RACARIE Louis, Auguste, François [ou Louis, Étienne]

Par Jacques Grandjonc, Jean Maitron, Pierre Baudrier

Né en 1817 à Paris, mort le 8 décembre 1853 en détention au Mont-Saint-Michel (Manche) ; ouvrier mécanicien ; militant socialiste.

Lettre manuscrite de Louis Racarie au "citoyen Clément", 4 janvier 1849, depuis la prison de Sainte-Pélagie (Musée Carnavalet).

Louis Racarie fut poursuivi en septembre 1838 pour association illicite et en décembre 1840 à propos de l’attentat de Marius Darmès. Il habitait alors 4, rue du Petit-Hurleur (VIe arr., maintenant plateau Beaubourg, IVe). Une expertise d’écriture prouva que le « Règlement constitutif et disciplinaire de l’Association des Travailleurs égalitaires » saisi chez Darmès était de la main de Racarie. Ce document était précédé d’un préambule « Au Travailleur égalitaire. Profession de foi de la nouvelle direction » et accompagné d’un formulaire de réception, dans lequel apparaît pour la première fois — en milieu ouvrier, vers la fin de 1839 — le terme « communiste » dans deux formules caractéristiques : « Écoute avec confiance et sans crainte ; tu es avec des Républicains communistes, et par conséquent tu commences à vivre sous l’ère de l’égalité », et plus loin « tous les communistes sont nos frères, tous les aristocrates nos ennemis. » Dans ces statuts, calqués sur ceux de la Société des Saisons, les Semaines étaient devenues des Métiers, les Mois des Ateliers et les Printemps des Fabriques (pièces publiées par le baron Girod de l’Ain dans son Rapport, p. 63-73). Racarie fut condamné à un mois de prison prévenu d’appartenir à l’association Communiste ou des Travailleurs Égalitaires.

Le travail commencé par les Travailleurs Égalitaires, venus des Saisons, fut poursuivi par les Nouvelles Saisons, communistes.
Le 9 septembre 1838 Racarie avait participé à un chahut fêtant le départ des frères Chavot pour Dijon où, amnistiés, ils étaient assignés à résidence après avoir été condamnés pour complot contre la vie du Roi. Un groupe de jeunes gens était arrivé à Cour-de-France et prétendait réquisitionner le cabriolet d’un sieur Vilbesex notamment pour y installer l’un d’entre eux, « Michel », qui était victime d’un malaise : il y avait là Nicolas Michel-Ange, tourneur en porcelaine, Auguste Poquet, bottier, Jean-Etienne Pensé*, bottier, Jacques Normandie, tisserand, « Louis Étienne » Racarie, mécanicien, Jules Rivière, écrivain, James Redmond, écrivain, Louis Galmond, tabletier. La Gazette des Tribunaux ajoute Michel et orthographie Pensée, Normandin. Ils étaient accusés de voies de fait, rébellion envers la garde, tapage nocturne. Quelques-uns furent condamnés à des peines légères.

Racarie entra en janvier 1846 dans les ateliers du constructeur mécanicien Moulfarine, rue de Ménilmontant. Congédié en octobre 1847, il se trouvait en chômage quand la révolution de Février lui donna l’occasion de se distinguer sur les barricades.

Chômeur inscrit aux Ateliers nationaux, il participa à l’insurrection de Juin 1848 et fut arrêté le 26 en possession d’une bonbonne d’essence qu’il avait transportée à son domicile rue Saint-Antoine et avec laquelle il se serait proposé d’incendier le quartier.

Selon une autre version policière, il aurait exercé un commandement important et tenté, à l’aide d’une pompe remplie d’essence de térébenthine, d’incendier la mairie du IXe arrondissement (ancien). On aurait saisi chez lui une recette pour faire de la poudre. Blessé le 25 juin, il avait été ramené à son domicile, rue Saint-Antoine. Il comparut devant le 2e conseil de guerre, à la fin d’août 1848 et fut défendu par Dutours, membre de l’Assemblée nationale, avocat au barreau de Montauban. Témoigna en sa faveur, entre autres, Félicité Lamennais. Il fut condamné aux travaux forcés à perpétuité, malgré ses dénégations. « Pour moi, toute réforme ne peut s’obtenir que par la tranquillité. Connu dans le quartier pour avoir subi une condamnation politique sous Louis-Philippe, cela seul m’a valu mon arrestation. J’étais républicain avant la République et jamais je ne combattrai une idée qui a été toute ma vie mon idole et pour laquelle j’avais tant souffert sous le règne passé. »

Il salua sa condamnation du cri de « Vive la République ! » Enfermé à la prison de Sainte-Pélagie à Paris, puis au Mont-Saint-Michel, il adressa à Louis-Napoléon une supplique, en se réclamant du souvenir de l’impératrice Joséphine, puis sans en attendre les résultats, il se jeta du haut du parapet de la citadelle, soit qu’il ait tenté de s’évader, soit qu’il ait voulu se suicider. D’après le journal La Voix de la vérité du 18 décembre 1853, il s’agissait d’une tentative d’évasion à l’aide d’une corde que Racarie avait lui-même fabriquée.

Louis-Auguste Racarie était marié avec Caroline-Marie Jacquet.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article36719, notice RACARIE Louis, Auguste, François [ou Louis, Étienne] par Jacques Grandjonc, Jean Maitron, Pierre Baudrier, version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 19 novembre 2022.

Par Jacques Grandjonc, Jean Maitron, Pierre Baudrier

Lettre manuscrite de Louis Racarie au "citoyen Clément", 4 janvier 1849, depuis la prison de Sainte-Pélagie (Musée Carnavalet).

SOURCES : Arch. Nat., BB 24/437, CC 777. — Arch. Min. Guerre, A 8326. — Arch. PPo., A a/428. — Cour des pairs. Attentat du 15 octobre 1840 Rapport fait à la Cour par M. le baron Girod (de l’Ain), Paris, 1841. (Bibl. Nat., Lb 51/3453.) — Procès de Darmès devant la Cour des pairs..., Pagnerre, Paris, 1840-1841, p. 44, 52-53. — Jacques Grandjonc, Communisme/ Kommunismus/ Communism. Origine et développement international de la terminologie communautaire prémarxiste des utopistes aux néo-babouvistes, Trier, Karl Marx Haus, 1989, p. 403. — Gazette des Tribunaux, 10 novembre 1838, p. 35, 2ème col. ; 9 août 1841, p. 1034. — Journal des Débats politiques et littéraires, 10 novembre 1838, p. [2], 3ème col. — État civil de la Manche. — Notes de Julien Chuzeville.

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