DAUCÉ Noël, dit Yannis, Cochise, Gueguen

Par Bernard Thièry, Jean-Paul Salles

Né le 4 janvier 1951 à La Chapelle-Chaussée (arr. de Rennes, Ille-et-Vilaine) ; ouvrier, employé des PTT, de l’ANPE, de Pôle Emploi dans le Val-de-Marne, dans l’Essonne, la Seine-Saint-Denis, à Paris ; militant puis secrétaire national et secrétaire de branche CFDT-ANPE, SNTE-CFDT, au Bureau Fédéral de la Fédération PSTE-CFDT ; secrétaire général SNU-ANPE puis SNU-Pôle-Emploi ; membre du Bureau national SNU-PE ; membre du secrétariat national SNU-TEFI ; membre du Secrétariat et du Bureau Fédéral de la FSU ; président du centre de formation FSU ; membre du CESE ; au lycée militant d’un CAL, puis militant à l’AJS, à la LC/LCR, dirigeant de section et de la fédération LCR du Val-de-Marne ; membre du CC de la LCR, militant NPA, GA, Ensemble, Ensemble Insoumis.

Noël Daucé naquit à La Chapelle-Chaussée ( Ille-et-Vilaine). Son père, Henri, Pierre, Marie Daucé né à Romillé (arr. de Rennes) le 30 octobre 1925, est décédé le 4 juillet 2008 à Créteil (Val-de-Marne) ; il fut chef-comptable à la confiserie Chabot à Saint- Maur-des-Fossés (Val-de-Marne), dans des garages Citroën de la région parisienne (Neuilly-sur-Seine, Pontoise, Enghien-les-Bains). Sa mère Marie-Joseph, Léontine Denoual est née à Cardroc (arr. de Saint-Malo, Ille-et-Vilaine) le 2 février 1925 ; elle fut coiffeuse. Elle s’engagea dans la Résistante avec les Forces françaises de l’Intérieur (FFI) en mai 1942 dans le secteur Pléneuf-Val-André (arr. de Saint-Brieuc, Côtes-d’Armor). Son groupe comprenait cent-vingt-quatre volontaires. Elle fut agent de liaison, contribua à des transports d’armes et à des parachutages. Elle rejoignit le maquis suite à une dénonciation. Elle participa aux combats de la Libération du secteur de Pléneuf-Val-André. À partir du 31 Août 1944, elle fut intégrée avec son groupe au 14e bataillon Rangers. Elle combattit avec ce bataillon sur le front de la poche de Lorient (Morbihan) du 15 septembre 1944 au 10 mars 1945. Elle combattit également dans le secteur d’Erdeven-Belz (arr. de Lorient, Morbihan), dans la poche de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique). Elle fut engagée volontaire et auxiliaire féminine de l’armée de terre (AFAT), vaguemestre, puis assistante sociale. Du 20 février au 11 décembre 1945, jour de sa démobilisation, elle a été affectée au 21e Régiment d’Infanterie. Elle fut décorée de la Croix de Guerre avec trois citations, de la médaille de la Résistance et de combattant Volontaire de la Résistance. Henri et Marie-Joseph se marièrent le 19 juin 1948 à La Chapelle-Chaussée. Noël Daucé fut leur enfant unique. Le grand-père paternel, Pierre Daucé, était né le 4 janvier 1890 à Saint-Gondran (arr. de Rennes). Il est décédé à La Chapelle-Chaussée le 15 juin 1970, là où il avait été agriculteur. Il avait été soldat pendant la Première Guerre mondiale dans un régiment d’artillerie. Il fut le Maire de cette même commune de 1958 à son décès. Il s’était marié le 8 octobre 1923 avec Marie-Reine Célestine Rastel, née le 10 septembre 1900 à La Chapelle-Chaussée, décédée le 6 avril 1972 à Rennes ; elle fut agricultrice.
Le grand-père maternel, Jean Baptiste Denoual né en 1897 à Irodouër (arr. de Rennes), fut couvreur ; il décéda le 27 juin 1981 à Bazouges-sous-Hédé devenue Hédé-Bazouges en 2011 (arr. de Saint-Malo, Ille-et-Vilaine) ; combattant de la Première Guerre mondiale, il fut décoré de la médaille militaire, de la croix de guerre et fut fait chevalier de la Légion d’Honneur. Son épouse Anna, Marie, Léonie Denoual, née en 1901 décéda à Rennes en 1938 lors de la naissance de son douzième enfant.
Noël Daucé fréquenta l’école maternelle catholique du Sacré-Cœur à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne), l’école primaire privée Pasteur à Joinville-le-Pont (Val-de-Marne), puis l’école communale du centre à Saint-Maur-des-Fossés. Il fut enfant de chœur. Influencé par le marxisme, à quinze ans il déclara à ses parents abasourdis et incrédules qu’il n’était plus croyant et que désormais, sa philosophie de vie était le matérialisme dialectique et le matérialisme historique. Il suivit ses études secondaires au collège-lycée d’Arsonval de Saint-Maur-des-Fossés jusqu’en classe de première. À son adolescence, il fut marqué, lors d’un séjour de vacances en Alsace avec ses parents, par la visite du camp de concentration du Struthof (Neitzwiller).
Noël Daucé quitta le domicile familial dès ses dix-huit ans pour habiter en face de chez ses parents avec son copain Jacques Maudy. S’il quitta précocement le domicile familial, c’est qu’il était en désaccord violent avec son père qui, au travers de ses réseaux professionnels chez Citroën, était très proche de l’extrême droite. Il fit des petits boulots pour assurer son autonomie tels qu’intérimaire et pompiste. Noël Daucé a connu un cheminement de radicalisation similaire à celui de nombreux jeunes de sa génération. La résistance au nazisme fut déterminante dans ses engagements. Il aurait pu en faire une lecture gaulliste découlant des engagements de sa mère pendant l’Occupation. Mais il vouait une immense admiration aux FTP-MOI (Francs-Tireurs-Partisans Main-d’œuvre-immigrée). Marcel Rajman, Marcel Langer, Missak Manouchian et combien d’autres remplissaient son panthéon intérieur. Cet internationalisme prolétarien en acte le fascinait. Ce pan de l’histoire proche lui transmit une haine farouche du nazisme et de l’extrême droite qui le conduira vers la Ligue communiste (LC), vers son Service d’Ordre, pour mettre ses actes en harmonie avec ses pensées. Avant mai 68, il était entré en relation avec les parents de sa petite amie de l’époque, Joëlle Jannot, qui étaient au PSU. Sa mère était professeure à l’Institut national d’agronomie au Quartier latin à Paris ; son père était professeur à l’école des Beaux-Arts. Ce couple répondait à ses interrogations et provocations ; ils étaient proches des mouvements catholiques de gauche, de la théologie de la libération, et écologistes avant l’heure. Noël Daucé à cette période alla à une réunion dans la salle du 44 de la rue de Rennes, en face de l’église Saint-Germain-des-Près (Paris VIe arr.), pour écouter une intervention d’un proche du philosophe pacifiste italien Lanza del Vasto. Ce jour-là, sur une table de vente à la sortie, il trouva Le socialisme et l’homme d’Ernesto Che Guevara édité en 1967 dans la petite collection Maspero, livre qui le fascina. Contrairement aux parents de Joëlle, il n’était absolument pas pacifiste, pensant que si « des choses sérieuses se passaient », les bulletins de vote seraient loin de suffire.
Noël Daucé était, comme des milliers de jeunes de l’époque, en solidarité totale avec les combats anti-impérialistes du peuple vietnamien, militant notamment dans la cadre du Front solidarité Indochine (FSI). Il se lia avec son professeur de karaté de l’époque, Nguyen Tich Ky, expert en arts martiaux et membre du Parti communiste vietnamien. Quelques années plus tard, il fonda avec lui l’Association Culture et Entraide Europe-Vietnam (ACEEV), petite association de solidarité avec le Vietnam. Il continua le Karaté, style Wado Ryu, avec un remarquable professeur japonais Hiroji Fukazawa.
Noël Daucé était admiratif des révolutionnaires cubains. Il avait cette vision particulière selon laquelle c’était au travers des luttes de libération nationale et anticoloniale que l’histoire de l’humanité était en marche, alors que dans les métropoles impérialistes, la classe ouvrière lui paraissait s’être endormie. Mai 68 allait rectifier cette vision. Toujours à l’affût de réponses à ses questions, il avait auparavant découvert, en livre de poche, La révolution permanente de Léon Trotsky. Lorsque le Che fut assassiné le 9 octobre 1967 en Bolivie par l’armée bolivienne et ses supplétifs de la CIA, Noël Daucé porta sur sa veste un filament noir en signe de deuil.
Mai 68 est donc arrivé pour lui sur un terrain déjà préparé. Toujours avec les parents de Joëlle, le 11 mai, lendemain de la nuit des barricades, il était allé au Quartier latin, rue Gay Lussac (Paris Ve arr.) pour se rendre compte, ému, de la violence des affrontements. Puis, il participa à l’immense manifestation du 13 mai qui rassembla environ 500 000 personnes ( lycéens, étudiants et salariés) ; il garda en mémoire le silence imposé à la sortie du pont au Change (Paris Ier et IVe arr.), en entrant dans le Quartier latin, en hommage aux victimes de la répression. Au lycée d’Arsonval, des étudiants, employés comme surveillants, et des professeurs de gauche parlèrent aux lycéens des événements et du mouvement étudiant. Ils partirent en manifestation vers le lycée Marcelin Berthelot voisin où ils furent accueillis par les lances à incendie brandies par des élèves de prépas de droite. Quand la cour du lycée fut envahie, un surveillant général ou un intendant intima l’ordre à un lycéen d’enlever les mains de ses poches ; celui-ci le regardant droit dans les yeux lui répondit : « Non » ! L’époque venait de changer. Noël Daucé se rendit à la Sorbonne et garda le souvenir du stand avec les immenses posters de Trotsky et de Che Guevara ; ce stand était celui de la Jeunesse communiste révolutionnaire (JCR). Il aurait voulu s’engager beaucoup plus, aller dans les manifestations mais céda aux chantages sentimentaux de sa mère, tout en se promettant de se rattraper dès sa majorité pénale atteinte (18 ans alors) et même avant. C’est ce qui se réalisa à la rentrée scolaire 68 ; il redoubla sa classe de première au lycée Marcelin Berthelot de Saint-Maur-des-Fossés. Dans ce lycée très politisé, précurseur de la mixité, s’était formé un comité d’action lycéen (CAL) où se retrouvaient les Jeunesses communistes (JC) et toute l’extrême gauche. Léon Attia, professeur de philosophie, retint fortement l’attention de Noël Daucé par son intelligence, sa finesse d’esprit. Il était adhérent du SNES et membre du PCF. Une souscription de la LC, fut organisée en soutien à la guérilla bolivienne guévariste. Il y contribua tout en indiquant qu’il ne partageait pas ses méthodes. Les Jeunesses communistes (JC) étaient une force importante, dirigées par Gérard Feynzan, cultivé, brillant. Les JC firent l’erreur de vouloir faire adhérer le CAL à l’Union Nationale des CAL (UNCAL), organisation qu’elles pilotaient ; elles furent mises en minorité. Petit à petit la Ligue était devenue hégémonique dans le CAL et selon la ligne sectaire de l’époque, elle le transforma en « Comité Rouge lycéen ». Ce Comité échappa à Noël Daucé et à ses camarades car il fut largement capté par Révolution !, une organisation créée en 1971 à partir d’une minorité de la LC. Implantés au CHU-Henri Mondor à Créteil, ses militants constituèrent un fort courant dont l’un des membres était Vincent Rebérioux.
À l’automne 1968 et au premier semestre 1969, Noël Daucé participa à la vie du Comité d’action (CA) local à Saint-Maur-des-Fossés, où étaient présents notamment un ancien du PC, proche d’UNIR, groupe d’opposition clandestine au sein du PC, Smadja, ami de Philippe Robrieux. Le CA dura assez longtemps puisqu’il existait encore lors de la campagne des élections présidentielles anticipée de 1969 à laquelle Alain Krivine fut candidat. Noël Daucé participa au meeting de la Ligue au Palais des Sports à Paris.
Dans le CA, celui qui, selon lui, intervenait de la façon la plus structurée était Jacques Guetta, militant trotskyste de l’Alliance des Jeunes pour le socialisme (AJS). Il recruta Noël Daucé qui alla aux réunions de l’AJS à Charenton-le-Pont (Val-de-Marne) et vendit son journal au marché d’Alfortville (Val-de-Marne). Rapidement, Noël Daucé entra en désaccord, surtout lorsqu’il fut répondu à ses questions sur les révolutions du Vietnam et de Cuba que leurs directions étaient « petites bourgeoises ». Là, s’arrêta son appartenance au courant « lambertiste » du trotskysme. Pendant l’été 1968, Noël Daucé travailla comme bénévole à l’Association Remparts-Chefs d’œuvre en péril, dans le village de Saint-Victor-La-Coste (arrondissement de Nîmes, département du Gard). Il assista à Avignon à la Messe pour le temps présent, et au Boléro de Ravel, donnés par Le Ballet du XXe siècle, compagnie chorégraphique de Maurice Béjart (1927-2007) pour protester contre l’expulsion, en juillet 1968, du Living Theater troupe anarchiste et non-violente, invitée par Jean Vilar.
Après avoir découvert à la fin de l’année 1968 le journal Rouge, Noël Daucé adhéra à la Ligue Communiste (LC) à l’automne 1969.
En terminale, toujours au lycée Marcellin Berthelot, il obtint le bac littéraire en 1970. Puis, il étudia l’Histoire à la Faculté de Vincennes-Paris VIII (Val-de-Marne), avec notamment pour professeur Jean Bruhat. La LC y avait créé trois cellules auxquelles Noël Daucé n’a pas appartenu. Ses études à Vincennes n’ont duré qu’à peine un an et demi car il fut rapidement salarié et pris par le militantisme politique. La première cellule de la Ligue que fréquenta Noël Daucé était celle de Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne). Par volonté d’affirmer son anti-stalinisme dans ce bastion communiste, elle avait été nommée Karol Modzelewski en hommage au dissident polonais qui, en 1966, fut l’auteur avec Jacek Kuron de la Lettre ouverte au Parti ouvrier polonais, après leur exclusion du Parti ouvrier unifié polonais (POUP) et leur condamnation à des peines de prison ; cette lettre avait beaucoup influencé le mouvement de la jeunesse et des milieux intellectuels polonais de mars 1968. Dans cette cellule, se trouvait Daniel Gluckstein. à l’époque dirigeant lycéen de la Ligue communiste, plus tard militant de l’OCI et bras droit de Pierre Lambert, puis candidat aux élections présidentielles en 2002 pour son parti. Dans cette cellule, militait également Gilles Casanova qui devint un conseiller politique de Jean-Pierre Chevènement, puis le représentant de l’Alliance républicaine, écologiste et sociale (ARES) de Jean-Louis Borloo. En 1970 Noël Daucé devint membre de la direction de la section de Créteil/Champigny/Saint-Maur/Bonneuil de la LC/LCR et le resta jusqu’en 1990.
Il effectua trois voyages en Irlande du Nord pour se nourrir de l’expérience du mouvement Républicain. Il fit le premier en 1971 avec Vincent Rebérioux, Rémi Kauffer, Almos et Claude Lévy. Ils arrivèrent en pleines émeutes dans les quartiers catholiques de Belfast et furent sidérés par la violence des affrontements qui opposaient l’ensemble de la population à l’armée britannique et à la police royale de l’Ulster (RUC). Ils constatèrent le soutien massif de la population à la résistance menée par l’Armée républicaine irlandaise (IRA provisional).
Noël Daucé vivait encore de petits boulots. Il fut auxiliaire aux PTT, ambulant à la Gare de Lyon (Paris-Lyon-Marseille) en 1972-1973 puis employé ripeur à la SME succursale du BHV d’Alfortville (Val-de-Marne) en 1973-1974.
D’un premier mariage avec Dorothée Kokkinos (née à Paris en 1948) le 23 janvier 1974 à Bonneuil-sur-Marne (Val-de-Marne) il eut un fils, Nicolas, Miguel, né le 20 août 1975 à Créteil ; ce deuxième prénom lui a été donné en l’honneur de Miguel Enriquez, Secrétaire général du MIR, assassiné par la dictature chilienne en octobre 1974. Dorothée était agent communal à la Mairie de Paris. Elle fut militante à la LC, à la LCR et à la CGT. Il l’avait rencontrée dans le cadre du Service d’ordre de la LC et notamment lorsqu’il avait été hébergé chez sa mère à Romainville (Seine-Saint-Denis). Il avait été obligé de déménager après une tentative d’incendie de son domicile par l’extrême droite. Dorothée et Noël ont habité à Bonneuil (Val-de-Marne) puis à Charenton-le-Pont (Val-de-Marne). Ils divorcèrent le 20 novembre 1981.
Après son mariage en 1974 et juste avant son incorporation dans l’armée, Noël Daucé alla avec Dorothée rencontrer David Rousset dans la forêt de Fontainebleau à Barbizon (Seine-et-Marne). Sa maison était située à quelques pas de la petite villa Ker Monique où, sous le nom d’emprunt de Klement, avait séjourné Léon Trotsky, à partir de novembre1933 et jusqu’en 1934. David Rousset, ancien dirigeant trotskyste, avait été élu député « gaulliste de gauche » après 1968. Il offrit à Noël Daucé et à Dorothée, deux tomes de la revue Saturne datés l’un de décembre 1954-décembre 1956, l’autre de janvier-décembre 1957. Ils contenaient des articles de la Commission Internationale contre le Régime Concentrationnaire, documents d’enquêtes concernant l’Union soviétique, la République Populaire de Chine, l’Espagne, avec également des articles sur la répression en Algérie et l’écrasement de la révolution hongroise. David Rousset, rescapé de l’univers concentrationnaire, leur en donna un récit détaillé qui resta ancré dans la mémoire de Noël Daucé. Il avait été déporté au camp de Buchenwald, en compagnie de Marcel Hic (87 187), dirigeant comme lui de la résistance trotskyste.
De ce récit qui l’impressionna beaucoup, Noël Daucé tira deux leçons. La première, c’est la capacité extraordinaire de résistance des communistes allemands qui leur a donné la force de structurer au sein même de l’enfer de Buchenwald des réseaux de résistance et de libérer le camp juste avant l’entrée des armées alliées. La seconde, c’est la poursuite acharnée des trotskystes par les staliniens jusqu’au fin fond du monde concentrationnaire nazi. Comme le leur dit David Rousset : « c’étaient des flics, et des flics dangereux ».
Noël Daucé fit son service militaire de février 1974 à février 1975. Il fut l’un des signataires de l’Appel des Cents adressé à Giscard d’Estaing et à Mitterrand, candidats du second tour des présidentielle de 1974, pour leur demander de prendre position sur les revendications des soldats. Il anima le comité de soldats du 41e RAMA de La-Fère (arr. de Laon, Aisne), qui éditait le journal A boulets rouges, ronéoté par un réseau civil extérieur et diffusé par envoi postal dans la caserne aux soldats du régiment. Il fut condamné à un mois d’arrêts de rigueur avec transfert au 3e RAMA de Vernon (arr. de Les Andelys, Eure). Il y anima le comité de soldats, qui éditait et diffusait le journal l’Ancre rouge. Ancre avec un A comme artillerie parce que ce régiment était celui de l’artillerie de marine (ex-coloniale). Pendant son emprisonnement, une manifestation de solidarité avait envahi la caserne avec dépôt de banderole sur ses grilles. À peine sorti d’incarcération sa batterie était réquisitionnée pour casser la grande grève des PTT de l’automne 1974, en allant assurer le tri postal à la place des grévistes. Un journal du comité de soldats fut distribué aux permissionnaires dans le train en gare Saint-Lazare et en gare de Vernon par des militants civils. Il appelait à la solidarité avec les postiers en grève et à saboter le travail des briseurs de grève. Noël Daucé en fut dispensé par la hiérarchie militaire au prétexte qu’excellent sportif, il était engagé dans l’équipe de cross du régiment. À la compétition inter-régiments qui suivit à Oissel (arr. de Rouen, Seine-Maritime), lui et l’équipe du régiment finirent deuxième, battus par une équipe de gendarmes mobiles. Il fut obligé d’accomplir quinze jours de service supplémentaire en manœuvres au camp de la Courtine (arr. d’Aubusson, Creuse). Au cours de celles-ci, il réussit, avec une délégation du comité de soldats, à rencontrer Robert Pelletier, l’un des principaux animateurs de la manifestation des soldats du 19e régiment d’artillerie à Draguignan le 10 septembre 1974 qui accéléra le développement des comités de soldats et qui fut suivie d’autres manifestations à Karlsruhe, Nancy, Verdun et Lunéville notamment. Robert Pelletier était pourtant astreint à une surveillance particulière après sa condamnation.
De février à Juillet 1975, à son retour du service militaire, Noël Daucé reprit un emploi d’auxiliaire au Centre de tri des PTT de Créteil, adhérent et constructeur de la section syndicale CFDT. Il entra à l’ANPE en juillet 1975 comme prospecteur placier. Dès la période d’essai terminée, il adhéra à la section CFDT-ANPE dont il devint le secrétaire l’année suivante. Il fut responsable de la Région CFDT-ANPE de l’Île-de-France-est (93, 94, 77, 91) et conseiller national en 1979. Au congrès confédéral CFDT d’Annecy (Haute-Savoie) en mai 1976, avait été prise une décision administrative, présentée comme une mesure de rationalisation des secteurs d’intervention. Ainsi, il était nommé « axe 16 » ; il visait à rassembler toute l’activité syndicale qui avait trait au hors-travail. Mais l’intention, pour l’opposition contre la majorité confédérale ?) était surtout d’étouffer toute autonomie d’expression à l’intérieur du syndicat et de cadenasser les interventions dans les médias sur des sujets qui ne devaient pas échapper à la Confédération tels que le chômage et l’Inspection du travail. C’est ainsi que les adhérents du Syndicat national du Travail et de l’Emploi CFDT (SNTE-CFDT) se sont retrouvés dans une Fédération Protection-Sociale-Travail-Emploi (PSTE-CFDT) structurée autour de deux axes. L’axe Protection-Sociale regroupait notamment Sécurité Sociale, Mutuelles, Retraites complémentaires. L’autre regroupait l’ANPE, les Assedic-Unedic, l’Association pour la Formation Professionnelle des Adultes (AFPA), le Ministère du Travail. Un long travail d’opposition à l’orientation de la Fédération et de la Direction confédérale se poursuivit néanmoins. Des divergences s’étaient exprimées dans la CFDT dès la publication du rapport Moreau de « recentrage de la CFDT » présenté au Conseil national des 26 au 28 janvier 1978. Cette orientation a été confirmée au congrès de Brest en 1978. Au congrès de Bombannes (Gironde) deux ans plus tard, l’opposition se structurait mieux dans le SNTE, notamment autour des désaccords apparus avec la Confédération sur le sujet de la nécessité de maintenir des comités de chômeurs unitaires dont la décision avait été prise au congrès de Dijon en 1975.
Dans le cadre de ses activités professionnelles, en tant que chargé d’information à l’Agence locale de Choisy-le-Roi (Val-de-Marne), il eut l’occasion de rencontrer de nombreux réfugiés latino-américains, militants argentins, boliviens, chiliens, uruguayens qui avaient échappé aux dictatures militaires. L’un d’entre eux, Guillermo Mancuso, argentin de Córdoba, est devenu un de ses amis très proches. Noël Daucé reçut aussi la nièce du Che dont le père, membre du PRT-ERP, avait subi la répression de la dictature argentine.
En 1978, Noël Daucé fit son deuxième voyage en Irlande, cette fois avec Dorothée Kokkinos et André Garçon, militant LC/LCR, responsable CGT-PTT à Créteil puis dirigeant de SUD-PTT.
De 1975 à 1990, Noël Daucé fut à la direction de la Fédération du Val-de-Marne de la LCR. Dans cette fédération et dans la section de Créteil, il connut avec Daniel Gluckstein de nombreuses luttes et des débats acharnés, jusqu’à la scission de 1979 et la création cette même année de la LCI dont Daniel Gluckstein fut un des principaux dirigeants. Lors de cette scission, la section de Créteil fut littéralement coupée en deux. Noël Daucé fut candidat de la 5e circonscription du Val-de-Marne aux élections législatives 1978, présenté conjointement par la LCR et l’OCT, « Pour le Socialisme, le Pouvoir aux Travailleurs » ; sa suppléante était Martine Rouzaud (OCT), infirmière au CHU Mondor. Dans cette même circonscription, en 1981, il fut le suppléant de Philippe Vollot pour la LCR. Cette même année, il fit son troisième voyage en Irlande, cette fois avec Joëlle Benhini au moment du mouvement des grévistes de la faim qui dura 66 jours, mené par Bobby Sands député nationaliste républicain irlandais dont la mort le 5 mai 1981 dans la prison de Maze en Irlande du nord déclencha de nombreuses émeutes.
Après le congrès de Bombannes de l’automne 1980, Noël Daucé devint membre du Bureau national du SNTE-CFDT pour le secteur ANPE, première organisation syndicale à l’ANPE, et le resta jusqu’en 1986. Il fut semi-permanent puis permanent, à partir 1981. À la dissolution du SNTE-CFDT dans le cadre d’une réorganisation institutionnelle de la CFDT, il intégra la Fédération CFDT-Protection Sociale-Travail-Emploi. Il devint chargé d’information, conseiller professionnel en 1982 puis chargé de Mission en 1990.
Il contracta un deuxième mariage avec Joëlle Benhini née à Oran (Algérie) le 4 juillet 1956 ; le mariage eut lieu à Saint-Maur-des-Fossés le 21 juillet 1986. Ils divorcèrent le 16 février 2004. Ils eurent deux fils : David, et Yohan, jumeaux nés le 26 novembre 1988 à Créteil. Joëlle était employée à l’ANPE, vacataire puis agent d’accueil et prospecteur-placier puis auxiliaire de puériculture à la mairie de Créteil. Elle fut adhérente de la CFDT-ANPE. Noël fit un troisième mariage le 26 mai 2007 à Saint-Malo avec Claude Grenier de Monner née le 5 juillet 1956 à Hong-Kong (Chine). Elle était employée de l’ANPE, vacataire, agent administrative puis prospectrice placière. Elle était militante de la CFDT-ANPE puis du Syndicat National Unitaire ANPE et Pôle Emploi. Elle fut élue du personnel à la Commission paritaire locale et au comité des œuvres sociales et secrétaire de la section Paris de la CFDT-ANPE.
C’est en 1986 que Noël Daucé devint secrétaire national de la branche CFDT-ANPE. Il fut membre du Bureau fédéral de la Fédération PSTE de 1986 à 1997. Il contribua aux revues intersyndicales oppositionnelles avec des militants de la CFDT, de la CGT, de la FEN et de FO notamment à la revue Collectif et à la revue Pour une autre démarche syndicale. Il participa à différents colloques dont celui de « La CFDT et les luttes » le 11 avril 1987, à l’appel des syndicats CFDT des cheminots de Tours, Vierzon, Rouen-Sotteville, UPR Paris sud-est, du SGEN de Paris, de Basse-Normandie et du Val-de-Marne, de la section de Villejuif d’EDF-GDF, du syndicat Transport-Énergie-Parisienne, et du Syndicat-départemental-Santé du Val-de-Marne. Noël Daucé intervint au congrès confédéral de Bordeaux de 1985 pour défendre les comités de chômeurs et s’opposer au quitus à la direction confédérale. Toujours chargé de mission à Pôle emploi, organisme issu de la fusion en 2008 de l’ANPE et des Assédic, il y resta jusqu’à sa retraite en mars 2016. De 1994 à 1998, il fut membre du collectif national d’animation de la Gauche syndicale CFDT- Tous Ensemble. Il quitta la CFDT et en septembre 2000 fut co-fondateur du Syndicat national Unitaire ANPE (SNU-ANPE), secteur ANPE du Syndicat National Unitaire Travail Emploi Formation Insertion (SNU-TEFI). Il négocia une convention d’association avec la Fédération syndicale unitaire (FSU) de novembre 2000 à décembre 2002. Puis, le 11 décembre 2002, le SNU-TEFI avec son secteur ANPE devint un syndicat national à part entière de la FSU. La FSU avait décidé d’ouvrir son champ de syndicalisation au-delà de son épicentre, l’Éducation Nationale. Ce mouvement d’élargissement fut suivi par d’autres structures syndicales ex-CFDT lors de la sortie massive de la Gauche CFDT en 2003. Dès 2002, lors des premières élections professionnelles, le SNU-ANPE devint la première organisation syndicale de l’ANPE. Noël Daucé fut secrétaire général du SNU-ANPE de 2000 à 2008 puis, à sa création, du SNU-Pôle Emploi de 2008 à 2010 puis membre du Bureau national du SNU-Pôle-Emploi de 2010 à 2014. Il fut membre du secrétariat du SNU-TEFI de 2000 à 2015. Dans le cadre de ses responsabilités militantes à l’ANPE et à Pôle emploi, il eut régulièrement à travailler avec Claire Villiers, salariée de l’ANPE et de Pôle Emploi, membre du Bureau national de la CFDT-ANPE, secrétaire de branche, membre du bureau fédéral, animatrice de la Gauche syndicale, co-fondatrice et porte-parole d’Agir contre le Chômage (AC !), co-présidente de la fondation Copernic, Conseillère régionale Île-de-France puis vice-présidente, militante de la Fédération pour une alternative sociale et écologique (FASE). Noël Daucé fut membre du bureau fédéral FSU de 2002 à 2015 et du secrétariat de la FSU de 2007 à 2016. Il fut Président du Centre de formation de la FSU de 2011 à 2015. Il participait à l’élaboration du programme, de septembre à juin, des formations syndicales pour l’ensemble de la Fédération, à destination des syndicats nationaux, départementaux et des tendances. Il intervenait également dans l’organisation des stages nationaux. Il fut membre, en tant que Personnalité associée, du Conseil économique social et environnemental (CESE), Section Travail-Emploi de mars 2016 à mars 2021.
De 1995 à 2002, il fut membre du Comité central de la LCR puis de la Commission centrale de contrôle (CCC). À sa création il adhéra au NPA, en 2009, puis à la Gauche Anticapitaliste (GA) puis à Ensemble, puis à Ensemble-Insoumis. Noël Daucé eut pendant cette période de militantisme à la LCR et au NPA, plusieurs occasions de côtoyer Daniel Bensaïd. Sans être un ami proche, il appréciait son contact chaleureux et admirait l’orateur flamboyant, le théoricien remarquable, le dirigeant efficace quel que soit le domaine, y compris celui du service d’ordre central.
En mars 2002, une rencontre mémorable fut offerte à Noël Daucé par ses camarades de la Centrale Démocratique Martiniquaise du Travail (CDMT), secteur ANPE, notamment ses amis Albéric Marcelin et Mario Moreau. Lors d’un séjour à la Martinique pour une formation syndicale dans laquelle Noël intervenait, ils décidèrent de lui faire rencontrer Aimé Césaire, poète et homme politique, auteur notamment d’une « lettre ouverte » à Maurice Thorez lors de son départ du Parti communiste français. La dirigeante de la CDMT de la mairie de Fort-de-France, bien qu’ayant eu souvent à croiser le fer avec l’ancien maire, avait réussi à le convaincre de sortir de sa retraite. Ce fut pour Noël Daucé un moment inoubliable d’échange à bâtons rompus et sans protocole. À une question à propos de la naissance de sa poésie, il répondit « cela me vient comme une écriture péléenne », un surgissement comme les éruptions de la montagne Pelée. Sur l’œuvre, Les Cahiers d’un retour au pays natal, qu’il lui offrit, il rédigea cette dédicace « À Noël Daucé pour le remercier d’avoir bien voulu entendre et écouter notre peuple en toute fraternité » ; il lui offrit aussi le livre Aimé Césaire. Pour regarder le siècle en face.
Profondément marqué par l’engagement politique et syndical, Cuba, le Vietnam et Mai 68, le trotskisme, Noël Daucé était un auteur de poèmes, et d’un ouvrage collectif en cours portant sur son expérience syndicale originale provisoirement titré : De l’ANPE à Pôle Emploi, de la CFDT à la FSU, histoire d’un courant syndical.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article239336, notice DAUCÉ Noël, dit Yannis, Cochise, Gueguen par Bernard Thièry, Jean-Paul Salles, version mise en ligne le 15 mars 2021, dernière modification le 11 juillet 2022.

Par Bernard Thièry, Jean-Paul Salles

ŒUVRE : Noël Daucé, « La santé du personnel de l’ANPE et la table ronde : « quel avenir pour le service public de l’emploi » in Noël Daucé, Alain Ottavi, Claire Villiers Le cœur à l’emploi, CFDT ANPE, Syllepse, novembre 1996. — Noël Daucé, « Une conclusion en forme de jalon » in Des passeurs hors du commun, Syllepse, 2001. — Noël Daucé, « Le rapport Marimbert ou la préparation soft d’une tourmente annoncée », dir., Politiques de l’emploi, face aux menaces libérales, nouveaux regards, Syllepse, Août 2004. — Noël Daucé, « Entre le marteau et l’enclume » in Les Coulisses de l’emploi, in Martine Hassoun et Frédéric Rey, Arléa-Corlet, Collection Panoramiques, janvier 1996. — Noël Daucé, « Quand la précarité redessine le marché de l’emploi » in Jacques Kergoat, Josiane Boutet, Henri Jacot, Danièle Linhart, dir., Le Monde du Travail, La Découverte, Textes à l’appui, Février 1999. — Noël Daucé et Claude Debons, Base sociale et orientation confédérale : quelques questions sur la CFDT in Dossier Syndicalisme, revue Critique Communiste, numéro162, printemps-été 2001. —Noël Daucé (entretien avec), Pôle emploi, hold-up d’État, in L’Etat démantelé, sous la direction de Laurent Bonelli et Willy Pelletier, La Découverte-le Monde Diplomatique, septembre 2010.

SOURCES : Documents fournis par Noël Daucé. — Jean-Marc Cazenave et Marie-Anne Sorba, coord., Nos mai 68, Privat. — Carmen Castillo, Un jour d’Octobre à Santiago, Stock, Voix de femmes, mars 1980. — Robert Pelletier, Serge Ravet, Le mouvement des soldats, Maspero, Petite collection n°167, avril 1976, pages 35 et 151. — Revue Inprecor n°558-559, février-mars 2010. — Jean-Paul Salles, La Ligue communiste révolutionnaire 1968-1981. Instrument du Grand soir ou lieu d’apprentissage ?, Presses Universitaires de Rennes, décembre 2005. — Hélène Adam et François Coustal, C’était la Ligue, Syllepse, novembre 2018.

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