DELÉCLUSE René, Louis, Auguste

Par André Caudron

Né le 1er novembre 1924 à Roubaix (Nord), mort le 4 mai 2003 à Roubaix ; permanent de la JOC (Jeunesse ouvrière chétienne) en France (1946-1955), animateur de la JOC internationale en Inde et en Asie du Sud-Est (1956-1967) ; adjoint socialiste au maire de Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne) de 1977 à 1983 ; directeur de la Fédération nationale de l’aide familiale à domicile (1982-1987).

René Delécluse en 1949
René Delécluse en 1949

Les parents de René Delécluse, second de leurs trois enfants, furent d’abord concierges de filature. Le père, ouvrier typographe, militant associatif du quartier du Fresnoy à Roubaix, devint artisan imprimeur ; la mère, femme pieuse, fut visiteuse de confection avant de rester au foyer. René Delécluse fréquenta l’école catholique jusqu’au brevet élémentaire. Joueur de clarinette, il allait manifester toute sa vie un goût très vif pour la musique classique et le jazz.

Employé à la Société de filature de Tourcoing de 1939 à 1943, excepté la parenthèse de l’exode à Berck (Pas-de-Calais), il éprouva une révélation d’ordre religieux à la lecture de L’Élu de Maxence Van der Meersch. Il rejoignit la JOC, redonna vie à la section de son quartier, en devint rapidement président et monta une troupe de théâtre, le Cercle dramatique Jeanne d’Arc, dans sa paroisse.

Son père le prit alors dans son imprimerie, amorçant une complicité financière qui dura plusieurs années : le salaire perçu par le fils pour un emploi fictif le rendait disponible pour ses engagements militants. C’est ainsi que le jeune homme séjourna près d’un an outre-Manche, en prélude à son départ pour l’Inde. Président fédéral jociste de décembre 1944 à 1948, puis responsable de la « Côte » – Dunkerque, Boulogne, Saint-Omer, Bergues, etc. – depuis la Libération, René Delécluse était très proche d’Eugène Descamps, responsable de la JOC lilloise, et de René Salanne*, autre permanent, qui l’aideraient plus tard à se réintégrer dans la société française au retour de ses missions en Asie.

En 1947, il gagna le secrétariat général à Paris comme responsable des jeunes apprentis. Menacé par la tuberculose, il fit un séjour de convalescence dans une maison religieuse de Saint-Pélagiberg (Suisse), où il rencontra Jeannette Dussartre, alors responsable de la Fédération nationale des jeunes travailleuses. Une idylle parut s’ébaucher mais René Delécluse, non sans hésitation, choisit le célibat. Permanent national de la JOC jusqu’en 1953, il fut un temps propagandiste de « l’action au travail » et responsable du secteur de la métallurgie sur le plan parisien. Il fit alors un bref stage de manœuvre chez Citroën.

S’étant mis au service d’une « spiritualité de dépouillement exigeante », il partit développer une JOC adaptée en organisant des sessions de formation de dirigeants, jeunes et adultes, dans des pays asiatiques : Inde, Pakistan, Malaisie, Ceylan, Singapour. C’est en 1956 qu’il fit ses premiers pas en Inde comme enquêteur stagiaire de la WAY qui regroupait des mouvements de jeunesse. Il avait pour tâche d’assurer aux jeunes travailleurs un soutien et une dynamique permettant de sortir de leur asservissement. « Mon travail pour la JOC d’ici, disait-il, n’est-il pas quelque chose d’évangélisateur ? Travailler avec l’Inde, ouvrir progressivement les cœurs, aiguiser leurs aspirations, les rendre capables de solutionner d’eux-mêmes les problèmes missionnaires de l’Inde ».

Appuyé par la JOC internationale (JOCI), René Delécluse allait aider, en qualité d’extension worker, autrement dit d’expert/agent de développement jociste, les organisations préalablement créées en Inde, dans la province de Madurai, à Madras et à Bombay, avec le concours d’Yvonne Tap*, ex-secrétaire nationale de la JOCF, partie à Madras pour quatre ans. Dès 1956, il parcourut plus de cinq mille kilomètres, dans des conditions volontairement précaires, pour inventorier les quelque trente sections jocistes indiennes alors existantes. Le père Cardjin, fondateur de la JOC, approuva sa démarche et se rendit lui-même plusieurs fois en Inde.

De retour en France en 1958, René Delécluse attendit longtemps, sans responsabilité, un nouveau visa pour l’Inde, qu’il obtint enfin, et il regagna l’Asie en janvier 1959. Il était chargé de compléter la formation des cadres locaux et surtout d’étudier sur place comment mieux remplir sur ce continent la mission éducative des mouvements de jeunesse en respectant le passé, les traditions et la psychologie des populations. Initié au journalisme, avant son départ, dans le groupe Bayard Presse, il fut aussi correspondant de La Croix et de onze journaux différents au Pakistan, à Ceylan, en Malaisie et à Singapour, pendant quatre mois, puis il renonça à ce métier incompatible avec son rôle d’expert de la JOC.

Membre de la commission d’études de la JOCI pour l’Asie, il fit des visites prospectives en Indonésie, à Sarawak, à Brunei, en 1960, et contribua à une compréhension plus fine du continent. En 1958-1959, il avait pris part à l’organisation de la seconde visite de Mgr Cardjin à Madras, à Ceylan et en Malaisie, et du premier rassemblement national des jocistes indiens à Bandel (Calcutta). Il définissait alors sa vocation comme celle d’un « apôtre laïc », destiné à « mettre sur pied un apostolat ouvrier en Asie ». Parmi ses livres de chevet figurait Au cœur des masses du père René Voillaume*.

En 1962, René Delécluse revint en France après quatre années de travail intense. Il retrouva Singapour l’année suivante pour la diffusion de l’encyclique Pacem in terris de Jean XXIII et accompagna le pape Paul VI à Bombay en décembre 1964. Il revit Bangkok en novembre-décembre 1965 pour le IIIe conseil international de la JOC, tenu pour la première fois dans un pays à prédominance bouddhiste. Il n’y prit d’ailleurs pas la parole, afin de laisser toute la place aux Asiatiques. Il faisait alors de courtes visites en « touriste », sans visa de séjour. En Malaisie, il prit part à l’effort de formation des jeunes dans des « camps » de préparation au travail. Proche des militants et leaders syndicaux, il travailla en 1965 au lancement des sections d’une organisation appelée « Familles chrétiennes/Mouvement social » (CFSM). Il avait aussi soutenu en 1964 la fondation du Mouvement des travailleurs chrétiens adultes, ex-jocistes, à Bangalore (Inde).

Ayant refusé, étant souffrant, le poste de secrétaire général du Mouvement mondial des travailleurs que lui proposa Cardjin en 1966, René Delécluse quitta définitivement l’Asie en 1967, comme il l’avait prévu, « sans quoi ils ne se sentiront jamais responsables ». Il quitta Bombay le 10 août, toujours en stop, et lui qui était devenu « une référence », participa discrètement au congrès mondial de l’apostolat des laïcs en octobre.

Logé provisoirement au secrétariat de la JOC à Paris, René Delécluse s’occupa du « service populaire jociste » jusqu’en janvier 1968. Il traversa une difficile période de déphasage : « L’Asie, disait-il, a brisé mes liens avec la société française ». Grâce à son ami Alfred Martinache*, ancien permanent jociste, il trouva un poste de permanent lié au Tiers-monde, avec la responsabilité des sessions de coopérants, à l’Institut de recherche et de formation éducation et développement (IRFED), fondé par le père Louis Joseph Lebret*.

Installé à Villiers-sur-Marne depuis 1968, proche du PSU de son animateur local André Jondeau, admirateur de Pierre Mendès France et de Michel Rocard, René Delécluse s’investit dans la commission Tiers-monde du Parti socialiste après le congrès d’Épinay et devint secrétaire de sa section locale. Candidat aux élections municipales de 1977 sur la liste d’Union de la gauche menée par le socialiste Serge Delaporte, il fut élu adjoint au maire de sa commune, chargé des finances, de 1977 à 1983.

Collaborateur de Faim et développement depuis 1968, René Delécluse était entré en 1971 au Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD). Il s’occupa notamment du Bangladesh et fut responsable de cette revue jusqu’en 1978. Il fut ensuite attaché commercial, chargé des relations extérieures, de Voyages vacances tourisme (VVT) pendant deux ans, et dirigea la Fédération nationale de l’aide familiale à domicile (FNAFAD) de 1982 à sa retraite en 1987. Atteint de la maladie de Parkinson dans les années 1980, il souffrit plus tard de celle d’Alzheimer et mourut dans une résidence pour personnes dépendantes de sa ville natale.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article22011, notice DELÉCLUSE René, Louis, Auguste par André Caudron, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 22 novembre 2022.

Par André Caudron

René Delécluse en 1949
René Delécluse en 1949

ŒUVRE : Situation jociste au Pakistan : Pakistan Est, Pakistan Ouest, 1959, rapport en anglais, 32 p. dactyl. — ABC de la JOC, Catholic center, Madras, 1959, 45 p. — Collaboration à Faim et développement, revue du CCFD, 1968-1970.

SOURCES : Arch. JOC (SG) : fichier JOC. — Arch. JOC (Arch. Dép. Hauts-de-Seine) : appels de permanents, responsables, propagandistes, arrivées (44J-917E). — Eugène Descamps, Autobiographie, Militer, Fayard, 1971, p. 51. — Frank Georgi, Eugène Descamps chrétien et syndicaliste, Éd. de l’Atelier, 1997. — La JOC internationale en Asie et dans le Pacifique, 1929-2000, Ed. International Cardjin Foundation. — Michel Fiévet, René Delécluse Routard de l’absolu, préface de Pierre Pierrard, postface de Jacques Delors, Bry-sur-Marne, La Toison d’or, 2004. — Jeannette Dussartre-Chartreux, Destins croisés. Vivre et militer à Limoges, Karthala, 2004, p. 14. — Vivre à Villiers, juin 1978, novembre 1980, décembre 1988. — Documents conservés par Michel Delécluse, neveu de René. — Notes d’Éric Belouet. — État civil de Roubaix.

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