LECLERC Anne

Par François Coustal

Née le 2 février 1957 à Paris (XIIe arr.) ; éducatrice à l’Éducation surveillée/Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) ; militante syndicale au SNPES-PJJ-FSU (Syndicat national des personnels de l’Éducation et du social-Protection judiciaire de la jeunesse), secrétaire générale de 1992 à 1996, membre du bureau et du secrétariat national de la FSU (1996-2000) ; militante de la LCR, membre du CC et du BP, puis militante de la Gauche anticapitaliste (GA) et d’Ensemble-Insoumis ; militante féministe des groupes femmes et du MLAC, de la CADAC et du CNDF.

Marche mondiale des Femmes (New York, 2000)

Anne Leclerc était l’aînée d’une fratrie de six enfants. Son père, Bernard Leclerc, représentant de commerce, changea d’activité à cinquante ans, et travailla comme délégué régional à l’Association des paralysés de France. Sa mère, Christiane, née Galopin, resta longtemps « mère au foyer ». À quarante-cinq ans, elle tenta de trouver un travail. Un temps bénévole indemnisée aux Petits frères des pauvres, elle s’occupa ensuite de personnes âgées. Le père d’Anne Leclerc fut conseiller municipal de Vincennes (Val-de-Marne) au début des années 1960, sous l’étiquette « centriste », pendant un mandat. Dans les années 1970, il s’impliqua dans l’associatif catholique. Sa mère n’avait pas d’engagement militant. Ses parents firent partie un temps d’un groupe lié aux Franciscains. Catholiques progressistes, ils évoluèrent vers la gauche, cessèrent de pratiquer et donnèrent à leurs six enfants une éducation qui n’avait rien d’autoritaire. Ce cadre familial n’eut pas d’influence directe sur les engagements politiques futurs d’Anne Leclerc, sinon en termes de révolte morale contre les injustices. Ainsi, elle ressentit très jeune le besoin de rupture avec le système et l’envie de militer pour l’émancipation. Elle avait onze ans en 1968 et fut fascinée par le mouvement de Mai. À seize ans, elle s’intéressa aux mouvements anarchistes avant de se rapprocher, l’année du bac, de jeunes militants de la LCR.

Anne Leclerc connut une scolarité un peu agitée. Elle effectua le degré élémentaire à l’institution catholique La Providence à Vincennes où elle entra en 6e. Ses parents furent invités à la changer d’établissement à la fin de l’année scolaire en raison de son « insolence ». De la 5e à la 3e, elle suivit les cours au collège Montalembert (tenu par des sœurs dominicaines) à Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne). En fin de classe de 3e, en avril, elle fut renvoyée, après avoir dit ce qu’elle pensait du règlement intérieur à la mère supérieure. Elle passa donc le BEPC en candidate libre. Habitant alors la cité du Bois Labbé, elle poursuivit sa scolarité en classe de seconde au lycée public Langevin-Wallon, à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne). Puis, à la suite d’un déménagement à Savigny-sur-Orge (Essonne), elle fut élève en 1ère et terminale au lycée Corot. Elle participa à toutes les grèves lycéennes, contre la loi Debré sur les sursis militaires et la circulaire Fontanet (mars-avril 1973), dans le cadre du CAL local (comité d’action lycéen). Elle obtint le baccalauréat A littéraire et entama des études de sociologie à l’université Paris V René Descartes. Elle abandonna ses études en fin de première année, après avoir participé activement à la grève de trois mois à la faculté contre les réformes Soisson et Saunier-Seïté en 1976.

Dès l’âge de 16 ans, Anne Leclerc exerça différents jobs d’été, essentiellement du travail de bureau à la faculté de Jussieu. Puis elle travailla au centre de tri de la Poste à Bondoufle, à côté d’Évry Courcouronnes (Val d’Oise), et exerça différents petits boulots en intérim. En mars 1977, à 20 ans, elle fut embauchée comme éducatrice contractuelle dans un service en milieu ouvert à Corbeil-Essonnes (Essonne). Elle y exerça pendant trois ans, avant de passer le concours d’éducatrice en 1980. La formation alternait stages pratiques et enseignements théoriques. Anne Leclerc devint éducatrice titulaire en 1982. Elle fit toute sa carrière, jusqu’à sa retraite en septembre 2017, dans l’Éducation surveillée-protection judiciaire de la jeunesse, direction du ministère de la Justice.

De 1975 à 1982, elle vécut avec Xavier Flament, militant de la LCR de Corbeil-Essonnes. Ce dernier cessa tout militantisme début 1980. Ensemble, ils eurent une fille, née en mai 1979. Ils se séparèrent en juin 1982. De 1985 à 1987, elle vécut avec Jean-Louis Rioni, cheminot (conducteur de train), syndicaliste CFDT puis SUD-Rail, qui participa activement à la grande grève à la SNCF de 1986. Depuis 1994, son conjoint est Michel Bidaux, militant de la LCR, du NPA jusqu’en 2012 puis à Ensemble Insoumis. Enseignant en lycée professionnel, il militait activement à la CGT-Éduc’action avec des responsabilités locales et nationales dans les années 1990/début 2000.

Anne Leclerc, d’abord sympathisante de la LCR en 1975, devint militante de 1976 à 1980 à Corbeil-Essonnes. Elle reçut une formation politique de base assurée par la LCR locale mais, à la différence d’autres militants et militantes, elle ne suivit pas les « écoles de formation » se tenant sur plusieurs jours. Entre 1980 et 2000, elle ne participa plus aux activités militantes de la LCR, tout en restant proche de l’organisation. D’ailleurs, dans le cadre des équipes qui animaient le syndicat de l’éducation surveillée, elle côtoyait plusieurs militants de la LCR : Arnaud Nicoladzé, Alain Cyroulnik, Olivier Martin, Pierre Granet, Alain Zarate. Le milieu des éducateurs et des éducatrices comptait alors un nombre significatif de militants d’extrême gauche ou d’anciens militants restés fidèles à la gauche révolutionnaire, sans forcément ressentir le besoin de réintégrer une organisation politique. À un militantisme syndical assez bouillonnant, ils ou elles associaient des activités assez festives. Le statut de « compagne de route » de la LCR convenait tout à fait à Anne Leclerc, par ailleurs plutôt réservée sur le « centralisme démocratique » ou la « construction du parti révolutionnaire », censés guider l’activité des militants. Elle se reconnaissait plutôt dans la culture syndicaliste révolutionnaire.

Dès 1977, à son entrée dans l’éducation surveillée, Anne Leclerc se syndiqua au SNPES (Syndicat national des personnels de l’éducation surveillée), l’un des quelques syndicats nationaux de la FEN, implanté dans un secteur ne relevant pas du ministère de l’Éducation nationale.

Elle occupa de nombreuses fonctions et mandats au SNPES puis au SNPES-PJJ, se reconnaissant dans la tendance École émancipée. D’abord membre du bureau syndical du SNPES à Paris, de 1985 à 1990, elle devint secrétaire régionale Ile-de-France en 1988 et, à ce titre, membre de la CA nationale. En 1990, elle entra au bureau national puis en 1992, elle fut élue secrétaire générale : c’était la première fois qu’une femme occupait cette responsabilité dans le syndicat.

Au moment de la scission de la FEN en 1993, le syndicat décida, lors d’un congrès extraordinaire, de quitter la fédération et fut l’un des membres fondateurs de la Fédération syndicale unitaire (FSU). Il devint alors Syndicat national des personnels de l’Éducation surveillée - Protection judiciaire de la jeunesse (SNPES-PJJ) puis, ultérieurement, Syndicat national des personnels de l’éducation et du social - Protection judiciaire de la jeunesse. La spécificité de ce syndicat était de revendiquer autant pour les conditions de travail des personnels que pour une justice des mineurs privilégiant l’éducatif.

Dès la création de la FSU et jusqu’en 2000, Anne Leclerc participa au conseil délibératif fédéral national (CDFN), au bureau délibératif fédéral national (BDFN), ainsi qu’au secrétariat national de la FSU de 1996 à 2000. Elle contribua également à animer le secteur « Droits et libertés » de la FSU, dirigé par Louis Weber. Elle participa à la création du « secteur femmes », qui avait rapidement souhaité s’autonomiser par rapport au secteur « Droits et libertés ».
Conformément aux statuts du syndicat qui limitaient la durée des mandats (deux mandats de deux ans de secrétaire générale, douze ans d’élue nationale avec un maximum de dix ans au bureau national), Anne Leclerc effectua deux mandats de secrétaire générale, de 1992 à 1996. Et elle demeura membre du bureau national de 1996 à 2000.

Elle redevint active à la LCR en 2001, environ un an après la fin de son mandat syndical. Mais la cellule Éducation surveillée de la région parisienne, à laquelle elle appartenait, se réunissait peu. En 2004, elle fut élue pour la première fois au Comité central (CC), devenu Direction nationale (DN) en 2003. Elle fut régulièrement réélue à cette instance jusqu’à l’autodissolution de la LCR (janvier 2009). Élue au Bureau politique (BP) en 2005, elle y siégea jusqu’en janvier 2009. Permanente à temps partiel, elle était responsable de l’animation de la région parisienne de la LCR et continuait son travail d’éducatrice à la PJJ. Elle participa à la création du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) et fut membre de son comité exécutif (CE) jusqu’à 2010. Elle quitta le NPA en 2012 avec la Gauche anticapitaliste. Ce mouvement intégra le Front de Gauche et participa à la création d’Ensemble. En décembre 2021, elle était toujours militante de base à Ensemble Insoumis.

Durant son militantisme à la LCR, Anne Leclerc s’investit dans les commissions et secrétariats en relation avec ses principaux sujets d’intervention et de réflexion : questions sécuritaires, du logement et, surtout, commission féministe. Elle fut candidate de la LCR à plusieurs reprises à diverses élections : aux élections européennes de 2004 « tête de liste » dans la circonscription Massif Central-Centre (2,70% des suffrages exprimés), aux élections législatives à Paris-XVIIIe arrondissement en 2002 et 2007, puis « tête de liste » LCR 100% à Gauche aux élections municipales à Paris-XVIIIe arrondissement en 2001 et 2008. Elle fut « cheffe de file » à Paris pour le NPA aux élections régionales de 2010, sa liste obtenant 13 208 voix (2,34% des suffrages exprimés).

Après une décennie sans mandats syndicaux nationaux, Anne Leclerc reprit du service à la demande insistante du SNPES de la région Ile-de-France : en juin 2012, elle accepta d’être secrétaire régionale (suppléante), puis secrétaire régionale titulaire et, à ce titre, membre de la CAN de fin 2015, jusqu’à sa retraite en juin 2017. Au cours de son itinéraire de responsable syndicale, Anne Leclerc exerça divers mandats électifs : comité technique paritaire parisien (de 1986 à 1990), comité technique paritaire national (de 1990 à 2000), comité technique paritaire du ministère de la Justice (de 1992 à 1996) puis suppléante dans cette même instance (1996 à 2000), comité technique parisien (2002 à 2017), comité technique régional (2014 à 2017).

Le parcours syndical d’Anne Leclerc met en lumière quelques-unes des modifications voire des bouleversements qu’a connus le syndicalisme (notamment dans la Fonction publique) au cours du dernier quart du XXe siècle. Ainsi, dans la seconde partie de la décennie 1980, lorsqu’elle prit des responsabilités syndicales, de nombreux et de nombreuses adhérentes du syndicat bousculaient les directions syndicales. Alors que se développaient les coordinations de cheminots ou d’infirmières, les militants les plus en pointe du SNPES, dont elle-même, organisaient des assemblées générales et des coordinations regroupant syndiqués et non-syndiqués et décidant la reconduction de la grève. C’est ainsi qu’Anne Leclerc fit partie des équipes d’animation de plusieurs mouvements de grève reconductible qui secouèrent le milieu de l’Éducation surveillée, notamment en 1988, 1990 et 1991. Ces conflits portaient principalement sur les suppressions d’emploi, l’autoritarisme de la direction de la PJJ, la revalorisation des statuts, notamment celui des éducateurs. Ces mobilisations incarnaient le refus grandissant d’un syndicalisme d’accompagnement sans volonté de rupture avec le libéralisme, un renouveau des pratiques syndicales, liant combativité et aspiration à une démocratie syndicale réelle. Ces mouvements en profondeur allaient se traduire par l’élection au bureau national du syndicat de militants et militantes d’extrême gauche, membres ou proches de la LCR, dont elle-même. Ce fut aussi l’accession de plusieurs autres femmes au bureau national, soulevant ainsi la question de la place des femmes au sein du syndicat.

En 1991, Anne Leclerc fut également l’une des principales animatrices du premier « mouvement intersyndical justice » réunissant des fonctionnaires de justice (éducateurs PJJ, greffiers et greffières, magistrats) mais aussi des avocats. C’est notamment à ce titre-là et aussi pour sa participation aux différents conflits revendicatifs qu’Anne fut sollicitée pour le poste de secrétaire générale du syndicat. Elle joua alors un rôle important dans le mouvement de mobilisations et de grèves, au premier trimestre 1995, en défense de la justice des mineurs. Le point d’orgue de cette mobilisation fut, à l’initiative du SNPES, l’envahissement du grand amphithéâtre de la Sorbonne où se trouvaient des représentants officiels de l’Éducation surveillée, des magistrats et des avocats réunis pour une célébration officielle des 40 ans de l’ordonnance du 2 février 1945 qui avait instauré la justice des mineurs. Alors que la prééminence de l’éducatif était remise en cause par des projets de réformes sécuritaires, le SNPES avait décidé de « s’inviter » à cette célébration, en occupant l’estrade et en s’emparant du micro. Cette initiative permit de mettre en lumière la mobilisation des personnels contre le durcissement de la justice des mineurs.
En fin d’année 1995, le mouvement intersyndical et interprofessionnel pour le retrait du plan Juppé (mise en cause des retraites de la fonction publique, projet de réforme de la Sécurité sociale) fut également une expérience importante pour elle et pour les animateurs et animatrices du SNPES et aussi pour la toute jeune FSU, très impliquée dans ce mouvement. Au-delà de la lutte pour le retrait du plan Juppé, ce fut aussi une période importante de mobilisations unitaires sur les questions sociétales (logement, droit des femmes, sans papiers, chômeurs), mouvements dans lesquels s’impliquèrent le SNPES et la FSU. Anne Leclerc participa ainsi aux marches contre le chômage à Cologne, Amsterdam.

Son engagement dans le combat pour les droits des femmes fut extrêmement précoce : dès l’âge de 18 ans, Anne Leclerc milita au sein du Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC), ainsi qu’au groupe femmes de quartier à Corbeil-Essonnes. Ultérieurement, elle s’investit dans les mobilisations et l’animation d’associations féministes, à chaque fois que les conquêtes du mouvement des femmes étaient remises en cause et menacées. Ainsi, elle milita à la Coordination pour le droit à l’avortement et à la contraception (CADAC) dès sa création en 1988, en réaction aux commandos anti-IVG.

En 1995, c’est une manifestation féministe unitaire de plus de 40 000 participants et participantes qui ouvrit les deux mois de contestation sociale (notamment contre le « plan Juppé ») de novembre et décembre 1995. En 1997, elle s’investit dans la création et l’animation du Collectif national pour les droits des femmes (CNDF), issu des Assises pour les droits des femmes auxquelles allaient participer plus de 2 000 femmes en 1996. De 1999 à 2005, Anne Leclerc participa à la création et à la construction de la Marche mondiale des femmes contre les violences et la pauvreté, qui s’était créée conjointement aux forums sociaux (Forum social mondial, Forum social européen). Ainsi elle fut présente au contre-sommet de Gênes (2001), ainsi qu’au Forum social mondial de Porto Alegre (Brésil) en 2002, ou encore aux forums sociaux européens de Saint-Denis (2003) et de Londres (2004). Elle participa activement aux différentes réunions mondiales ou européennes de la marche mondiale des femmes, pour y représenter le SNPES-PJJ ou encore la FSU, en tant qu’animatrice du secteur Droit des femmes de la FSU.

Autre activité aux confins du syndicalisme et du féminisme : à partir de 1997, Anne Leclerc s’impliqua dans le lancement et l’animation des journées intersyndicales femmes. Depuis, chaque année, ces stages réunissent des militants et, surtout des militantes appartenant à la FSU, à l’Union syndicale Solidaires (ancien « Groupe des 10 »), à la CGT et à quelques syndicats CFDT, afin de repenser le rapport entre syndicalisme et féminisme, de mettre en commun de façon intersyndicale les difficultés souvent identiques que les femmes rencontrent dans leurs organisations syndicales respectives et voir comment les dépasser. Ces stages ont recours à l’expérience de militantes de diverses associations féministes, ainsi qu’à l’expertise de chercheuses et de chercheurs qui travaillent sur les inégalités, les violences et les différentes formes d’oppression. Enfin, depuis 2019, Anne Leclerc participe au collectif « On arrête Toutes » qui milite pour la grève féministe le 8 mars.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article245570, notice LECLERC Anne par François Coustal, version mise en ligne le 17 février 2022, dernière modification le 9 octobre 2022.

Par François Coustal

Marche mondiale des Femmes (New York, 2000)
Direction du SNPES-PJJ (1991)
Congrès fondation de la FSU (1994 )
Meeting avec Olivier Besancenot (2009)

SOURCES : Documents fournis par Anne Leclerc. — Hélène Adam et François Coustal, C’était la Ligue, Éd. Syllepse et Arcane 17, novembre 2018. — François Coustal, L’incroyable histoire du Nouveau parti anticapitaliste, Demopolis, Janvier 2009. — Alain Dalançon, Josiane Dragoni, Jean-Michel Drevon (coord), Histoire de la FSU. Tome 2. Dans la cour des grands (1997-2010, Syllepse, 2019.

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