ALVAREZ Ange, Georges

Par Jacques Brès, Fabrice Sugier

Né le 17 mars 1926 à Moreda (Asturies, Espagne), mort le 22 mai 2022 à Saint-Christol-lès-Alès (Gard) ; mineur puis ouvrier dans la métallurgie (Alès-Forges-Camargue à Salindres (Gard), puis mineur de pyrite à Salles-du-Gardon ; à nouveau mineur de charbon à Alès ; militant du Parti communiste clandestin (Gard, Hérault, Vaucluse) ; résistant : FTPF, Agrupación de guerrilleros españ֤oles (AGE) ; militant du PS à partir de 1976 ; président de l’ANACR du Gard

Ange Alvarez (1926-2022)

Ange Alvarez naquit à Moreda, localité où étaient implantées des mines de charbon, dans les Asturies (Espagne). Son père, Amador Alvarez et sa mère, Nativité née 1893, étaient des militants. Ils eurent six enfants tous impliqués dans la vie politique et syndicale du bassin minier d’Alès (Voir en particulier Alvarez Camélia épouse de Paul Planque). Ange n’avait donc que deux ans quand la famille émigra vers la France, s’installant d’abord à Decazeville (Aveyron), avant de venir dans le Gard, au Vigan, puis à Alès. Quand il raconte son parcours, dans ses Mémoires de Résistance, il se rappelle avoir grandi dans un milieu gagné aux idées communistes ; outre les souvenirs d’école, les anecdotes racontées se rattachent d’ailleurs presque toutes aux activités et manifestations militantes auxquelles participaient ses parents et ses aînés. Rajoutons aussi le rôle du contexte : un bastion du Parti communiste français (PCF), le bassin alésien, et une époque marquée par la montée de la menace fasciste et par la victoire du Front populaire en France.

Quand le régime de Vichy s’installa, Ange Alvarez n’avait que 14 ans. Il fut le témoin des réunions qui se tenaient au domicile des Alvarez, entre militants communistes, pour reconstituer un appareil clandestin et continuer la lutte. Après avoir travaillé en 1941 à la mine, il fut employé en 1942 à l’entreprise Alès-Froges-Camargue, puis, début 1943, comme Amador, son frère ainé, aux mines de pyrite du Soulier. Ange Alvarez vint en France, à Alès (Gard), avec sa famille en 1928. Son père repartit en Espagne pendant la guerre civile et mourut dans les rangs républicains.
Alvarez participa à la « grève du ventre » des mineurs du bassin d’Alès en 1942. Menacé d’expulsion, il passa dans la clandestinité, fut mis en résidence surveillé en Corse mais il faussa compagnie à la gendarmerie et vécut en France sous un faux nom. Il s’installa à Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne) et fut naturalisé en 1976. Il partit ensuite s’installer dans les Cévennes.

Françoise Chevalier a réalisé un film sur son militantisme (FR3 5 décembre 2000). Dès cette époque, il participait aux activités de la résistance communiste : à Salindres (Gard), il aidait Léonce Guiraud à glisser des tracts dans les vestiaires ; au Soulier, lui et son frère Amador sortaient des explosifs utilisés ensuite par les équipes de sabotage des Francs-tireurs et partisans français (FTPF).

Le 8 avril 1943, il dit avoir été arrêté en même temps que son frère et d’autres membres du groupe et s’être échappé, la nuit suivante, de la gendarmerie après s’être emparé d’un pistolet. Gaby Bastide, institutrice à La Royale, près d’Alès, le mit alors en relations avec d’autres groupes FTP cachés dans les montagnes cévenoles. Il partit ensuite pour le camp FTP de Grand-Bois, dans le Vaucluse. Après la dissolution de ce camp, Ange Alvarez fut envoyé par l’organisation clandestine à Montpellier (Hérault) auprès d’un responsable communiste, Adrien Niel. En juillet 1943, celui-ci lui demanda de rejoindre le maquis Jean-Grandel (Voir Beille Antoine, Lauriol Henri, Meyer Victor), dans le secteur de Bédarieux (Hérault) puis du massif du Soumail (Hérault). Alvarez participa à différentes opérations de sabotage, avant d’être désigné membre d’une équipe spéciale, dirigée par Raymond Champel et chargée, en particulier, d’éliminer les traîtres et les collaborateurs.

Le 2 décembre 1943, à Montpellier, suite à un pari ou un défi avec un de ses jeunes camarades, il abattit un militaire allemand. Quinze jours plus tard, sans que le lien soit fait avec l’attentat précédent, il fut arrêté par la police en compagnie de trois autres membres de l’équipe. En février 1944, il fut transféré à la prison Saint-Michel de Toulouse, où étaient regroupés de nombreux détenus politiques. Le 30 juin 1944, ceux-ci furent extraits de leurs cellules pour être entassés dans des wagons : c’était le "train fantôme", qui emmena plus de 700 prisonniers politiques vers les camps de Dachau (pour les hommes) et de Ravensbrück (pour les femmes, dont Nativité (sa mère) et Arlette Alvarez (sa soeur).

Ange Alvarez parvint à s’évader le 3 juillet 1944 en sautant du train à Saint-Bazeille (Lot-et-Garonne). De là, il parvint à rejoindre les groupes locaux de Résistance d’abord en Gironde puis dans l’Hérault, où il participa aux combats de la Libération dans le secteur de Saint-Pons - Bédarieux.

Après la libération du territoire national, Ange Alvarez poursuivit son combat contre le fascisme : incorporé à la 11e brigade de Guérilleros (AGE), il fit partie de l’expédition du Val d’Aran pour tenter de soulever le peuple espagnol contre le régime franquiste. Après l’échec de cette tentative, il revint à Alès où il travailla dès 1945 aux mines de Rochebelle.

Malgré des divergences de vues avec certains responsables communistes locaux, (il était très réservé sur la politique revendicative du PCF en 1945-1946) il continua à militer au sein du PCF et participa activement aux luttes syndicales. Il fut beaucoup plus à l’aise lors des grèves de 1947 et 1948. Poursuivi après les grèves très dures de 1948, il plongea dans la clandestinité mais il fut arrêté à Aigues-Mortes (Gard) en juillet 1949. Assigné à résidence en Corse en avril 1953, dans le cadre de l’opération Boléro-Paprika — décidée en 1950 par le gouvernement afin d’expulser de France ou d’assigner à résidence des militants communistes étrangers, en particulier espagnols ou d’Europe centrale et orientale —, il s’y maria la même année. En 1956, malgré l’assignation, Ange Alvarez et son épouse Carmen revinrent sur le continent sous une fausse identité, après avoir faussé compagnie à la gendarmerie et rejoignirent Amador, lui aussi dans la clandestinité en région parisienne où il s’installa à Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne).

Après de nombreuses démarches, et grâce au soutien d’anciens résistants de toutes tendances, Ange Alvarez obtint le droit de revenir vivre à Alès en 1966, puis sa naturalisation en 1975. Cette même année, il rompit avec le PCF et rejoint les rangs du Parti socialiste en 1976.

Homme d’action, Ange Alvarez a également exercé de nombreuses responsabilités associatives, notamment pour défendre le devoir de mémoire. Il a ainsi présidé la section départementale (Gard) du Comité d’union de la Résistance et de l’Association nationale des anciens combattants de la Résistance (ANACR). Il était toujours, en 2008, toujours, président d’honneur de l’Amicale des Guérilleros et dirige la section locale des anciens combattants de Saint-Christol-les-Alès (Gard), où il demeure et où il a été élu municipal. Il prolongeait son engagement en racontant son parcours de résistant dans les collèges et lycées.

Il a publié plusieurs ouvrages, les deux derniers (2011 et 2014) portant un regard très critique sur les sanglants règlements de compte ordonnés à partir de 1944 et dans les années qui suivirent par Santiago Carrillo, de la direction du PCE, contre d’anciens résistants de l’AGE, eux aussi communistes, contribuant en cela à mettre à jour des épisodes longtemps occultés de l’histoire interne du PCE.

La Commission nationale chargée de l’examen de ses droits lui a attribué le grade fictif d’adjudant au titre de la Résistance intérieure française. Il a obtenu plusieurs décorations : chevalier de la Légion d’honneur (décret du 24 mai 1994) promu officier de Légion d’honneur le 14 février 2002 ; chevalier de l’ordre national du Mérite ; médaille de la Résistance ; médaille des évadés ; médaille du combattant volontaire de la Résistance ; médaille de la déportation ; médaille des blessés.
Françoise Chevalier a réalisé un film sur son militantisme (FR3 5 décembre 2000).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article9969, notice ALVAREZ Ange, Georges par Jacques Brès, Fabrice Sugier, version mise en ligne le 10 octobre 2008, dernière modification le 22 juin 2022.

Par Jacques Brès, Fabrice Sugier

Ange Alvarez (1926-2022)
Ange Alvarez (1926-2022)
Midi-Libre, 26 mai 2022

ŒUVRES : Mémoires de la résistance (Cévennes, Montpellier, Val d’Aran, Alès), Montpellier, Espace Sud, 1994, 182 p., établi et annoté par Serge Molostoff. — L’épopée patriotique des FTP cévenols : PC-OS-FN, FTPF, Nîmes, Lacour, 2011, 43 p. — Avec Ivan et Roland Delicado, Royo le guerrillero éliminé : frère d’armes de Marcel Bigeard pendant la Libération de l’Ariège, Nîmes, Ardeo Résistances, 2011, 43 p. — Guérillas antifranquistes du Levant : crimes et falsifications : quand Carrillo faisait éliminer des héros de la Résistance française, Nîmes, Ardeo résistances, 2014, 392 p.

SOURCES : Arch. dép. Gard, 1 W 145. — ONAC, Gard. — Ange Alvarez, op. cit., 1994. — Fabrice Sugier, « Planque Paul » ; « Les Espagnols antifascistes dans la Résistance : l’exemple de la famille Alvarez », in Claude Émerique, Laurent Pichon, Fabrice Sugier, Monique Vézilier, La Résistance dans le Gard, Paris, Association pour des Études sur la Résistance intérieure (AERI), 2009, CDROM avec un livret de présentation, 36 p. — Entretien avec Ange Alvarez, 16 mars 2007. — Notes d’André Balent et de Claude Pennetier.

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