FAY Victor. Pseudonymes : MASSON Victor, BRU Victor [né Ladislas FAYGENBAUM]

Né le 18 mai 1903 à Varsovie (Pologne), mort le 29 juin 1991 à Créteil (Val-de-Marne) ; licencié en droit, sociologue ; responsable de la section éducation du Parti communiste français qu’il quitta en août 1936 avec les membres du groupe « Que faire ? » ; militant du Parti socialiste SFIO, puis du PSA, du PSU et du PS.

Né dans une famille polonaise de petite bourgeoisie (père industriel, mère au foyer « patriote polonaise » [notes biographiques de Victor Fay], touchée économiquement par la guerre de 1914-1918, pour avoir un peu d’argent de poche lycéen, Victor Fay donna des leçons aux élèves de petites classes. Au cours de l’hiver de 1917-1918, il entra en liaison avec l’organisation militaire clandestine fondée après la dissolution des légions de Pilsudski par les occupants autrichiens et allemands. L’ancienne hostilité à l’égard des Russes s’effaça devant l’admiration pour les bolcheviks, partisans de la paix et de la libération des peuples opprimés. En septembre 1918, Victor Fay adhéra à un petit groupement de socialistes de gauche, favorable à la Révolution d’Octobre. En novembre, la Pologne fut libérée et accéda à l’indépendance. Un gouvernement à direction socialiste (PPS) se forma. Pilsudski, libéré de la prison allemande, revint et prit en fait la direction du pays.

En décembre 1918, la social-démocratie de Pologne et de Lituanie, inspirée par Rosa Luxembourg et proche des bolcheviks, fusionna avec le Parti socialiste polonais de gauche qui évolua des positions des mencheviks internationalistes vers celle des bolcheviks. Ils formèrent ensemble le Parti communiste ouvrier de Pologne. Fin décembre 1918 se constitua, sur les mêmes bases, l’organisation des Jeunesses communistes. Victor Fay y adhéra, distribua des tracts à la sortie des usines, vendit l’organe du parti, organisa un groupe de sympathisants dans son lycée.

Victor Fay adhéra à la Jeunesse communiste à la fin de l’année 1918 et connut plusieurs fois l’arrestation avant de quitter la Pologne en 1925. Il avait commencé des études de droit et d’histoire qu’il voulut poursuivre en France.

Des conseils ouvriers surgirent dans les centres industriels, à Varsovie, à Lodz, dans le bassin minier de Dombrowa. Dans ce dernier seulement, les communistes obtinrent la majorité. Les socialistes, hostiles aux conseils ouvriers, s’en retirèrent. À la fin de janvier 1919, Paderewski, célèbre pianiste et homme de confiance des puissances occidentales, arriva au pouvoir à la tête de toutes les forces de la réaction. Il prononça la dissolution du Parti communiste qui, très isolé, plongea dans la clandestinité. Victor Fay perdit tout contact avec l’organisation et n’arriva à le rétablir qu’au cours de la manifestation du 1er Mai. L’année 1919 fut marquée par une lente extension de l’influence communiste parmi les jeunes, surtout les écoliers. L’échec de l’armée rouge aux portes de Varsovie en juillet-août 1920 était dû à la levée de masse de la population qui voyait dans cette armée celle de l’oppression nationale et non de la libération sociale. Victor Fay fit partie de l’organisation des Jeunesses communistes, très peu nombreuse et peu liée avec les jeunes travailleurs.

Victor Fay entra à la fin de 1920 au bureau provisoire, qui ne dirigea effectivement que le travail dans la capitale, les petits noyaux de jeunes existant en province étaient en fait dirigés par les organisations du parti. Fay préconisa, avec les autres membres du bureau provisoire, l’intégration de la jeunesse dans le parti dont l’activité laissait à désirer. Cette proposition fut rejetée par la direction du parti, le bureau provisoire fut dissous et ses membres transférés au parti.

Victor Fay entra en 1921 au service de diffusion de la littérature clandestine, son chef lui dit que, « après avoir travaillé pour la révolution avec la tête, il devra[it] désormais le faire avec les jambes ». En automne 1921, il devint membre du cercle de conférenciers auprès du Comité régional de Varsovie.

Victor Fay quitta le lycée, où la vie était devenue intenable après plusieurs arrestations, et s’inscrivit à la Faculté d’histoire de l’Université libre de Varsovie tout en travaillant comme employé dans un trust de produits chimiques. Il fut chargé de desservir successivement plusieurs organisations de « quartiers » (rayons) de la capitale, puis les fractions communistes dans les syndicats. Il collabora à la rédaction des journaux syndicaux édités par le parti. Le manque de formation théorique l’incita à créer, en 1923-1924, avec quelques camarades, trois séminaires en marge du parti : celui d’économie politique avec un disciple de Rosa Luxembourg, Henryk Grossman, celui de sociologie avec Ettinger (Dalski) et de philosophie avec Rudnianski. Pendant cette période, ses désaccords avec la direction du parti et de l’Internationale s’aggravèrent. Alors que le parti adopta, en son congrès de 1922, un programme léniniste, Victor Fay, avec quelques camarades d’extrême gauche, se rattacha à la tradition luxembourgiste encore vivace au PC polonais. Les désaccords portaient sur le droit des peuples à l’autodétermination, sur la distribution des terres aux paysans, sur la conception du parti d’avant-garde. À cela s’ajouta l’hostilité au front unique avec la social-démocratie, préconisé par le IIIe congrès de Komintern, en 1921.

Le groupe d’extrême gauche se rapprocha de la plate-forme de l’« opposition ouvrière » du PC soviétique et du KAPD, Parti communiste ouvrier d’Allemagne, issu de la scission avec le PCA, les deux groupements étant combattus par Lénine. Opposant au sein du parti, exposé à la répression policière qui s’aggravait, Victor Fay vit s’amenuiser les perspectives d’action du parti et les siennes propres. Menacé de plusieurs années de prison, après de nombreuses arrestations, et malade, Fay se décida à quitter le pays. Finalement, il choisit la France et y arriva en 1925. Après un bref séjour à Paris, il se fixa à Toulouse (Haute-Garonne) en raison de son mauvais état de santé. Il y poursuivit des études d’histoire et entama celles de droit. Après avoir pris contact avec le PCF, Fay commença en 1926 à militer à Toulouse. Coopté au bureau régional, chargé du travail parmi les étudiants et les ouvriers étrangers, collaborateur régulier de l’organe régional du parti La Voix des travailleurs, il fonda, avec d’autres camarades polonais, notamment avec Hilaire Minc, futur vice-présent du Conseil en Pologne populaire, un cercle d’études marxistes, fréquenté par 60 à 80 étudiants, originaires en majorité d’Europe orientale. Il organisa un groupe d’étudiants vietnamiens révolutionnaires et rédigea leur journal. Il s’occupa en même temps des travailleurs polonais, mineurs en majorité, et se rendit souvent, à ce titre, dans les centres miniers du Tarn et de l’Aveyron (Cagnac, Carmaux, Decazeville, etc.). Cette activité, qui dura de 1926 à 1928, attira finalement l’attention des renseignements généraux de la police. Repéré, il partit, pour éviter l’expulsion, pour Montpellier (Hérault) où il forma un autre cercle d’études marxistes parmi les étudiants, entra au bureau régional de Béziers (Hérault), collabora au journal régional, organisa les mineurs polonais du Gard (Malière).

En 1929, Victor Fay revint à Toulouse pour passer la licence en droit et partit ensuite pour Paris afin de préparer son doctorat. Son arrivée coïncida avec la crise de la direction de l’Agit-prop centrale d’où furent éliminés Paul Marion*, Fontenay*, et Roland Dallet. La nouvelle direction du parti, issue des Jeunesses communistes, décida de reprendre le travail de formation des cadres délaissé depuis 1926. Fay fut chargé des cours d’économie politique et de dialectique matérialiste à l’école des Jeunesses de la région parisienne, puis, à partir de juillet 1929, de l’organisation des écoles régionales. En 1930, après l’éviction du « groupe Barbé-Celor », arriva en France une délégation du Komintern, composée d’Eugène Fried (Tchécoslovaque), de Léon Purman et d’Adam Landy (Polonais). Ils étaient accompagnés de plusieurs instructeurs, Georges Kagan, chargé de la direction des Cahiers du bolchevisme, Anna Pauker et Erno Gerœ pour le travail d’organisation, Jablonski pour la formation, Golubieva pour le travail anti-colonial. Devenu permanent, Victor Fay collabora étroitement avec la délégation, qui favorisa son activité de formation des cadres. Il organisa et dirigea deux séries d’écoles régionales dans le Nord, à Marseille, à Alès, à Lyon, en collaboration avec Gayman* puis avec Gaston Cornavin.

Responsable du travail de formation à l’Agit-prop centrale, Victor Fay organisa deux écoles nationales du Parti communiste : une école centrale des Jeunesses et une école centrale de la CGTU. Sortirent de ces écoles entre autres Jean-Pierre Timbault*, Charles Michels*, Roger Roucaute*, Étienne Fajon*, Lucien Monjauvis*, Eugène Hénaff*, André Tollet*, Jeannette Veermersch* et Danielle Casanova. Il créa tout un réseau d’écoles de rayon, une école pour les militants de l’Étoile nord-africaine, une école de rabcors (correspondants ouvriers). Une école par correspondance fut créée en 1931, réunissant des sympathisants et des militants de province ; elle compta jusqu’à mille élèves. Les futurs députés Gaston Auguet et Grésa* furent formés à cette école. Fay fut nommé instructeur au 6e rayon de la région parisienne, où il organisa la pénétration du parti chez Citroën-Javel et chez Alsthom. Après plusieurs échecs, dus à la répression policière et patronale, il arriva à former des cellules du parti et des sections de la CGTU dans ces deux usines. Fay fut en outre chargé de la propagande pendant les grèves des ouvriers du textile, des mineurs et des métallos du Nord. Il déploya toute cette activité illégalement de 1926 à 1931. Grâce à son ami Jean Fréville*, collaborateur d’Anatole de Monzie, il obtint sa naturalisation. Il épousa aussitôt sa compagne qui obtint de ce fait la nationalité française. Permanente, elle aussi, elle assurait clandestinement, sous le nom de Jeanne Rougé, le secrétariat de rédaction des Cahiers du bolchevisme et la direction de l’école par correspondance. En 1932, Victor Fay contribua à la fondation de l’Université ouvrière où il enseigna, sous le nom de Victor Bru, l’économie politique marxiste. La présidence officielle de l’Université ouvrière, qui comptait 1 000 à 1 200 élèves, fut confiée à Georges Cogniot, le secrétariat à Paul Bouthonnier. Y enseignaient, entre autres, Politzer*, Solomon*, Prenant*, Labérenne* et Husson*.

Après le 6 février 1934, repéré par la police, Victor Fay fut poursuivi en déchéance de la nationalité française sous la fausse accusation de travail antimilitariste. Grâce encore à de Monzie, il fit traîner l’instruction jusqu’à la veille de la victoire du Front populaire, à la suite de quoi il obtint le non-lieu.

Victor Fay ralentit pendant cette période son activité au sein du Parti communiste et se consacra davantage à l’Université ouvrière et à l’école par correspondance.

Victor Fay publiait depuis 1927 des articles dans les Cahiers du bolchevisme, une chronique hebdomadaire dans l’Humanité intitulée « Doctrine et Histoire », participa à la rédaction des pages spéciales de l’Humanité consacrées aux anniversaires de grands événements et de théoriciens du mouvement ouvrier : La Commune de Paris, la révolution d’Octobre, les 3 L (Lénine, Liebknecht, Luxembourg), etc. Il rédigea des éditoriaux de Regards et Nouveaux regards, hebdomadaire illustré édité par le Secours populaire et dont le rédacteur en chef était Vital Gayman*, secrétaire général de l’Humanité. Ses articles étaient signés de divers pseudonymes : Masson, Picard, Normand, Breton, Pascal, etc. Victor Fay fut nommé officiellement lecteur aux éditions du Parti communiste, pour ne pas paraître comme permanent ; il publia, outre les textes envoyés de Moscou, deux collections, « Problèmes » avec des études de Prenant, Labérenne, Reich et « Cahiers de contre-enseignement ». Il remplace Alfred Kurella, chargé du travail parmi les intellectuels et rappelé à Moscou par Dimitrov, nommé secrétaire général au VIIe congrès du Komintern tenu en 1935. Fay publia un recueil d’études, préparé par Kurella, sous le titre « À la lumière du marxisme » auquel collaborèrent Wallon, Prenant, Labérenne, Maublanc et autres. Il publia la thèse de doctorat d’université de son ami Joseph Cœn, sous le nom de J. Klement, sur « Jaurès réformiste » qui, par un choix approprié de citations, réduit Jaurès aux positions révisionnistes de Bernstein. Croyant cette image de Jaurès par trop unilatérale, Fay formula des réserves dans une préface qui fut désavouée par le service des éditions internationales de Moscou. Il fut blâmé ensuite pour avoir publié les « Études philosophiques » de Marx et Engels, constamment rééditées depuis, au lieu d’un énorme recueil sur Marx. « Engels-Marx », préparé à Moscou, qui devait paraître sous la même forme à la fois en russe, allemand, français, anglais et espagnol.

Victor Fay fut renvoyé des Éditions en 1936 pour avoir mentionné, dans une note aux œuvres complètes de Lénine, l’opinion élogieuse exprimée par Lénine au sujet du livre de Kautsky Le Chemin du pouvoir. Fay était soupçonné d’être en désaccord avec la politique du parti et du Komintern. Ce désaccord existait réellement. Depuis l’avènement d’Hitler au pouvoir, Fay faisait partie d’un groupe de militants qui, jugeant désastreuse la politique sectaire traitant la social-démocratie de social-fascisme, décida de publier une revue d’opposition, intitulée Que Faire ? Les principaux animateurs de cette revue étaient Georges Kagan*, instructeur du Komintern, et André Ferrat, membre du bureau politique, chargé du travail anticolonial. Faisaient partie de ce groupe : Léo Valiani, rédacteur en chef de L’Unita, Kurt Landau (Bertran), ancien secrétaire du PC autrichien et ancien dirigeant trotskiste.

Appelé à rentrer à Moscou, Georges Kagan rompit avec le Komintern, André Ferrat rendit public son désaccord, qui persista, malgré le tournant de 1934-1935 et l’unité d’action avec la SFIO. La revue Que Faire ?, qui parut de 1934 à 1939, dénonça la répression stalinienne en URSS et pendant la guerre civile en Espagne ; elle s’opposa à l’alliance avec les radicaux en France et se prononça pour une guerre préventive lors de l’occupation de la Ruhr par Hitler. Victor Fay, malade, participa assez peu à cette activité. Il quitta le parti après le premier procès de Moscou (août 1936). En 1937, le groupe « Que Faire ? » décida d’adhérer à la SFIO, prit contact avec Jean Zyromski et sa tendance, « la Bataille socialiste ». Faisaient partie de la tendance, outre les animateurs de Que Faire ?, Andrée Marty-Capgras*, André Thirion*, etc. Victor Fay adhéra à la SFIO en 1938. Après une période de chômage, il trouva du travail comme correcteur d’imprimerie. Sa femme quitta elle aussi l’appareil du parti. Elle en fut exclue pour avoir refusé de quitter son mari. Elle travailla comme secrétaire d’avocat. Une fille, née en 1934, fut confiée aux parents de Fay en Pologne où elle reste jusqu’en 1938.

Mobilisé au début de 1940, Victor Fay fut affecté à l’intendance de Saint-Denis en raison de son état de santé. Replié à Mont-de-Marsan après la défaite, il fut démobilisé en juillet 1940 et rejoignit aussitôt Toulouse où devaient se retrouver quelques militants de « Que Faire ? », dont Georges Kagan et plusieurs mencheviks de gauche du groupe « Dan ». Après différentes péripéties, sa femme et sa fille arrivèrent elles aussi à Toulouse. Fay trouva du travail comme correcteur à L’Encyclopédie des Juris-classeurs. Entra un contact avec les premiers résistants encore isolés, notamment Gilbert Zaksas*, futur fondateur du mouvement « Libérés et fédérés ». Sa femme ayant été embauchée à Marseille, Fay la rejoignit et fut employé comme correcteur à Paris-Soir. Il noua la liaison avec le Dr Paul Schmierer qui, avec le comité Fray, s’occupait de la libération des camarades emprisonnés et internés et leur procurait des « danger-visas » pour les États-Unis. Purent ainsi échapper à la déportation en Allemagne Georges Kagan, qui mourut à New York en 1944, ainsi que quelques mencheviks, sociaux démocrates et opposants communistes.

L’occupation de la zone sud en novembre 1942 obligea Victor Fay à se replier d’abord à Avignon (Vaucluse), ensuite au Chambon-sur-Lignon (Haute-Loire). Il prit contact en 1943 avec des résistants du Puy-en-Velay et fut chargé, au début de 1944, de préparer un journal clandestin des MUR. Le premier numéro parut le 19 août 1944, le jour de libération du Puy, alors que se poursuivaient les combats dans les rues de la ville. Il fut nommé rédacteur en chef de ce journal, L’Appel de la Haute-Loire, organe du Comité départemental de Libération. Il assura cette fonction jusqu’à la fin septembre, y publia plusieurs éditoriaux, puis se rendit à Lyon où il était appelé par André Ferrat, directeur de Lyon libre, organe du Mouvement de Libération nationale. Victor Fay devint le rédacteur en chef du journal et y publia plusieurs éditoriaux. Il reprit son activité à la SFIO ; membre du bureau fédéral, il fut chargé de l’éducation. délégué au congrès du parti de 1946, il contribua à l’élection d’une direction de gauche, avec Guy Mollet*, nommé secrétaire général.

Lyon libre ayant fusionné avec un journal concurrent sous le nom de Soir Sud-Est, Victor Fay fut nommé directeur du bureau parisien du journal. Il fut appelé en juin 1948 par Claude Bourdet à la rédaction en chef de Combat. Ce journal mena la campagne contre la guerre d’Indochine, prit parti pour Tito et le schisme yougoslave et combattit en même temps l’alignement de la France sur les États-Unis. Malgré l’augmentation de la vente, Combat ne se couvrit pas faute de publicité. Le directeur général, chargé de la gestion financière, Henry Smadja, intervint, malgré l’engagement contraire, dans la confection du journal, chercha à en atténuer l’orientation anticoloniale et neutraliste ainsi que la critique de la coalition gouvernementale dont faisait partie la SFIO. La rupture intervint en mars 1950 : la moitié de la rédaction, dont Claude Bourdet et Victor Fay, quitta le journal en invoquant la clause de conscience. Au même moment, Soir Sud-Est cessa de paraître. Resté sans ressources, après un bref passage à L’Information, Victor Fay entra, grâce à Vital Gayman*, directeur du journal parlé, aux émissions vers l’étranger de la RTF, devenue plus tard l’ORTF. Il publia en même temps des articles dans L’Express de la période mendésiste et dans Tribune des peuples, revue internationale soutenue par la gauche travailliste (Bevan).

À la RTF, Victor Fay fut chargé, à partir de 1952, des informations et des commentaires concernant l’Europe de l’Est, qui étaient diffusés en seize langues. Sa liberté d’expression fut sensiblement restreinte après l’arrivée de De Gaulle au pouvoir. À partir de 1964, il fut interdit d’antenne et ses commentaires ne furent presque plus diffusés. Réduit au silence, Fay demanda et obtint son renvoi en 1967. Ayant atteint en 1968 l’âge de la retraite, il fit liquider sa pension, n’ayant trouvé aucun emploi stable.

Membre du syndicat des correcteurs CGT jusqu’en 1943, Victor Fay avait adhéré au syndicat des journalistes CGT en 1944, puis à la CGT-FO lors de son entrée à la RTF. Il participa à la direction des grèves de 1967 et 1968, quitta FO – qui avait refusé l’autogestion – en 1974 et adhéra au syndicat des journalistes CFDT. Il contribua à la création de l’Union nationale des syndicats de journalistes, réunissant trois syndicats confédéraux et le syndicat autonome. Il fit partie jusqu’en 1980 de son comité directeur. Il participa à plusieurs colloques sur le statut de la presse et les droits des équipes rédactionnelles.

Depuis 1948, Victor Fay, fixé à Paris, militait à la SFIO. Il fonda avec Lucien Weitz* un club où se réunissait la gauche du parti hostile à la politique de Guy Mollet*, club que fréquentèrent Alexandre Verret*, Michel Rocard*, Boireau, Hurtig* et autres. Il dirigea le séminaire organisé par les étudiants socialistes en 1954-1955, sur les problèmes de philosophie, d’économie politique et de sociologie marxistes. La capitulation du gouvernement de Guy Mollet* devant les colons d’Algérie et l’envoi du contingent contre le FLN aboutirent à la formation d’une minorité plus nombreuse, qui englobait l’ancienne extrême gauche, représentée par Weitz* et Fay et animée par Oreste Rosenfeld*, et à laquelle se joignirent les anciens blumistes, tels que Daniel Mayer*, Robert Verdier*, Robert Blum ainsi que Mireille Osmin*, Alain Savary*, André Philip*, Édouard Depreux, plus tard Tanguy Prigent*. Le ralliement de Guy Mollet à de Gaulle amena cette minorité à quitter la SFIO et à créer, en automne 1958, le Parti socialiste autonome (PSA) qui fut rejoint par des radicaux de gauche groupés autour de Pierre Mendès France*, dont Pierre Bérégovoy. Le PSA engagea des pourparlers en vue de la fusion avec l’UGS (formée par la Nouvelle gauche et le Mouvement de libération du peuple). Firent partie des négociations les opposants communistes qui publiaient Tribune du communiste représentés par Jean Poperen* et Serge Mallet*. La fusion eut lieu en 1960 sous le nom du Parti socialiste unifié (PSU). Victor Fay participa activement à la création du PSU et à la rédaction de la Charte du nouveau parti.

Grâce au déclin de la SFIO, le PSU atteignit 15 000 adhérents. Victor Fay rejognit Jean Poperen* et Claude Bourdet au sein du courant unitaire, dirigea les écoles du parti, notamment un séminaire sur Le Manifeste communiste et sur Salaire prix et profits, publia les schémas de conférences, rédigea le bulletin mensuel du courant (L’Action). Membre de la direction politique nationale, il entra au bureau national en 1964. La direction dont il fit partie fut désavouée par le congrès tenu en 1967 qui rejeta la proposition d’alliance du PSU avec la FGDS. Fay refusa d’être réélu à la direction et poursuivit son activité dans le courant unitaire. Il se rallia aussitôt au mouvement de contestation de Mai 68, soutint les revendications des étudiants, désavoua autant l’extrémisme du PSU, qui empêcha Mendès France de prendre la tête du mouvement, que l’attitude du PC et de la CGT qui, ne pouvant dominer l’action, s’empressa de conclure un compromis avec le gouvernement au cours des négociations de Grenelle. L’action de la classe ouvrière étant détournée de ses objectifs politiques au bénéfice de quelques avantages économiques, la défaite du mouvement de caractère prérévolutionnaire aboutit au triomphe de De Gaulle.

Le PSU se replia sur une politique sectaire, sous l’influence des courants trotskistes et maoïstes, refusa de désavouer les attentats individuels et les actions de commandos. Fay combattit cette orientation avec un tiers du parti. Il fut suivi par le congrès de Dijon (1969) qui désapprouva la direction ayant pris position pour l’abstention lors du référendum gaulliste de la même année. La direction, amputée de son extrême gauche au congrès de Lille de 1971, évolua sous l’influence de la CFDT vers l’autogestion, qui fut adoptée au congrès de Toulouse en 1972. Le congrès se divisa sur le concept de l’unicité ou de la dualité du pouvoir. Les partisans de la dualité (parlement et conseils) l’emportèrent sur ceux de l’unicité du pouvoir conseilliste. Michel Rocard* représenta la première tendance, Victor Fay la seconde. Il revint cependant à la direction du parti et y resta jusqu’au congrès de Saint-Étienne tenu en 1980. Pendant toute cette période, il collabora régulièrement aux organes du PSU, Critique et Tribune socialiste. Il combattit le projet d’adhésion au nouveau Parti socialiste présenté par Michel Rocard* en 1974, tout en cherchant à amener la majorité du PSU à une forme d’alliance durable avec ce parti. Il préconisa l’adhésion conditionnelle au programme commun, dont il critiquait les tendances étatiques et sous-estimait les vertus mobilisatrices. Après le départ des partisans de Rocard, le PSU, isolé, périclita. Dès 1978, il « tomba sous l’influence des populistes et des gauchistes, qui contribu[èr]ent à le marginaliser et à le couper du mouvement ouvrier organisé ». En 1980, Victor Fay fit, à l’occasion du vingtième anniversaire du PSU, le bilan critique de cette expérience, et en général de celle d’un tiers parti, dans un exposé à la Fondation des sciences politiques, puis dans un article de Politique aujourd’hui. Il adhéra au comité national de soutien de la candidature de Mitterrand*, qu’il avait déjà soutenue en 1965 et en 1974. Il adhéra, avec un groupe d’anciens dirigeants du PSU partisans de l’unité, au nouveau Parti socialiste.

Victor Fay collabora au Monde diplomatique, régulièrement de 1966 à 1973, puis d’une manière plus irrégulière jusqu’en 1980. Il y traitait les problèmes des partis et des États communistes, notamment du printemps de Prague, de l’autogestion en Yougoslavie, des grèves en Pologne, ainsi que des événements de 1968 en France. Il écrivit de temps en temps au Monde quotidien. Il publia en 1967, aux EDI, un recueil d’études à l’occasion du 50e anniversaire de la Révolution d’Octobre. Il collabore à la revue internationale de sociologie L’Homme et la société, dirigea la collection « Marxisme d’hier et d’aujourd’hui » aux éditions Anthropos, publia dans cette collection, pour le centenaire du 1er tome du Capital, un recueil d’études intitulé En partant du « Capital ». Il participa au colloque sur ce centenaire à Cerisy-la-Salle en 1967, au colloque sur les voies du socialisme en 1968 (également à Cerisy), puis, en 1970 à Cabris, au colloque sur « Sociologie et Révolution ». En 1971, il prépara et présenta un choix de lettres de Rosa Luxembourg à Léon Yogichès. Il appartint à la rédaction de la revue Politique aujourd’hui, fondée en 1969 par des communistes dissidents et y publia des articles sur le mouvement communiste international. Il collabora régulièrement à la Quinzaine littéraire où il rendit compte des ouvrages consacrés au marxisme et au mouvement communiste en France. Il se rendit à plusieurs reprises en Yougoslavie, d’abord comme journaliste pour « couvrir » les visites de Khrouchtchev en 1955 et 1963, puis comme militant autogestionnaire pour participer à des « tables rondes » à Belgrade et à Cavtat. Il y présenta des rapports écrits qui parurent dans la revue Le Socialisme dans le monde.

Victor Fay organisa, dans le cadre de l’Institut Gramsci français, créé par une équipe de dissidents communistes et dont l’existence fut éphémère, un groupe d’études sur l’autogestion. Le groupe s’occupa en particulier des problèmes de la démocratie directe dans l’entreprise et des conseils d’ateliers. Le groupe autogestion de l’Institut Gramsci et le groupe « Socialisme et Autogestion » organisèrent, en janvier 1981 à Paris, un colloque sur les technologies nouvelles et la structure de la classe ouvrière, qui réunit, malgré leurs divisions, 120 cégétistes, cédétistes, socialistes, PSU et dissidents communistes. Le groupe, qui poursuivit une activité autonome, décida en octobre 1981 d’adhérer à l’Institut socialiste d’études et de recherches (ISER), soutenu par le Parti socialiste.

Victor Fay fit partie du collectif de direction de l’ISER, participa aux séminaires organisés par cet institut sur « L’émancipation nationale et le nouvel internationalisme » en juin 1982, puis sur « Marx, Jaurès et le socialisme » en mars 1984.

Victor Fay se présentait ainsi : « Luxemburgiste à ses débuts, devenu léniniste en 1926, il revient en 1945 aux conceptions du parti de Rosa Luxembourg plus souples et plus ouvertes, tout en restant fidèle à Lénine en ce qui concerne les problèmes national et paysan. Marxiste indépendant, il se rattache au courant conseilliste du mouvement ouvrier mondial. »

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article23846, notice FAY Victor. Pseudonymes : MASSON Victor, BRU Victor [né Ladislas FAYGENBAUM], version mise en ligne le 8 décembre 2008, dernière modification le 30 mai 2020.

ŒUVRE : Victor Fay a publié ses mémoires sous le titre La Flamme et la cendre. Histoire d’une vie militante, texte établi avec le concours d’Évelyne Malnic, « Culture et société », Presses universitaires de Vincennes, Saint-Denis, 1989, 274 p. — Victor Fay collabora, de 1926 à 1928, à La Voix des travailleurs, hebdomadaire régional du PCF paraissant à Toulouse. De 1927 à 1935, il collabora aux Cahiers du bolchevisme sous les pseudonymes Gérard et Victor ; il collabora à l’Humanité en y tenant une rubrique hebdomadaire sous le titre « Doctrine et Histoire » (1930-1933), sous le nom de Victor Masson. Il publia des éditoriaux dans Regards et Nouveaux regards (1934-1935) sous différents pseudonymes. À partir de 1944, il signa tous ses articles Victor Fay à L’Appel de la Haute-Loire (août-septembre 1944) et à Lyon libre (1944-1948). Il ne signa pas ses contributions à Combat où il contrôla et orienta l’ensemble de l’activité rédactionnelle (1948-1950). Ses chroniques diffusées par les émissions vers l’étranger de l’ORTF sont signées soit Victor Fay, soit Michel Svoboda, soit de ses initiales. Il publia sous son nom des articles dans L’Express (1960-1964). Tribune des Peuples, Après-demain (1968), Tribune socialiste et Critique socialiste (1960-1980), L’Homme et la société (1969-1973), Politique aujourd’hui (1969-1980). — Marxisme et socialisme. Théorie et stratégie, L’Harmattan, 1999, 495 p.

SOURCES : BMP, bobines 393 et 394 (cité par D. Tartakowsky). — Danielle Tartakowsky, thèse et ouvrage, op. cit. — Serge Pey, Structures internes et rythmes de développement de la section d’agitation et de propagande du PCF entre les deux guerres, thèse de IIIe cycle, 3 tomes. — J.-J. Thomas, Esquisse d’une histoire du groupe « Que faire ? », 1933-1939, mémoire de maîtrise, Rennes. — Marion Labeÿ, Victor Fay, l’éternel minoritaire : acteur de mémoire critique du mouvement social français, Mémoire d’histoire de Master 2 " Université Paris Diderot Paris 7, 2014-2015, 293 p. — Notes de Victor Fay.

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