KERVELLA

Par Gilles Pichavant

ouvrier de l’arsenal de Brest (Finistère) ; militant syndicaliste.

Kervella était un ouvrier « militaire », c’est à dire un affecté spécial, à l’artillerie navale de l’arsenal de Brest (Finistère) pendant la première guerre mondiale. Le 10 mai 1917, Ségalen* ayant été porté à la présidence d’une réunion d’ouvriers militaires convoquée par le syndicat de l’arsenal, il fut élu assesseur avec Hanse*, tout trois étant ouvriers militaires de l’artillerie navale. Dans cette réunion, il intervint à la suite de Marcel Salaün, le secrétaire du syndicat, pour exhorter les ouvriers militaires à rejoindre le syndicat, en disant que le millier d’ouvriers de cette catégories ne pourraient voir aboutir leurs réclamations que par ce moyen là. Les revendications portaient notamment sur les salaires, la création d’une indemnité de cherté de la vie, douze jours de congés payés (permissions) et l’application du tarif militaire du quart de place dans les chemins de fer.

En 1918, Kervella fut avec Babouot, Demeule, Graoux*, Guéna, Le Duff, et Tessier*, l’un des principaux militants du syndicat de l’arsenal de Brest, dont le secrétaire était alors Léon Capitaine. Le 25 avril 1918, en soirée, à la suite d’une décision ministérielle de sursoir au paiement des suppléments de traitement et des indemnités pour charges de famille, une réunion de militants fut convoquée à la Bourse du travail pour discuter de la grève. Kervella y prit la parole en l’absence des trois principaux militants du syndicat, Capitaine et Graoux retenus à l’arsenal, Le Duff retenu par un décès dans sa famille. Il donna lecture d’une lettre que Capitaine, avait envoyé au préfet maritime pour réclamer l’augmentation de la prime de vie chère et son alignement sur celle des petits fonctionnaires, et celle de la prime de Base américaine. L’Amiral de la flotte refusa de négocier, disant qu’il ne pouvait accepter une phrase du projet de tract syndical : "nous sommes la force, nous agirons". La veille, dans une première réunion, pressentant une arrestation du bureau syndical, les militants avaient élu un nouveau bureau composé d’anciens : Dravalen, Dubois, Le Pape*, Pochard*, Allain* et Ballan*.

La grève fut décidée pour le lundi 27 avril par soixante voix contre cinq. Le 26, le comité de grève tenta de réunir les ouvriers de l’arsenal sur les glacis de la digue, pour discuter de la circulaire ministérielle et de la grève, mais le rassemblement interdit fut dispersé sur ordre de l’Amiral. Le lundi les grévistes, au nombre de 1500, se réunirent dans une salle de boule à coté de la gare, trop exigüe si bien qu’une grande partie de l’assistance occupa la rue en discutant par petits groupes. Une campagne de presse dénigrant la grève en s’appuyant sur la guerre en cours, doublée de menaces de suppression de l’affectation spéciale des grévistes — qui provoquerait leur retour au front — avait été déclenchée. Capitaine, Kervella, Guena et Mézeu jouèrent un rôle central dans le comité de grève, Kervella et Mézeu recommandant aux grévistes le plus grand calme.

Sollicité comme médiateur, le député Goude accepta de se rendre à Paris pour rencontrer le Ministre. Le 30 avril, Capitaine et Kervella furent désigné par l’assemblée générale des grévistes pour l’accompagner et soumettre au ministre les revendications su syndicat. 1500 manifestants les accompagnèrent à la gare pour le train de 17h30, puis se dispersèrent.

La grève avait commencé doucement avec 1500 grévistes sur 8000 de l’arsenal, et 650 grévistes sur 3000 à la pyrotechnie de Saint-Nicolas au Relecq-Kerhuon (Finistère), les affectés spéciaux, pourtant mécontents des mesures annoncées, étant sensibles aux menaces des autorités. Cependant le nombre de grévistes doubla le lendemain, et culmina le 1er mai avec 5800 grévistes. Le déroulé de la grève fut pacifique, mais les autorités multiplièrent les entraves, empêchèrent l’impression des tracts, interdirent et dispersèrent les réunions publiques et les meetings. Le 2 mai 1918, le bureau syndical appela à la reprise du travail, sans que les grévistes n’aient obtenu satisfaction. Le conflit affaiblit momentanément l’influence du syndicat de l’arsenal, quatre militants du syndicat ayant été renvoyés. Le 19 août suivant, le bureau syndical fut renouvelé et Henri Cadec élu secrétaire général (voir Léon Capitaine).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article181863, notice KERVELLA par Gilles Pichavant, version mise en ligne le 20 juin 2016, dernière modification le 21 juin 2016.

Par Gilles Pichavant

SOURCES : Arch. Dép. du Finistère, cote 10M-47.

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