KATS Henri.

Par Jean Neuville

Bruxelles (pr. Brabant, arr. Bruxelles ; aujourd’hui Région de Bruxelles-Capitale), 12 janvier 1831 − 13 février 1887. Typographe, dirigeant de l’Association libre des compositeurs typographes puis des compositeurs et imprimeurs typographes de Bruxelles, fils de Jacob Kats*.

Henri Kats devient membre de l’Association libre des compositeurs typographes le 16 février 1851 alors que, selon Émile Hubert, il n’a pas l’âge réglementaire. La typographie connaît une grave crise lors de la signature de la convention littéraire franco-belge. Cela incite le jeune Kats à démissionner de l’Association le 2 décembre 1852 et à séjourner deux ans à Paris. Revenu à Bruxelles, il est réadmis au sein de l’Association le 2 novembre 1854.

Henri Kats est à l’origine d’une proposition relative à l’établissement d’un tarif des prix de la main-d’œuvre typographique qu’il rédige. Avec neuf compagnons, il la soumet à l’Assemblée de l’Association libre des compositeurs typographes laquelle, lors de sa séance du 18 juin 1863, nomme une commission de dix membres, dont Kats, chargée d’élaborer un tarif « conciliant tous les intérêts » y compris ceux des patrons (voir HUBERT E., p. 61). Le 8 octobre 1863, il présente le rapport de la commission lors d’une séance extraordinaire de l’Association qui adopte aussitôt le projet de tarif. Elle décide également de l’appliquer dès le 1er janvier 1864.

Le 17 juin 1864, Henri Kats est nommé président de la commission administrative de l’Association. Il le reste jusqu’au 8 octobre 1868. Après la fusion de cette dernière avec l’Association des imprimeurs, il est président de la nouvelle Association libre des compositeurs et imprimeurs typographes (ALCIT) du 8 septembre 1871 au 2 juillet 1874. Mais déjà au cours du banquet de l’Association du 4 juin 1865, un hommage lui est rendu « en reconnaissance des services éminents » : il reçoit à cette occasion une montre et une chaîne en or. Il a, avec Pierre Kaberghs, assuré l’une des présidences les plus longues du syndicat au XIXe siècle.

La lutte en vue d’appliquer le tarif de la main-d’œuvre entamée en janvier 1864 ne trouve pas de conclusion. Certains patrons continuent à s’y opposer. Le 19 juillet 1866, Henri Kats est condamné, avec Corneille Poortman*, président des imprimeurs, le 19 juillet 1866 pour avoir « porté atteinte au libre exercice de l’industrie, prononcé des défenses ou proscriptions » lors du conflit chez Lelong et Bruylant. Il habite alors au n° 145, rue Haute.

Henri Kats est aussi actif en province. En mai 1867, il se rend à Charleroi (pr. Hainaut, arr. Charleroi) et y fonde une association typographique, basée sur le modèle bruxellois. Il en préside la première réunion. Il porte à la Boekdrukkersbouw d’Anvers (Antwerpen, pr. et arr. Anvers), en difficulté avec un patron, le secours de 500 francs, voté par l’Association bruxelloise le 2 mai 1867.

Sous la présidence de Henri Kats, l’Association libre refuse en avril 1867 l’affiliation proposée par la section belge de l’Association internationale des travailleurs (AIT). Kats déclare n’être pas partisan d’une fédération générale : « il ne voyait pas la grande utilité de s’associer à d’autres corps de métiers, « mais, disait-il, il serait désirable de voir un jour se former une fédération parmi la typographie entière, fédération qui nous procurerait la force nécessaire pour surmonter beaucoup d’obstacles qui empêchent maintenant l’élévation des salaires et l’amélioration du sort des typographes. » » (Voir HUBERT E., p. 118-119). Il reste un adversaire résolu de l’AIT, que les militants internationalistes dénoncent régulièrement dans leurs meetings. Partisan de « l’association, il exhorte les ouvriers à respecter la légalité (par exemple lors d’un meeting le 7 avril 1866 au Cygne, sur la Grand’Place, qu’il copréside).
Avec Jules Legrand, Kats dirige, en décembre 1867, la campagne contre la tentative de réduire la composition dans les journaux de province grâce à des pages clichées à Bruxelles.

Henri Kats préside la commission, créée le 4 avril 1867 par l’ALCIT de Bruxelles, qui est chargée de préparer la célébration du 25ème anniversaire de sa création. Deux points sont acquis lors de cette séance qui a lieu le 25 décembre 1867 : la fondation d’une Fédération des associations typographiques belges et d’un(e) « journal ou revue mensuelle ». Kats, alors président de l’Association, y prononce un discours publié dans le livre d’Émile Hubert (voir p. 123-125) rappelant notamment que : « notre association est ennemie des luttes de partis. Elle accepte la vérité de n’importe qui ; elle respecte les croyances et demande qu’on la paye de la même monnaie. Plus de 40.000 francs ont été dépensés par elle pour soulager des infortunes, pour détruire des misères imméritées, et en voulant l’établissement d’un minimum de salaire, elle ne fait que répondre à une nécessité de l’époque et que les circonstances réclament ». (p. 125)
En février 1868, une adresse est envoyée aux diverses associations pour leur demander d’adhérer à la Fédération typographique belge nouvellement fondée. Il faut attendre le 8 juillet 1869 pour qu’un comité central définitif soit établi par la section bruxelloise. Henri Kats en est le premier président, il le restera jusqu’au 7 janvier 1875.

En 1868, l’Association libre se lance à nouveau dans un mouvement en faveur de la révision du tarif de la main-d’œuvre. Le 3 décembre, elle forme une commission afin d’examiner la question. Henri Kats en fait partie. Mais en janvier 1869, face au pessimisme ambiant, la grève pour cette révision est déclenchée. L’Association publie une feuille sous le titre Grève des typographes, à laquelle Kats collabore. Devant l’attitude patronale qui remet en cause le droit d’association, l’Association s’insurge et des meetings de protestation sont organisés. Kats prend la parole lors du second meeting qui a lieu à la salle de l’Orient, rue de l’Hôpital, en présence de deux mille participants. Il y fustige le patronat : « Ah ! Messieurs les détracteurs de l’association, pourquoi méprisez-vous les ouvriers lorsqu’ils font usage d’un droit constitutionnel ? Pourquoi ne blâmez-vous pas ces compagnies d’assurances, des chemins de fer, des ponts et chaussées, des mines et de toutes les réunions de grands capitalistes associés pour partager de gros intérêts ? Pourquoi, puisque vous y trouvez vos bénéfices, vouloir jouir seuls des avantages que procure le droit de vous entendre, de vous coaliser pour diminuer nos salaires ? (…) » (voir HUBERT E., p. 143). Comme président, Kats est régulièrement cité lors des grèves.
En février 1869, cette feuille devient La Presse ouvrière, la direction en est confiée à Henri Kats, Jules Legrand et Alphonse Van Calken. Cette publication sera supprimée le 4 novembre de la même année en raison de son insuccès. En 1872, une nouvelle tentative, le Gutenberg ne rencontre pas beaucoup plus de succès. Il est un des collaborateurs actifs de ces feuilles.

Henri Kats fait partie de la commission créée pour examiner la proposition de François Boneyds de créer une imprimerie coopérative. Kats défend cette proposition à l’inverse d’Henri Grégoir. L’Association libre reste fortement divisée sur ce projet qui est finalement rejeté le 21 octobre 1869 par 118 voix contre 111. Toujours intéressé par l’action coopérative, Kats fait partie du premier conseil d’administration de la société coopérative de production, L’Imprimerie bruxelloise, qu’il contribue à fonder en juin 1870, et qui est légalisée le 12 juin 1874. En décembre 1875, Henri Kats remplace Prosper Verbayst à la gérance de la société. Il démissionne quelques mois plus tard : voulant mettre fin à des rumeurs d’irrégularités dans la gestion de la coopérative, « le Conseil tient à déclarer que M. Kats, malgré tout son dévouement à la cause ouvrière, malgré tout le bien qu’il a fait à la typographie comme homme d’initiative, était matériellement impossible pour la direction d’une imprimerie.(sic) » (BERTRAND L., Histoire de la coopération en Belgique. Les hommes - Les idées - Les faits, t. 1, Bruxelles, 1902, p. 468). Prosper Verbayst le remplace à la gérance de la société qui dépose son bilan en novembre 1879 selon Louis Bertrand, en 1878 selon Émile Hubert.

Henri Kats est également membre de la commission, décidée le 6 juillet 1871, sur la proposition d’Antoine Logé, chargé d’étudier la question de l’apprentissage et aviser aux mesure à prendre. Le 21 août 1874, il fait partie de la délégation, avec Louis Lemoine, président de l’ALCIT de Bruxelles, Victor Lefèvre et Jules Legrand, qui se rend chez Auguste Beernaert, ministre des Travaux publics, « pour lui exposer le préjudice qu’allait causer à la typographie bruxelloise la nouvelle adjudication des imprimés de son département donnée à des maisons de province et demandant d’en revenir aux clauses du cahier des charges de l’adjudication de 1869 ». (Voir HUBERT E., p. 172)

Constatant la concurrence des typographes non syndiqués lors des actions menées par l’Association libre, Henri Kats propose lors de l’Assemblée générale du 3 juillet 1873 de lancer « un appel à tous les typographes non associés ». Cette initiative est adoptée et une circulaire signée d’Henri Kats, au titre de président de l’Association, de Richard De Smedt, secrétaire, est distribuée.

Selon E. Hubert (p. 233), Henri Kats est le « véritable créateur de la caisse de pension » des typographes. En 1866, il contrevient à son apolitisme, en devenant membre du Comité central et permanent de propagande pour la réforme électorale. Il est à ce titre signataire du Manifeste des ouvriers. Mais par ailleurs, il défend la position de l’Association : indépendance, apolitisme. En s’associant avec les imprimeurs, il contribue à créer, un véritable syndicalisme professionnel, mais toujours limité aux métiers de base de l’industrie.

Après la mort d’Henri Kats, l’Association libre fait réaliser un portrait de cet ancien président et lance une souscription en vue d’établir un monument sur sa tombe. Ce dernier est inauguré le 17 juillet 1887. Kats, « un petit » selon une connaissance, a été pendant plus de dix ans l’un des responsables syndicaux bruxellois les plus actifs à la tête de l’organisation la plus structurée, qui dispose d’une caisse de résistance impressionnante de 15 à 20.000 francs en 1866 et de 24 ?000 francs en 1873. La dernière grève où il est cité remonte à janvier 1876, c’est d’ailleurs sa dernière mention dans les archives policières.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article176215, notice KATS Henri. par Jean Neuville, version mise en ligne le 25 octobre 2015, dernière modification le 16 novembre 2020.

Par Jean Neuville

SOURCES : HUBERT E., Historique de l’Association libre des compositeurs et imprimeurs-typographes de Bruxelles, Bruxelles, 1892, p. 60, 70, 74-76, 86, 114, 118, 120, 121, 125, 129, 130, 133, 136, 148, 149, 151, 156, 168-169, 172, 233 − BERTRAND L., Histoire de la coopération en Belgique. Les hommes - Les idées - Les faits, t. 1, Bruxelles, 1902, p. 454-468 − PEIREN L., De kinderen van Gutenberg, geschiedenis van de grafische vakbeweging in België voor 1975, Brussel, 2006.

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