GUYOMARD née MARJOU Louise

Par Daniel Grason

Née le 11 octobre 1898 à Vinneuf arrondissement de Sens (Yonne), morte le 5 mars 1955 à Ivry (Seine, Val-de-Marne) ; propriétaire d’un débit de boissons à Ivry-sur-Seine ; sympathisante communiste ; résistante ; déportée à Ravensbrück (Allemagne).

Louise Guyomard née Marjou
Louise Guyomard née Marjou

Fille d’Auguste et d’Amandine Louise Dechambre, un couple de manouvriers, Louise Marjou obtint à l’issue de sa scolarité le CEP. Elle épousa le 15 septembre 1925 Francis Marie Guyomard en mairie de Choisy-le-Roi (Seine, Val-de-Marne). Veuve, mère de deux enfants, elle tenait un débit de boissons au 28 rue Raspail à Ivry (Seine, Val-de-Marne).Elle épousa Francis Guyomard, veuve, mère de deux enfants, elle tenait un débit de boissons au 28 rue Raspail à Ivry (Seine, Val-de-Marne).
Le 17 octobre 1942, Messaoud Ben Hamiche, militant communiste filé par des inspecteurs de la BS1 entra dans le débit de boissons tenu par Louise Guyomard. Deux inspecteurs de la BS1 se présentèrent quelques minutes plus tard. Interrogée sur sa présence, elle affirma qu’il était client… puis déclara qu’il était venu chercher un poste de TSF qui lui appartenait. Or, connu comme militant communiste, il était pris en filature depuis un mois par la police.
Les policiers perquisitionnèrent l’arrière salle du débit de boissons, ils saisissaient : des exemplaires de tracts intitulés « Sabotage par tous les moyens », « Appel du syndicat des métaux aux métallos de la Région parisienne » (60 exemplaires), « À bas la mobilisation pour les boches », des papillons imprimés « Français attention ! » ; des tracts imprimés « Travailleurs parisiens refusez de partir en Allemagne », « Aux gendarmes… », « Lettre aux militants communistes » (50 exemplaires), « Guide pour l’application du plan » (50 exemplaires) ; l’Humanité n° 182 du 2 octobre 1942 (1000 exemplaires) ; Le Métallo d’octobre 1942 (1000 exemplaires) ; La Vie Ouvrière n° 187 du 2 octobre 1942 (1000 exemplaires), « Feuille hebdomadaire n° 6 » (50 exemplaires) ; Debout Français (1000 exemplaires) ; Français et Françaises alerte (1000 exemplaires) ; Peuple du grand Paris.
Emmenée dans les locaux des Brigades spéciales, elle y a été interrogée. Elle affirma ignorer la présence des paquets de tracts. Un policier lui fit remarquer qu’un paquet était ouvert « par conséquent vous n’ignoriez nullement son contenu ». Elle répondit du tac au tac « C’est moi-même qui l’avait ouvert car, quelques tracts avaient été jetés dans la rue Raspail, j’ai pensé que le paquet qui avait été déposé chez moi pouvait en contenir ».
Ce à quoi un inspecteur rétorqua : « Pour quelles raisons, lorsque les inspecteurs ont fait irruption dans votre débit avez-vous de dissimuler le paquet de tracts puisque d’après vous, vous n’êtes pour rien dans sa présence chez vous ».
Louise Guyomard répondit « J’ai pensé à ce moment-là qu’il était
dangereux pour moi d’avoir des papiers et que j’aurais dû les détruire auparavant ».
Elle a été inculpée d’infraction au décret-loi du 26 septembre 1939.
Incarcérée, elle était le 31 janvier 1944 dans le convoi de 959 femmes qui partit de Compiègne à destination de Ravensbrück en Allemagne. Elle a été affectée à un Kommando de travail à Holleischen dans les Sudètes. Les femmes travaillaient pour l’usine de munitions Skoda. Les déportées furent libérées le 5 mai 1945.
Louise Guyomard a été homologuée au titre de la Résistance intérieure française (RIF).
Elle mourut le 5 mars 1955 à Ivry-sur-Seine à l’âge de 57 ans.

Témoignage de Guy Guyomard fils de Louise, du 10 février 2006, transmis par madame Michèle Rault, conservatrice en chef du patrimoine d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne).
Ma mère était amie de Georgette Rostaing et de Marie Jézéquel. Elles ont travaillé ensemble pour que cesse cette guerre. Elles ont distribué des tracts, organisé des meetings, fait de la propagande, organisé des lâchers de ballon sur des endroits stratégiques. Ça se passait dans la clandestinité, ça ne durait que quelques instants.
Elle est revenue de déportation à la mi-mai 1945. Elle a été déportée 33 mois.
Elle a d’abord été en prison, à la Roquette puis à Fresnes avec les droits communs avant d’être déportée à Ravensbrück.
Elle tenait un café à l’angle de la rue Raspail et de la rue Claude Guy. Le café, c’était le lieu de réunions pour mettre la stratégie en place, ça partait de ce café. Il y avait le matériel, la machine à écrire. Tout ça c’était dans les chambres qui étaient séparées du café par un couloir.
J’ai un frère, Max, qui faisait des modèles réduits aux Aiglons. Il était copain avec Roland Le Moullac. Ils vendaient L’Avant-Garde ensemble. Ma mère a senti le danger et avait écarté mon frère de ses activités. Moi, elle m’avait mis à l’abri dans l’Yonne chez mon grand-père maternel. J’y suis resté jusqu’en 1945.
Elle a été libérée et mon frère a été la chercher avec une ambulance municipale à Longuyon.
On était sans nouvelle depuis qu’elle était arrêtée.
Mon frère, Roland Le Moullac et elle, ont été arrêtés à la même date. Mon frère, très jeune, a été libéré.
Ma mère travaillait avec Jean Bonnefoix, Georges Jehenne, Maurice Binot, Albert Prévotaux.
Mon grand-père est mort et j’ai été recueilli par mon oncle et ma tante.
Ma mère est passée de 72 à 45 kg. À son retour, elle a été soignée à l’hôpital de Bicêtre par un médecin d’Ivry et par le professeur Clair qui lui a dit qu’elle devait partir à la campagne et boire du lait.
Il m’a fallu un certain temps pour la reconnaître. Il a fallu se réadapter à la vie avec elle.
Mon grand-père était ouvrier agricole.
Ma mère avait énormément d’amis. Elle a été présentée aux élections municipales mais n’a pas été élue.
Il y avait une solidarité avec les autres tenanciers.
Quand elle a été arrêtée, elle a eu l’impression d’avoir été trahi. Mais elle n’a pas cherché à savoir. Elle pensait que c’était un concours de circonstance. Mais les inspecteurs de police sont allés directement dans la pièce où il y avait le matériel.
À son retour des camps, elle était invalide à 70%. Elle faisait de l’hypertension, avait des insomnies. Elle a vécu encore dix ans. Elle est décédée en mars 1955.
Le docteur Albert d’Ivry lui a dit : "Je vous prends en charge".
Elle a repris son café 4/5 mois après sa libération. Là, elle a milité aux Femmes françaises, au Secours populaire, au Parti communiste. Son café était à la disposition de ces organisations.
À Vinneuf, il y a eu une cérémonie à sa mémoire avec déplacement de la section des déportés et la pose d’une plaque. Auguste Pioline en a fait un compte-rendu dans Le Travailleur sous le titre "Cérémonie du souvenir à Vineuse".
Elle est venue de sa Bourgogne natale en région parisienne. Elle était serveuse et a fait la connaissance de mon père, serveur lui aussi. Mes grands-parents paternels avaient un débit de boissons à Choisy-le-Roi. Puis mes parents se sont mis à leur compte. Mon frère est né en 1926 à Choisy-le-Roi, moi en 1934 à Vitry. Ils ont dû s’installer à Ivry vers 1932. Elle est venue en région parisienne pour travailler. Il n’y avait pas beaucoup de travail dans son coin. Elle avait une sœur et un frère.
À la rentrée de 1945, on est rentré à Ivry. Mon frère avait tenu le café pendant toute la guerre. Il avait compris que c’était important pour que ma mère ne perde pas sa licence. Il était rentré aux pompiers municipaux. Quand il y avait une alerte, il fermait boutique. Des anciens l’avaient pris en charge tant pour son activité de pompier que pour les choses de la vie. Le patron de la forge qui était juste à côté du café, lui avait dit qu’il pouvait venir utiliser le téléphone de l’entreprise tant qu’il en avait besoin. De temps en temps, il venait me voir en bicyclette dans l’Yonne.
Pendant le bombardement d’août 1944, les vitrines du café avaient été cassées.
Je pense que ma mère a adhéré au PC en 1940.
Mon père, malade, est décédé en 1939. Il voulait mourir dans sa région natale. C’est une ambulance municipale (avec une cloche) conduite par Mr Mathieu qui nous y a emmené.
Dans le groupe de résistants auquel ma mère appartenait, il y a eu des fusillés.
Le père de ma mère était d’origine bretonne.
Dans les camps, elle plantait des arbres et elle s’est arrangée pour abîmer les troncs de façon à ce que les arbres ne poussent pas.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article243034, notice GUYOMARD née MARJOU Louise par Daniel Grason, version mise en ligne le 10 octobre 2021, dernière modification le 12 octobre 2021.

Par Daniel Grason

Louise Guyomard née Marjou
Louise Guyomard née Marjou

SOURCES : Archives nationales Z/4/78 dossier n° 531 (Foin et autres). – Arch. PPo. GB 68. – Bureau Résistance GR 16 P 395023. – Livre-Mémorial, FMD, Éd. Tirésias, 2004. – Etat civil AD Yonne 5 Mi 1356/6 acte n° 11.

Photographie : Arch. PPo. GB 154 (D.R.)

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