PATAT Charles, Henri, Arthur [dit Charles Revenut]

Par Gilles Morin, notice complétée par Rolf Dupuy et Marianne Enckell

Né le 1er avril 1900 à Any-Martin-Rieux (Aisne), mort le 23 janvier 1981 à Parthenay (Deux-Sèvres) ; cordonnier, puis cuisinier confiseur, commis aux Halles, puis permanent syndical ou politique ; secrétaire de la fédération CGT de l’Alimentation (1937-1944) ; successivement socialiste, communiste, anarchiste, puis responsable du RNP, enfin fédéraliste de la Seine.

Fils de Léon, Arthur, menuisier et de Marie Marage, couturière, Charles Patat, titulaire du certificat d’études primaires, exerça divers métiers, dont cuisinier, avant de travailler aux Halles centrales comme basculeur à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Il se maria le 8 mars 1920, à Paris 18e (EC. VIIIe arr.), avec Georgette Croix qui exerçait la profession de concierge au moment de leur séparation. Il fut père de deux enfants.

Patat avait adhéré à la CGT en 1919, au syndicat des Cuirs et peaux. De la classe 1920, il fit deux années de service militaire au régiment de sapeurs-pompiers de Paris (1er octobre 1920 au 25 septembre 1922). Il milita à partir de 1925 brièvement au PCF, avant de rallier la Fédération anarchiste. En 1925, il fut nommé secrétaire du Comité d’Unité prolétarienne. Il fut arrêté en 1926 lors d’une manifestation communiste devant la Chambre des députés.

Patat se rallia vers 1928 à l’anarchisme et fut désigné membre de la commission administrative de l’Union anarchiste-communiste révolutionnaire (UACR), lors du congrès de cette organisation tenu à Amiens les 12-14 août 1928. Il était membre de la société coopérative de la Librairie d’études sociales en 1929 et, avec Félix Guyard, Charles Carpentier, Nicolas Faucier et Ringeas, l’un des animateurs des groupes de jeunesse de l’UACR..

Charles Patat adressa le 21 juin 1929 une lettre au préfet de police, indiquant qu’il avait pris la décision de ne plus militer dans les milieux libertaires et lui demandant de bien vouloir faire cesser la surveillance dont il était l’objet, sous pression de sa femme semble-t-il. Un an plus tard, il quittait son épouse et ses enfants et semble avoir cessé un temps de militer. Mais ce n’est qu’en août 1933 qu’il fut radié de la liste des anarchistes de la Préfecture de police. Peu de temps après, il reprit ses activités.

Membre du groupe anarchiste de Saint-Denis, Charles Patat rompit avec l’UACR et devint le secrétaire de la Fédération communiste libertaire (FCL) de la région parisienne le 15 juin 1934. Tenant la permanence au Libertaire depuis avril 1934, sous le pseudonyme de Charles Revenut, chargé des tâches administratives, il résidait à Paris, rue Saint-Fargeau (XXe). Lors des obsèques de Nestor Makhno, en juillet, la police nota qu’il vendait le journal pacifiste La Patrie Humaine et non Le Libertaire. Il était alors au chômage, après avoir travaillé dans une fabrique de trompes pour automobiles, puis dans une fabrique de cuirs vernis. La fiche de police le décrivait ainsi : Taille 1m 65, cheveux châtains, visage rond et rasé, yeux bleus, corpulence assez forte, nez moyen, bouche moyenne, menton rond.

En 1935, Charles Patat devint l’un des secrétaires de la Fédération Communiste libertaire (FCL), fondée à la suite d’une scission survenue dans l’UA. La FCL compta une quarantaine de militants répartis dans les groupes de Paris, Clichy-Gennevilliers animé par Louis Le Bot et le groupe dit des « cuisiniers » animé par Robert Léger. L’organisation tint son premier congrès national les 24 et 25 décembre 1934, salle Lejeune, 67 rue de Ménilmontant. Y assistèrent une trentaine de délégués dont sept de province ainsi que Nicolas Lazarévitch et Ernestan. L’accès au congrès fut refusé à Nicolas Faucier et à Ringeas, venus exposer le point de vue de l’UA. Trop réduite, la FCL n’eut cependant qu’une existence éphémère et réintégra l’UA au congrès des 12-13 avril 1936.

Patat se présenta aux élections législatives de 1936 sous l’étiquette « communiste libertaire » dans la 3e circonscription de Corbeil (Seine-et-Oise), mais vraisemblablement, retira sa candidature.

Il était aussi depuis les années vingt un actif syndicaliste, appartenant au syndicat CGT (ou CGTU) des travailleurs de l’Alimentation en 1930 et au syndicat des travailleurs général de la Seine et Seine-et-Oise. Collaborateur du Combat Syndicaliste, il fut également un temps le secrétaire de la Fédération des cuirs et peaux de la CGT-SR. Il rallia ensuite la CGT et, alors qu’il était commis aux halles, il fut nommé secrétaire général appointé de la Fédération des travailleurs de l’Alimentation de la Région parisienne le 5 septembre 1937 et en même temps exerçait les fonctions de membre du bureau exécutif de la fédération nationale des travailleurs de l’alimentation, à la Bourse du Travail, rue du Château-d’Eau. Il fut élu en 1938 et 1939 à la commission exécutive de l’Union départementale des syndicats ouvriers CGT de la région parisienne au congrès des 7-8 avril 1938. Il figurait toujours en 1939 sous la rubrique des « Anarchistes à surveiller » et sa présence à domicile était soumise à des vérifications bimensuelles.

Mobilisé le 2 novembre 1939 au dépôt d’artillerie à Maison-Laffittte, Charles Patat fut démobilisé le 21 août 1940 à Limoges ; au chômage, il fut placé comme bûcheron à Yors (Aisne). Il ne fut reconduit à ses responsabilités syndicales que le 6 mars 1942, sur des positions collaborationnistes.

Rappelé par la Fédération des travailleurs de l’Alimentation à Paris, 213 rue Lafayette, Charles Patat exerça comme délégué régional de la Région parisienne. En avril 1942, n’étant plus payé, il entra comme inspecteur des restaurants communautaires (rescos) du 61 rue Lafayette, sous les ordres directs de Camille Fegy, journaliste et dirigeant du PPF. Délégué à la propagande des Restaurants communautaires, il soutenait la charte du Travail et dénonçait la lutte des classes. Patat conservait des fonctions dans le syndicalisme légal : il restait membre du bureau exécutif de la fédération nationale des travailleurs de l’alimentation, dont il fut réélu secrétaire général en 1943, et exerçait la fonction de conseiller prud’homme. Toujours inscrit sur la liste des anarchistes de la police, celle-ci faisait toute réserve sur sa conversion et il faisait toujours l’objet de vérifications bi-mensuelles de domicile.

Charles Patat se situait pourtant indiscutablement dans la mouvance des collaborationnistes liés au RNP. Secrétaire général de la Fédération de l’Alimentation du Front social du Travail (FST), organisation liée au parti de Marcel Déat (L’Œuvre du 19 février 1943), il fit un exposé sur la question des salaires à l’Assemblée nationale du FST le 28 novembre 1943. Desphelippon, chef de cet organisme, le proposa pour représenter le FST à la commission consultative du Centre d’information ouvrière sociale (CIOS) en janvier 1944 et il y fut nommé par arrêté au JO du 28 janvier 1944, par le Comité supérieur du travail (La Force au Travail, n° 8, février 1944). Lorsque Déat devint ministre du Travail début 1944, Patat fut chargé de mission du cabinet du colonel Langeron, commissaire général à la solidarité. Du 1er juin 1944 au 19 août, dans le cadre de la mise en application de la Charte du Travail, il fut nommé secrétaire général du « Syndicat unique des ouvriers et employés de la famille des commerces de l’Alimentation », dont le siège était à la Bourse du Travail, rue Château-d’Eau. Il fut enfin nommé au Conseil supérieur du Travail dans les dernières semaines de l’Occupation, en août 1944, étant membre de la commission C (qualification professionnelle). S’il nia par la suite avoir adhéré au RNP, le 18 mars 1944, il écrivait une lettre au sujet des Rescos à Marcel Déat, ministre du Travail et de la Solidarité, en se présentant comme tel. Il intervint par ailleurs dans des réunions de la 15e section du RNP à au moins deux reprises (Le National populaire, 6 février et 17 avril 1943).

À la Libération, Patat dut rendre des comptes. Après une visite domiciliaire en son absence de deux inspecteurs (faux policiers ?), il se présenta au commissariat de son arrondissement à la fin août 1944 et fut renvoyé dans ses foyers. Arrêté le 29 novembre 1944, il fut incarcéré à Fresnes. Il avait été exclu à vie le 18 octobre 1944 de toutes organisations syndicales par la commission de reconstitution des organisations syndicales. Les syndicalistes portaient l’accusation suivante : « avoir fait évoluer les syndicats vers la collaboration et la charte du Travail, vers un programme nazi ».

Charles Patat fut inculpé par la 4e cour de justice du département de la Seine avec l’accusation de trahison : « Postérieurement au 16 juin 1940, soit sciemment apporté en France ou à l’étranger une aide directe ou indirecte à l’Allemagne, ou à ses alliés, soit porté atteinte à l’unité de la Nation ou à la liberté et à l’égalité des Français ». Il reconnut avoir été partisan du rapprochement franco-allemand, mais prétendit avoir cantonné toute son activité dans le domaine corporatif et syndical. Dans son dossier, rien n’établissait d’actes personnels d’intelligence avec l’ennemi, ni de dénonciation, et le commissaire du gouvernement exposa, le 1er mars 1945 cette conclusion : « En somme l’attitude de Patat durant l’Occupation paraît bien motiver son renvoi devant la Chambre civique mais l’information n’a pas établi qu’il ait commis le crime visé par le réquisitoire introductif. » Le magistrat proposa de classer l’affaire et de le poursuivre éventuellement pour indignité nationale. Il fut libéré le 2 mars 1945.

Il fit l’objet d’un avis de recherche le 14 avril 1945 pour passer en chambre civique. Un jugement du 1er août 1945, puis un arrêt du 29 septembre 1945, furent renvoyés pour nouvelle citation. Il fut condamné à 10 ans de dégradation nationale par la 1ère chambre civique de la Seine le 5 décembre 1945. Peine qui fut amnistiée par la suite.

Avec la guerre froide, Patat revint dans le milieu syndicaliste par le syndicalisme indépendant, avant de rallier FO. « Manutentionnaire », il était secrétaire général de la Fédération indépendante des Ports et Docks en 1951 et fut réélu à ce poste l’année suivante. Proche d’André Parsal, hostile à la « colonisation » du syndicat par le RPF, il appartenait au secrétariat de la Confédération générale des syndicats indépendants à la veille de la scission survenue en octobre 1952. Le 19 septembre 1952 encore, comme secrétaire général de la Fédération nationale indépendante des ports et docks et manutention, il déposait le titre d’un mensuel Ports de France et d’Outre-mer.

Charles Patat collabora au bulletin ronéotypé Le Trait d’union syndicaliste (Paris, 1954) qui avait succédé au Trait d’union des syndicalistes (Paris, 1952-1953), bulletins « pour l’indépendance syndicale » dont le gérant était Julien Toublet et auquel collaboraient notamment Aimé Capelle, Yvette Richaud, M. Landry, René Herbe (Roger Boucoiran ?) et Louis Mercier Vega . Il diffusait par ce canal le bulletin d’information en français de la SAC suédoise et contribua, sans doute, à la formation de la Commission internationale de liaison ouvrière (voir Louis Mercier). Puis, il devint secrétaire à la propagande de l’Union des syndicats de la métallurgie FO de la Région parisienne. Il était encore trésorier de l’Union des syndicats des métaux de Paris banlieue Nord en 1954, puis fut secrétaire général en 1958 et réélu en 1959. En septembre 1958, après que 58 militants FO aient pris position contre le projet de constitution de la Ve République, Patat, avec Raymond Le Bourre, Robert Becq, René Tainon, Albin Magail et quelques autres, protesta contre ce texte, estimant qu’il faisait le jeu des communistes.

Charles Patat n’abandonna pas toute activité politique, militant dans les milieux fédéralistes et anticommunistes. En 1957, il était délégué à la propagande de l’association fédéraliste des « Travailleurs européens » qui prônait un travaillisme, avec Jean Boucher, Claude Hytte et Marcel Van de Put (Vandeputte ?) ; il se disait pour sa part “néo-socialiste”. Il joua un rôle actif dans les officines anticommunistes des années 1950. Un document de police écrivait qu’il travaillait chez les dockers et faisait la liaison entre Froideval, Parsal et Barbé. Il était membre du comité de rédaction du BEIPI.

Depuis sa séparation avec Georgette Croix, il vivait maritalement avec Louise Giniou, née Lafon le 21 août 1904 à Savigné (Sarthe). Cardiaque et diabétique, ne pouvant plus se déplacer, en 1975 il se retira avec sa compagne Louise dans une maison de retraite en province, où il recevait de temps à autre la visite de Julien Toublet et restait en correspondance avec Mercier mais aussi avec Charles Carpentier et Félix Guyard.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article156458, notice PATAT Charles, Henri, Arthur [dit Charles Revenut] par Gilles Morin, notice complétée par Rolf Dupuy et Marianne Enckell, version mise en ligne le 4 mars 2014, dernière modification le 7 avril 2020.

Par Gilles Morin, notice complétée par Rolf Dupuy et Marianne Enckell

SOURCES : Arch. Nat., F/22/1837 et 1838 ; Z5/34 d. 1380 ; 820599, art. 81. — Arch. PPo, 1W110/325062 ; 77W/1701 ; BA/1954, note du 28 novembre 1943 et du 15 mai 1944. — Arch. Dép. Seine-et-Oise, 2 M 11/25. — Arch. CGT, fonds Jayat, boîte n° 1. — Le Travailleur parisien, 1938-1939. — C. r. commission de reconstitution des organisations syndicales, Versailles, 1946. — Ports de France et d’Outre-mer du 15 octobre 1952. — D. Favre, Histoire et doctrine des syndicats Indépendants en France depuis 1945, thèse IEP, Paris, 1981. — Frédéric Charpier, Les RG et le Parti communiste, Plon, 2000. — CAC Fontainebleau 1940500 art. 24 — Correspondance de Louis Mercier (CIRA de Lausanne) — Le Libertaire, année 1935 — Le Combat Syndicaliste, année 1936 — Notes de Michel Pigenet. — Samuel Jospin, “La CGT-SR à travers son journal Le Combat syndicaliste, 1926-1937 », mémoire de maîtrise, Paris-I, 1974. — État civil.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable