Par complétée par Emmanuel Le Doeuff et Pierre Vincent
Né le 12 août 1904 à Paris (XIVe arr.), mort le 10 août 1977 à Honfleur (Seine-Maritime) ; cheminot ouvrier charron puis aide contrôleur technique dans divers lieux ; syndicaliste CGT et communiste, révoqué à quatre reprises.
Adopté par la Nation, Robert Lutgen entra au réseau de l’État en 1927. On le retrouve à La Garenne en 1929 comme ouvrier charron. Il y était secrétaire de syndicat, avant d’être déplacé à Loudun l’année suivante. Révoqué le 2 avril 1931, il fut réintégré le 30 octobre 1936. Devenu délégué à la propagande de la Fédération unitaire des cheminots, il fut élu au secrétariat de l’Union CGTU des chemins de fer de l’État lors du congrès tenu du 24 au 26 mars 1932, après le ralliement à la CGT de l’ancien secrétaire Antoine Rambaud. Il fut réélu au bureau fédéral de la Fédération unitaire au congrès tenu du 15 au 17 mai 1934. En août 1934, il fut secrétaire du syndicat unique des cheminots d’Avignon (Vaucluse).
En février 1935, alors que le réseau de l’État n’avait pas réalisé l’unité syndicale, les syndiqués unitaires étaient au nombre de 14 400 et leur bureau était composé de Robert Lutgen et Pierre Brandy. Après l’unité, Lutgen représenta la région Ouest au conseil fédéral et devint gérant de l’organe de la Fédération, La Tribune des cheminots. Il fut également délégué auprès du directeur général et délégué régional en 1938-1939. Révoqué à nouveau en mai 1939, suite à la grève du 30 novembre 1938, il fut réintégré à Rochefort alors qu’il était mobilisé dans l’armée.
Ce n’est qu’en 1938 qu’il aurait adhéré au Parti communiste. En 1939, il était considéré comme l’instigateur de la propagande communiste clandestine menée parmi les cheminots. Une nouvelle fois, il fut licencié de la SNCF le 6 décembre 1940 en application de la loi du 18 septembre. Entre temps, mobilisé, puis fait prisonnier, il séjourna au Stalag IV C (n° 2874) avant d’être libéré en 1942. Selon un rapport préfectoral d’octobre 1943, il aurait désapprouvé l’action clandestine, pris l’engagement de ne pas se livrer à des activités communistes et aurait adhéré au groupe « Collaboration ».
Si ce dernier élément est exact, il est singulier que Robert Lutgen retrouva des responsabilités après guerre. En janvier 1945, il était aide-contrôleur technique aux ateliers de Levallois. À cette date et jusqu’en novembre 1946, il était secrétaire général du syndicat de Paris-Ouest-Rive droite. La Fédération CGT le nomma responsable pour le Détachement d’Occupation des cheminots français en Allemagne (DOCF) au début 1946, et c’est en tant que tel qu’il intervint au congrès fédéral de juillet 1947. Il fut également élu au conseil national en 1945 et 1947.
Suspendu pour avoir pris la parole sur le lieu de travail le 25 octobre 1948, il fut - pour la quatrième fois - radié pour action syndicale le 24 novembre, puis amnistié en août 1953, sans pour autant être réintégré.
On retrouve Robert Lutgen élu au secrétariat de l’Association nationale des cheminots anciens combattants (ANCAC) au congrès de 1949, et encore en février 1951. Au congrès suivant de 1951, il n’était plus que membre suppléant du conseil d’administration au titre de la région Méditerranée, représentant de la section de Rivesaltes (Pyrénées-Orientales). En 1953, il était à nouveau secrétaire au titre de la section de Chelles-Vaires (Seine-et-Marne). Après cette dernière date, il disparaît des organigrammes de la Fédération et de l’ANCAC. On lui aurait reproché son attitude pendant la guerre, « révélations » qui interviennent étrangement tard. Quoi qu’il en soit, perdant toutes ses relations, tant politiques que syndicales, Lutgen se serait retiré dans le Midi et aurait monté une menuiserie, puis aurait travaillé comme contremaître dans une entreprise du bâtiment.
Doté d’un grand talent oratoire, ce militant au parcours particulièrement heurté était également prisé pour son indépendance d’esprit, selon le témoignage de R. Laporte qui le fréquenta au syndicat de PORD.
Marié en 1926 avec Sylvie Delorme à Paris (XVIIIe arr.) et en 1937 [l’extrait d’acte de naissance ne mentionne pas ce mariage], Robert Lutgen était père de trois enfants.
Par complétée par Emmanuel Le Doeuff et Pierre Vincent
SOURCES : Arch. Nat. F7/13671, F7/13029. — Arch. PPo, SNCF S25, note du 23 octobre 1943. — Arch. SNCF de Béziers. — Arch. Fédération CGT des cheminots. — Arch. de l’ANCAC. — Arch. syndicat CGT de PORD. — Compte rendu du congrès de la Fédération nationale des travailleurs des chemins de fer, 1938. — Notes de Jean-Pierre Bonnet et de Fabienne Laurioux. — Entretien avec R. Laporte, 11 juillet 2001. — État civil.