DE WOLF Jan. Pseudonyme : Amnestie ou Amnistie.

Par Jan Moulaert - Willy Haagen - Guy Vanschoenbeek

Hulst (Flandre zélandaise, Pays-Bas), 1er mars 1845 – Gand (Gent, pr. Flandre orientale, arr. Gand), novembre 1910. Employé dans des coopératives dont le Vooruit, cafetier, militant socialiste puis anarchiste.

Jan De Wolf – aux Pays-Bas, son prénom est Johannes Franciscus, et en Belgique Jean François –, est le fils de Pieter Johannes De Wolf et d’Albertina Maria Paris, tous deux nés et décédés à Hulst. Il épouse en premières noces Rénilde Cooorevits (Corevits) dont il divorce, et se remarie avec Azémie Méclot dont il a trois enfants.

Jan De Wolf arrive en Belgique alors qu’il est très jeune, probablement déjà en 1860. Il change souvent de domicile mais habite toujours dans l’agglomération bruxelloise (pr. Brabant, arr. Bruxelles ; aujourd’hui Région de Bruxelles-Capitale) ou gantoise. En 1876, il se proclame « littérateur flamand », mais, en 1888, il est employé de commerce. Une nécrologie parue dans le journal anarchiste d’Anvers (Antwerpen, pr. et arr. Anvers), De Opstandeling (L’insurgé) de décembre 1910, parle de « Jan Woulf » avant 1890 alias « Amnestie ». La biographie qui y est mentionnée est, pour la période avant 1890, sans aucun doute celle de Jan De Wolf. Les données concernant les aventures de « Jan Woulf » avant 1890 ne sont pas en contradiction avec ce que l’on peut trouver sur Jan De Wolf, mais aucune source ne confirme provisoirement les affirmations du journal : il faut donc faire quelques réserves.

Selon De Opstandeling, Jan Woulf est issu d’une famille aisée. Il suit l’enseignement supérieur et devient membre de l’Internationale. Afin d’échapper à des poursuites, il émigre en Allemagne, ensuite en France où il participe à la Commune, à la suite de quoi il est condamné à la déportation. Cependant, toujours selon De Opstandeling, il s’échappe de la Nouvelle-Calédonie et arrive en Allemagne où il est à nouveau arrêté. Après avoir purgé sa peine, il passe la frontière belge pour arriver finalement à Gand.

En 1889, après un séjour de deux ans à Malines (Mechelen, pr. Anvers, arr. Malines), Jan De Wolf revient habiter dans l’agglomération gantoise. Pendant plusieurs années, il travaille dans l’administration de la coopérative socialiste Vooruit (En avant). En 1889, il s’affilie à la Socialistische Vrijdenkersbond (ligue socialiste des libres penseurs) et, dans le courant de 1893, il se révèle un militant actif du Belgische werkliedenpartij (BWP-Parti ouvrier belge) gantois. Il est correspondant pour le Vooruit des événements de la commune de Sint-Amandsberg (Mont-Saint-Amand) dans la périphérie de Gand et écrit un certain nombre de chansons satiriques anticléricales. Ses activités ne se limitent pas à la région de Gand. Il est favorable à la création d’une fédération nationale des mutualités socialistes tout en s’opposant à sa reconnaissance légale, ce qui, à son avis, offrirait trop de possibilités d’ingérence des pouvoirs publics. Cette vision transparaît notamment dans son Catechismus voor de werkman over socialistische onderlingen bijstand (catéchisme des mutuelles socialistes à l’usage des travailleurs) qui paraît en 1892. Dans la version flamande, il y est qualifié de délégué des « régions flamandes » des Socialistischen landelijken bond « Nood breekt » (fédération socialiste nationale « la misère noire »), et, dans la version française, d’ancien secrétaire de la Fédération nationale des sociétés socialistes de secours mutuels. La fédération nationale est pourtant à peine et provisoirement surgie de terre.

Amnestie, car c’est sous ce pseudonyme que Jan De Wolf a une activité politique, prend la parole lors de meetings socialistes, notamment dans le Hainaut. À cette occasion, il rompt une lance pour la création de mutuelles, de syndicats, de même que pour le suffrage universel. Pour ce dernier point, par exemple, il plaide le 12 mars 1893 à Cuesmes (aujourd’hui commune de Mons, pr. Hainaut, arr. Mons), où il conseille temporairement de ne pas se mettre en grève mais d’attendre le mot d’ordre des instances supérieures. Ceci n’empêche pas une rupture entre Amnestie et le BWP gantois vers 1893.

La figure d’Amnestie est également évoquée dans les lettres de quelques correspondants des environs de Gand à Ferdinand Domela Nieuwenuys, le chef de file socialiste hollandais qui embrassera peu à peu le socialisme libertaire. Les correspondants ont ceci en commun que Domela représente, pour eux, une sorte de confesseur à qui, dans le secret, – ils sont pour la plupart pieds et poings liés –, ils peuvent confier leur mécontentement de toutes natures à propos du socialisme gantois et d’Edouard Anseele. Leurs avis divergent cependant quant à Amnestie, lorsque, selon le hollandais P.J. Penning, Amnestie démissionne du Vooruit pour des raisons politiques de principe. Après « différentes tribulations », Karel Beerblock ramène les éventuelles oppositions idéologiques à une simple lutte pour la direction du mouvement, lutte menée par-dessus la tête des ouvriers parmi lesquels il se range. Toujours selon la même source, Amnestie abandonne son travail par paresse et part ensuite à Roubaix (département du Nord, France) dans l’espoir « de vivre mieux en tenant une taverne ».

En mai 1893, Jan De Wolf est expulsé de France. Quelque temps plus tard, il ouvre un café, nommé Amnestie, au Vrijdagmarkt n° 3 à Gand, à proximité du Vooruit. À la même époque, il est, durant une certaine période, voyageur de commerce pour la Société coopérative des vignobles de Bruxelles.

Amnestie est une des chevilles ouvrières, si pas la cheville ouvrière du journal anarchiste, De Fakkel (le flambeau), Vrije communistisch orgaan der vlaamsche groepen, qui paraît à Gand à partir de janvier 1894. Cet organe libertaire des groupes flamands auquel collaborent les frères Willem et Jaak Bus de Malines, se porte plutôt bien pour un journal anarchiste et, en juin 1895 ; date de sa dernière parution, il compte une trentaine de numéros. L’éditeur officiel est le gantois Jozef Drieghe qui est également signalé comme imprimeur, mais en fait le journal est imprimé un certain temps à Malines par Victor Heymans. La rédaction, l’administration et bientôt l’édition sont situées à Gand, au n° 3, Vrijdagmarkt, où Amnestie tient son café. Ce dernier est également l’adresse de contact de la Revolutionnaire jonge wacht (jeune garde révolutionnaire) de Gand. À partir d’août 1894, l’édition, la rédaction et l’administration de De Fakkel ainsi que le café Amnestie déménagent à la Slijpstraat, n° 40, où se réunissent, dans le local qui porte le même nom que le journal, le Kring voor sociale studie (cercle d’études sociales), le Gentsche vrije groep (groupe libertaire gantois) et le Revolutionnaire jonge wacht. Lorsque De Fakkel reparaît, après une courte disparition, en mars 1895, Jan De Wolf alias Amnestie est mentionné comme imprimeur-éditeur. Par après, toutes les activités précitées déménagent, avec lui, à la Garenplaats, n° 3, à proximité du Vooruit.
Jan De Wolf prend indiscutablement dès le début la part du lion dans l’orientation, la gestion financière et la diffusion de De Fakkel. De plus, il prend souvent lui-même la plume. Les avis sur la personne d’Amnestie divergent toujours, même après la disparition de De Fakkel. En octobre 1895, dans une lettre destinée à Domela Nieuwenhuis, Pieter D’Hoedt décrit Amnestie et Bernard Lapinne comme des anarchistes qui ne font que du tort à leur idéal par leur mode de vie, en voulant sans cesse figurer au premier rang, par leur connaissance déficiente des principes anarchistes. Ils réduisent l’anarchie à une sorte de « prends et manges et surtout bois ». Par contre, De Opstandeling souligne, dans sa nécrologie d’Amnestie, son engagement désintéressé pour la « cause des opprimés » malgré les peines de prison, les privations et insinuations.

De Vrije groep (groupe libertaire) de Gand assiste aux funérailles civiles de Jan De Wolf, alias Amnestie. En Belgique, De Wolf n’est condamné qu’une fois, le 26 mai 1894, par le tribunal de police de Gand, pour tapage nocturne, à cinq francs d’amende ou un jour de prison. Le Parquet de Gand mène à deux reprises une enquête sur un éventuel délit de presse de De Fakkel, mais chaque fois, il conclut à un non-lieu.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article236246, notice DE WOLF Jan. Pseudonyme : Amnestie ou Amnistie. par Jan Moulaert - Willy Haagen - Guy Vanschoenbeek, version mise en ligne le 5 janvier 2021, dernière modification le 11 septembre 2022.

Par Jan Moulaert - Willy Haagen - Guy Vanschoenbeek

ŒUVRE : Catéchismus voor den werkman over socialistische bijstand, Gent, 1892 – Catéchisme de l’ouvrier mutuelliste socialiste, Gand, 1892.

SOURCES : Beveren, Archives de l’État, tribunal de première instance de Gand, greffe 86866, 1894 : J. Drieghe (non-lieu, 18 avril 1894), 89289, 1895, De Fakkel (non-lieu, 12 mars 1895) – Bruxelles, Archives générales du Royaume, Parquet général au tribunal du travail de Bruxelles, 228A, 230/38 ; SPF Justice, police des étrangers, dossiers individuels 300.277 : Jean François De Wolf – Amsterdam, Internationaal instituut voor sociale geschiedenis, archieven Ferdinand Domela Nieuwenhuis IIc2 : C. Beerblock, 11 janvier 1894, IIc7 ; P. D’Hoedt, 27 octobre 1895, IIc13 ; P.J. Penning, 3 janvier 1894 – Correspondentie van F. Domela Nieuwenhuis naar buitenlandse geestverwanten 1878-1896, (1987) – Archief en Museum van de socialistische arbeiderbeweging Gent, Archieven Vrijdenkersbond, S.M. Vooruit, Bond Moyson – Paris, Ministère de l’Intérieur, direction de la Sûreté générale, état signalétique des anarchistes expulsés de FranceI, mars-décembre 1894 – De Fakkel, Gent, 1894-1895 – Vooruit, 1880-1890 – De Opstandeling, Antwerpen-Borgerhout, I, december 1910 – HEYSE M., Kulturel uitingen van socialisten te Gent 1885-1905, mémoire de licence RUG, Gent, 1974 – VAN LERBERGHE R., De geschiedenis van Bond Moyson. De betekenis van de mutualiteit in de ontwikkeling van de gentse arbeidersbeweging, Gent, 1979, p. 45, 62 – MOULAERT J., Le mouvement anarchiste en Belgique, Ottignies-Louvain-la-Neuve, 1996.

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