Par Jean-Louis Panné, Claude Pennetier
Née le 3 juillet 1900 à Moncontour (Vienne), morte le 9 février 1985 à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine) ; institutrice ; militante syndicale et communiste ; responsable du Comité mondial des femmes contre la guerre et le fascisme ; résistante, députée de la Seine (1946-1958).
Fille d’un instituteur, « socialiste sentimental et pacifiste » (entretien de Maria Rabaté avec Claude Willard, op. cit.), et d’une institutrice, Maria Rabaté fit des études à l’École primaire supérieure de Saint-Gaultier (Indre). « Je suis en état presque permanent de rébellion ; je dévore Kropotkine » disait-elle parlant de son adolescence. Admise en 1916 à l’École normale de Châteauroux, elle subit l’influence d’une directrice pacifiste, d’un professeur de français et d’une jeune institutrice, ancienne normalienne qui lui faisait parvenir à l’É.N. le bulletin syndical. Dès sa sortie de l’École en 1919, elle se syndiqua, s’abonna à l’Humanité puis, courant 1920, adhéra au Comité de la IIIe Internationale. Elle devait rejoindre le Parti communiste en 1921.
Maria Rabaté ne cachait pas ses convictions. Devenue institutrice stagiaire, elle fut mutée de Rosnay à Prissac pour avoir refusé de chanter La Marseillaise. Elle fut titularisée en 1922. Militante du syndicat de l’Enseignement de l’Indre, elle participa aux Groupes féministes de l’Enseignement laïque et aux Groupes des jeunes. Elle siégea au conseil syndical départemental de l’Indre en 1924-1925 puis partit pour la Vienne en 1926. De 1921 à 1927, elle assista aux congrès fédéraux. En 1927, déléguée à la conférence nationale féminine qui se tint parallèlement au IVe congrès de la CGTU à Bordeaux (19-24 septembre), elle y fit la connaissance d’Octave Rabaté avec lequel elle devait vivre à la fin des années vingt, dont elle eut deux enfants (Claude, Marie, née en 1928, mariée à Pierre Vienney et Jean, né en 1931à Bobigny). Elle épousa Octave Rabaté le 23 novembre 1953 à la mairie du XIVeme arrondissement de Paris.
Maria Rabaté collabora dès 1925 à l’Ouvrière, journal du Parti communiste. Selon un rapport de police, en congé d’enseignement en 1928, elle serait devenue sténo-dactylo à l’Humanité, à l’ambassade d’URSS enfin à la représentation commerciale soviétique (fiche Batal). De février 1930 à novembre 1931, elle séjourna à Moscou pour retrouver Octave Rabaté et travailla comme correctrice dans les services du Komintern. Elle l’accompagna en Espagne de novembre 1931 à septembre 1932. « Femme au foyer, mais assurant les liaisons, je fais là mon apprentissage de la vie clandestine », déclara-t-elle.
Lorsqu’Octave Rabaté reçut la charge de secrétaire de l’Union régionale unitaire de Bordeaux, elle entra au bureau de la Région communiste de Gironde comme permanente chargée plus particulièrement du recrutement. Considérée comme le bras droit du secrétaire régional Ruffe, elle se consacra au travail parmi les femmes de la manufacture des Tabacs de Bordeaux et celle des Allumettes à Bègles. Elle fut surtout l’organisatrice du Comité des femmes contre la guerre et le fascisme à Bordeaux. Elle fut également à l’origine du comité de coordination des syndicats de la région bordelaise en 1934. Ces fonctions syndicales lui valurent d’être condamnée par le Tribunal correctionnel de Bordeaux, le 9 juin 1934, à six jours de prison avec sursis pour entraves à la liberté du travail. Elle siégea à la commission féminine de la CGTU pendant plusieurs années. Selon Anne-Marie Sohn, sa tenue vestimentaire et ses manières choquaient de nombreuses déléguées ouvrières : « Vêtue symboliquement d’une cape noire doublée de rouge, enroulée dans une écharpe pourpre », elle se vantait de vivre en union libre avec Rabaté » (« La participation féminine... », op. cit.).
L’année suivante, la direction nationale de la CGTU décida de l’affecter dans le Nord, mais cette mutation resta sans effet car Maria Rabaté se vit confier par Jacques Duclos, en mars 1935, le secrétariat du Comité national du Comité mondial des femmes contre la guerre (avec Bernadette Cattanéo) et le fascisme, dans le sillage d’Amsterdam-Pleyel dont s’occupait Octave. Ils s’installèrent à Paris. Elle participa au soutien à l’Espagne républicaine où elle se rendit en 1937 puis en 1938 pour assister au IIe congrès des femmes catalanes et espagnoles. Elle était souvent invitée à participer aux réunions du comité central du PC ou aux conférences nationales. En mars 1937, elle fit partie de la délégation envoyée à Moscou à la réunion du Comité exécutif de l’Internationale communiste, en compagnie de Bernadette Cattanéo. Elle assista à l’arrestation d’amis rencontrés lors de son précédent séjour, mais conserva toute sa confiance en l’URSS.
En 1939, Maria Rabaté était membre de la section communiste du XIXe arr. Elle confia plus tard à Claude Willard que, sur le moment, elle ne comprit « pas très bien » les raisons de la signature du Pacte germano-soviétique, mais pour nous, ajoutait-elle, « l’URSS ne se trompe jamais ». Elle assura des liaisons et suivit le procès des députés communistes. Le 10 juin, elle partit rejoindre Octave Rabaté* dans le Lot-et-Garonne, puis en juillet, après sa démobilisation, elle séjourna à Poitiers où vivait sa mère et leurs deux enfants. Ayant renoué le contact avec le parti, elle milita clandestinement dans la Vienne puis, pendant l’Occupation, seconda Octave Rabaté* en Charente-Inférieure et Loire-Inférieure. Après l’arrestation de ce dernier, elle regagna Paris puis fut nommée responsable des Femmes patriotes de Normandie, organisation rattachée au Front national. À partir de mai 1943, elle assuma la direction des Comités féminins de la zone Nord avec Claudine Chomat. Ces comités devaient donner naissance à l’Union des femmes françaises dont Maria Rabaté devint l’une des dirigeantes.
Membre du comité parisien de Libération, elle fut désignée comme candidate du XIVe arr. à l’Assemblée municipale provisoire dont elle fut secrétaire. Réélue aux municipales de 1945 dans le 1er secteur (Ve, XIIIe, XIVe arr.) de la Seine, elle se présenta, sans succès, aux élections législatives d’octobre 1945 et de juin 1946 dans la 1re circonscription de la Seine. En juin 1947, lors du XIe congrès du Parti communiste (Strasbourg), elle fut nommée membre de la Commission centrale de contrôle financier mais ne fut pas reconduite dans cette fonction au congrès de Gennevilliers (avril 1950).
Élue député en novembre 1946 dans la première circonscription, elle demanda de ne pas être représentée aux élections municipales de 1947 pour pouvoir se consacrer à son mandat législatif. Réélue en 1951 et 1956, elle siégea aux commissions de la famille, de la population et de la santé publique (vice-présidente), de la reconstruction et des dommages de guerre, de la justice et de la législation. Candidate aux élections législatives de 1958 et 1962 dans la 16e circonscription de la Seine (XIVe arr.), Maria Rabaté fut battue par le candidat gaulliste.
Le 27 janvier 1945, le comité parisien de Libération la désigna comme conseillère municipale du XIVe arrondissement. Elle fut élue comme secrétaire du conseil municipal provisoire de Paris par 68 voix sur 83 votants. Le 29 avril 1945, elle fut élue comme conseillère municipale et représentée en position non éligible en 1947 mais retrouva ce mandat à partir de mai 1950.
Elle était en 1945 la vice-présidente du Conseil général de la Seine et à partir de mai 1950 elle siégeait au conseil municipal de Paris.
Après 1958, Maria Rabaté exerça des responsabilités au sein du Comité du XIVe arr. du Parti communiste où elle habitait rue de la Tombe-Issoire. Elle était la directrice politique de l’hebdomadaire communiste La Voix du XIVeme. Membre du bureau national de l’Union des femmes françaises, elle appartenait au conseil d’administration de l’Association France-Roumanie. Elle était chevalier de la légion d’honneur au titre de la Résistance.
Par Jean-Louis Panné, Claude Pennetier
SOURCES : Arch. Nat., F7 15477, Dossier 136. —.RGASPI, 495 270 357. — Arch. Dép. Nord, M 154/195A. — Arch. Jean Maitron (fiche Batal). — A.-M. Sohn, Th., op. cit. — A.-M. Sohn, « La participation féminine à la vie syndicale : les institutrices de la CGTU », Revue d’histoire moderne et contemporaine, juillet-septembre 1977. — Claude Willard, « Témoignage : Maria Rabaté , une femme communiste », Cahiers d’histoire de l’Institut Maurice Thorez, n° 29-30, 1979. — Jean Rabaté, Octave et Maria. Du Komintern à la Résistance, préface de Roland Leroy, avant propos de Pierre Daix, Le Temps des cerises, 2007.— Charles Riondet, Le Comité parisien de la Libération 1943-1945, PUR, 2017. — Notes de Jacques Girault.