GARNIER Emmanuel, Isaïe, François

Par Florence Regourd

Né le 29 novembre 1894 aux Sables d’Olonne (Vendée) ; mort en juillet 1944 dans le train de déportés ; pilote de bateau, président du syndicat des marins-pêcheurs des Sables-d’Olonne (Vendée).

Fils aîné d’Emmanuel Elie Garnier, marin pêcheur et pilote du port des Sables d’Olonne et d’Elise Fermé, inscrit maritime à l’âge de 11 ans, Emmanuel Garnier reçoit son brevet de patron de pêche en 1909. Mobilisé en 1914, embarqué comme matelot de 2e classe sur le cuirassé La Provence, il devient quartier-maître timonier, puis second maître. Après l’armistice, on lui confie le commandement d’un dragueur de mines L’Amphitrite dans l’Adriatique pendant un an. Il finit la guerre avec le grade de maître-timonier sur le porte-hydravions Campinas. De retour aux Sables d’Olonne, Emmanuel Garnier passe son brevet de patron au bornage (petit cabotage) et se marie en 1919 avec Louise Kirié qui tiendra une petite épicerie dans les années Trente. Le couple eut 4 enfants.
Emmanuel Garnier commence sa carrière de marin pêcheur comme patron d’une gazelle, un thonier immatriculé LS909 et nommé « Jean Jaurès » par admiration pour une des deux figures tutélaires qu’il revendique avec celle de Clemenceau. Il participe à son premier sauvetage en mer en 1920, lors du naufrage du paquebot Afrique. Dès ces années Vingt, il devient une figure emblématique du port comme sauveteur, syndicaliste et coopérateur.
Emmanuel Garnier est élu président du syndicat des marins-pêcheurs des Sables-d’Olonne (Vendée), de 1926 à 1932 puis de 1935 à la Seconde Guerre. Ce syndicat fut, à sa création (1896) considéré comme un syndicat patronal dans la mesure où un certain nombre de marins pêcheurs étaient propriétaires de leur bateau. C’était le cas de Garnier qui, avec son père, fit construire le bateau de pêche Jean Jaurès qu’il commanda jusqu’en 1926. Garnier avait également son brevet de commandant de commerce et, comme son père, devint pilote en 1927. Il intervint fréquemment dans les conflits de la pêche comme en 1926 où se produisit une véritable émeute sur le port sablais, l’épisode le plus grave de ces « guerres de la sardine ». Les heurts fréquents entre les marins pêcheurs d’une part et les industriels des conserveries et les mareyeurs d’autre part, aux intérêts divergents, rapprochèrent souvent les marins des revendications ouvrières. Ainsi Emmanuel Garnier incitait-il les ouvrières des conserveries à se syndiquer lors de la grève de 1928 : elle dura du 4 au 8 août et le syndicat professionnel fut créé le 8 août. Emmanuel Garnier que son récent biographe qualifie de « radical socialiste non marxiste dans la lignée de Clemenceau » refusait la lutte des classes prônée par la CGT, notamment en août 1937 lors d’un conflit entre les ouvriers spécialistes, les femmes employées dans les conserveries et les conserveurs. La lettre qu’il adressa au préfet de la Vendée précise bien sa conception « Nous ne pouvons que regretter les propos malséants et chargés de haine qui ont été prononcés par certains membres des délégations de la CGT ».
Cette volonté de collaboration et d’apaisement est à l’origine de l’organisation du marché de la sardine sur les côtes vendéennes : en 1926-1927, un accord fut passé entre le COFICA (Comptoir Français de l’Industrie des Conserves Alimentaires) et le syndicat des marins pêcheurs sablais, « L’Union Fraternelle » que présidait Garnier, fixant une sorte de contrat sur le prix de la sardine, les conditions d’achat mettant un terme aux grands mouvements de grève des marins pêcheurs. Emmanuel Garnier participa à la création de la coopérative L’Olonnaise qu’il présida de 1930 à 1935.
Pilote au port au début de la Seconde guerre mondiale et toujours président du syndicat des marins-pêcheurs du littoral atlantique, il prend le commandement de la batterie côtière de Chef-de-Baie à l’entrée du port de La Rochelle. Démobilisé en 1940, le port est alors occupé par les troupes allemandes depuis le 23 juin, Emmanuel Garnier serait alors entré en résistance. Il devient président national du Comité de la sardine et du Comité du thon dans le cadre de la loi du 13 mars 1941 instaurant la Corporation des pêches maritimes. Il fait partie du Comité central corporatif des pêches maritimes composé de 48 membres. Convoqué par Darlan à Vichy, il refuse de le suivre. Il entre vraiment en résistance à partir de 1942, dans le réseau Manipule fournissant d’importants renseignements à Londres sur les points de défense des Allemands sur le littoral atlantique, batteries, bunkers disséminés de la Loire à la Gironde, sous couvert d’étudier l’implantation d’écoles d’apprentissage maritime. A cette date, un rapport le signale comme « acquis à l’œuvre de redressement national entreprise par le gouvernement actuel », il participe par exemple au COSI Comité Ouvrier de Secours Immédiat dont il démissionnera, mais il continue son action clandestine de résistance, marqué par l’assassinat par les Allemands de son beau-frère Félix Kirié en 1943. Officiellement pilote et clandestinement chargé de mission dans le réseau Manipule, Emmanuel Garnier est informé fin 1943 que son activité est connue des Allemands mais il refuse par deux fois l’offre faite de le rapatrier d’urgence sur Londres en avion.
Une lettre de dénonciation entraîne son arrestation le 7 avril 1944. Emprisonné à La Roche-sur-Yon puis à Pierre-Levée (Poitiers) où il est torturé, il transite à Fresnes et est transféré au camp de Compiègne-Royallieu en juin d’où part le « train plombé de la mort », vers Dachau, le 2 juillet 1944. Emmanuel Garnier mourut étouffé durant le transport vers Dachau ce jour même.
Fait Chevalier de la légion d’honneur à titre posthume en juillet 1945, et en 1968, la médaille de la Résistance française lui est décernée.

Une rue et un quai des Sables d’Olonne portent son nom, une plaque commémorative fut apposée par la Coopérative sur le quai en hommage à Emmanuel Garnier et cinq bateaux portent le nom Pilote Garnier ou Président Emmanuel Garnier dont le dernier, une vedette, construite en 2014.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article50651, notice GARNIER Emmanuel, Isaïe, François par Florence Regourd, version mise en ligne le 10 juin 2009, dernière modification le 29 septembre 2018.

Par Florence Regourd

Emmanuel Garnier en 1914
Emmanuel Garnier en 1914
Emmanuel Garnier en 1942
Emmanuel Garnier en 1942

SOURCES : Arch. Dép. Vendée, 4 M 408, 11 M 214-215. 1W9. — Arch. Com. Les Sables-d’Olonne, F 11 8. — A.-M. D’Avigneau, L’industrie des conserves de poissons en France métropolitaine, 1950. — Le Publicateur, 21 juin 1912. — Yves Orsonneau, L’homme tout debout. Mémoires d’une peau-bleue, Geste éditions, 1991. — Constant Friconneau, La saga de la sardine et du thon. Histoire de la pêche et de la conserve de Nantes aux côtes de Vendée, éditions d’Orbestier, 1999. — Louis-Emmanuel Garnier, Bulletin de la société Olona, septembre 1984. — Ronan Viaud, Le syndicalisme maritime français. Les organisations, les hommes, les luttes (1890-1950), Presses Universitaires de Rennes, 2005. — Mémorial des déportés de France. — Ouest-France, 20 novembre 1912. — Hervé Retureau, colloque au CVRH, Centre Vendéen de recherches Historiques, 2012.- Thierry Emmanuel Garnier, Emmanuel Garnier, soldat de la grande guerre, héros de la Résistance, Arqa, 2014.

ICONOGRAPHIE : Ouest-France, 20 novembre 1912

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