DUMONT René.

Par José Gotovitch

Anderlecht (pr. Brabant, arr. Bruxelles ; aujourd’hui Région de Bruxelles-Capitale), 23 juin 1910 – Bruxelles, 3 mars 1978. Chirurgien, militant communiste, médecin-chef dans les Brigades internationales en Espagne, résistant.

Frère d’Albert, René Dumont, diplômé en 1936, ne milite pas durant ses études mais il compte plusieurs amis parmi les Étudiants socialistes unifiés (ESU), dont Pierre Laisnez et Émile Altorfer. Parti suivre à Berlin (Allemagne) l’enseignement d’un spécialiste de la chirurgie thoracique, il est particulièrement secoué par le déclenchement de la guerre d’Espagne.

Rentré à Bruxelles, René Dumont remet entre les mains de Pierre Joye son affiliation au Parti communiste belge (PCB). Il s’embarque pour Paris. Là, le docteur Pierre Rouquès, qui coordonne l’aide médicale et sanitaire sur le plan international, l’aiguille vers l’Espagne. En novembre 1936, Dumont est à Albacete (pr. Albacete), la base des Brigades internationales, où il constitue, avec le médecin viennois Fernand Neuman, célèbre chirurgien, chef de service à la clinique universitaire des Hôpitaux de Bruxelles, le service de santé de la base. En décembre, Dumont monte l’antenne chirurgicale de Benicassim (pr. Castellõn) qu’il organise entièrement dans des conditions précaires, assisté d’un autre Viennois, le docteur Fischer. Il y reçoit et opère les centaines de blessés de Teruel (pr. Teruel). Nommé capitaine de la XIVe Brigade, il rentre en Belgique à la dissolution des Brigades internationales en novembre 1938.

René Dumont va déployer alors, en liaison avec Madame Brachet, mère de Pierre Brachet, une intense activité en faveur des victimes de la guerre d’Espagne mais aussi des immigrés allemands. La police s’intéresse de près à ses faits et gestes et La Libre Belgique dénonce les facilités qu’il accorde aux blessés d’Espagne à l’hôpital Brugmann où il est assistant.

Le docteur Dumont milite désormais activement. Comme très rare propriétaire d’une automobile, une Chevrolet, aux côtés d’une jeune militante en manteau de fourrure, (Madeleine Drabbé-Demoiulin) il participe à la diffusion de la presse semi-légale du Parti en province pendant la « Drôle de guerre » (septembre 1939-10 mai 1940). Il accomplit également une mission de liaison à Paris au cours du procès des députés communistes français. Il propose à la Société de chirurgie les connaissances acquises en Espagne dans le domaine de la chirurgie de guerre. Il est invité à conférencier sur le sujet devant les médecins du 2e Corps d’Armée.

Emigrés allemands et Juifs connaissent bien son nom et viennent se faire soigner et opérer chez lui, et ce longtemps encore sous l’occupation. Il acquiert et gardera dans ces milieux une image de bienfaiteur qui ne se démentira jamais.

La guerre surprend René Dumont à Bruxelles où, avec le conseiller communal et administrateur de la CAP, le docteur Albert Marteaux, il fait le constat de la disparition des médecins et chirurgiens. Il dénonce la « panique des fuyards » et le chaos des hôpitaux dans Liberté, le journal inspiré par le PC en mai-juin 1940. Il plaide pour une idée chère à Marteaux, l’intercommunalisation des services hospitaliers. Il participe à des entretiens menés par Marteaux avec von Falkenhausen sur ce sujet, conversations sans lendemain.

René Dumont travaille désormais à l’hôpital Saint-Pierre et préside au regroupement des militants, médecins, étudiants, infirmières, qui se réunissent pour étudier le marxisme et l’histoire du PC de l’URSS. Il n’est pas inquiété le 22 juin 1941, mais il insiste désormais pour que l’action armée soit déclenchée. Il se propose même de gagner l’URSS afin de mettre ses connaissances au service de l’Armée Rouge ; il parle en effet le russe ! Cette autorisation lui est refusée ! En août 1941, la direction du Parti communiste le convoque et le met en rapport avec Paul Nothomb, afin de mettre sur pied une organisation de lutte armée. Il prend en charge la partie technique. Vu la pauvreté en cadres, il lui est recommandé de travailler avec des non-communistes et de ne pas donner à cette activité une coloration communiste. Mais en 1941, ce type de recrutement se révèle quasi impossible. René Dumont compte donc sur la collaboration de deux autres ingénieurs communistes, Willy Jeunehomme* et Jacques Grippa*. Mais au quotidien, il travaille avec un chimiste autrichien, ancien d’Espagne, Bruno Weingast. Ils mettent au point des engins incendiaires et explosifs qui alimenteront les premières actions des Partisans armés (PA). C’est ainsi qu’ils fabriquent la bombe qui ravage la centrale rexiste de la rue de Laeken le 2 octobre 1941. Dumont installe trois laboratoires rudimentaires dans trois communes bruxelloises : avenue Coghen à Uccle, rue Gray à Ixelles-Etterbeek et à Berchem. Mais celui de la rue Gray explose, des incendies se produisent dans les autres...

René Dumont passe la main à Jean Guillissen, ingénieur de l’ULB, mais l’arrestation rapide de ce dernier le contraint à reprendre le service. Pour se procurer du matériel, il trouve le contact avec des membres du service de renseignements Marc. Un nouvel incident, au début de 1943, l’oblige à l’arrêt. Dumont soigne encore les militants clandestins, les partisans blessés. Le Parti lui enjoint alors de passer dans l’illégalité. Il refuse et est coupé de tout contact. Mais il recueille et soigne un partisan armé blessé et en fuite. Ironie du sort, il est de garde à l’hôpital Saint-Pierre au moment de l’attentat contre le journaliste et critique d’art, le collaborateur Paul Colin, perpétré par le jeune partisan, Arnaud Fraiteur. C’est à René Dumont que revient donc de tenter de sauver Colin. Convoqué à la Gestapo, il s’y rend – à l’encontre des directives du Parti aux militants − et est immédiatement arrêté, le 15 juin 1943. Le partisan armé, blessé, est pris et il parle.

Jugé par le Tribunal spécial d’Essen, René Dumont connaît la déportation : il part de la prison de Saint-Gilles (Bruxelles), pour Gross-Strehlitz (Strzelce Opolskie, Opole, Pologne) puis Gross Rosen (Basse-Silésie, Pologne). Dans les camps, il soigne les malades.

Rapatrié via Prague, le 22 mai 1945, René Dumont encourt un blâme sévère du PCB pour « avoir livré un homme à l’ennemi », c’est-à-dire lui-même ! Il reconnaît son indiscipline et fait son autocritique. Il n’en figure pas moins sur la liste électorale de Bruxelles aux élections communales de 1946 et est délégué au premier Congrès national du parti d’après-guerre. La popularité de René Dumont est grande. Il va cependant s’éloigner peu à peu du parti, tout en demeurant communiste et en gardant des contacts chaleureux avec ses anciens camarades qu’il soigne généreusement. Il exprimera quelque sympathie pour le maoïsme sans adhérer à une quelconque organisation.

René Dumont épouse après la guerre Josée Vandervorst (née le 1er décembre1920), militante aux Jeunes gardes socialistes (JGS) qui a été courrière illégale de la direction nationale du Parti sous l’Occupation.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article204034, notice DUMONT René. par José Gotovitch, version mise en ligne le 1er juin 2018, dernière modification le 13 janvier 2020.

Par José Gotovitch

SOURCES : Interview de René Dumont, 3 février 1975 − CArCoB : dossier CCP – Le Drapeau rouge, 22 mars 1978 – Liberté, n° 21, 13 juin 1940 – GOTOVITCH, J., Du Rouge au Tricolore. Les communistes belges de 1939 à 1944, Bruxelles, Labor, 1992.

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