouest, 20 novembre 1903. — Le Prolétaire de la Vendée, du n°1, novembre 1919 à 1921. — Fonds de la Fédération socialiste de Vendée déposés au CDHMOT de Vendée (PS 9-10-11-13)— Florence Regourd, La pénétration des idées socialistes en Vendée avant 1945 dans la Lettre d’information du CDHMOT, n°11, 2003. Florence Regourd, Ludovic Clergeaud et la fédération socialiste communiste de Vendée dans la Lettre d’Information du CDHMOT, n°17, 2012. — Témoignages d’habitants de Marsais-Sainte Radegonde (2012). — Florence Regourd, Ludovic Clergeaud (1890-1956). Métayer. 50 ans d’engagement en Vendée, Geste édition, 2013.

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