JOLY Gustave

Par Anne Mathieu

Né le 20 juin 1897 à Créteil (Seine, Val-de-Marne), mort le 24 novembre 1976 à Paris (XVIIIe arr.) ; avocat, journaliste, reporter en Espagne, critique dramatique.

Gustave Joly naquit à Créteil le 20 juin 1897, d’Octave Paul Joly et de Marguerite Catherine Wenger. Il fut mobilisé le 31 octobre 1914 dans le XVIe arrondissement de Paris, là où résidaient ses parents : arrivé au corps le 4 novembre, il passa au 52e Régiment d’artillerie le 5 juin 1915. Il fut évacué à deux reprises du fait des événements suivants : vésication par gaz, le 29 septembre 1917 au Ravin de la couleuvre ; intoxication par gaz, le 16 juin 1918, au Fort de Villers. Son registre matricule fait état de la citation suivante : « Brancardier à la position de batterie. S’est particulièrement dévoué pendant une période active, assurant en même temps que son service les fonctions de coureur dans une zone sans cesse battue par de violents bombardements. » Mis en congé le 10 septembre 1919, il résidait alors au 32, rue Michel-Ange à Paris (XVIe arr.). Des droits à la carte du combattant lui furent délivrés le 22 juin 1929. Il reçut la médaille militaire en 1972.

Ses premiers pas d’avocat, Gustave Joly les fit à l’une des meilleures écoles, celle du célèbre Henry Torrès. Il en était le secrétaire, avec Tony Truc, au moment du procès de Germaine Berton durant l’année 1923. L’affaire fit grand bruit et fut relayée largement dans la presse, du Figaro à La Vague. En 1924, il assista le même Henry Torrès au procès de Henri Figuière, qui avait tiré sur son frère alors que celui-ci menaçait son épouse : ils obtinrent l’acquittement pour légitime défense (Le Matin, 17 juin 1924). À la fin de l’année 1924, Torrès, assisté de Joly et de Truc, était aux assises pour défendre Louis Dervaux, qui avait assassiné et dépecé sa femme (Le Quotidien, 26 décembre 1924, Le Matin, 1er janvier 1925).

Les affaires de mœurs — illustrées ici par ces quelques exemples — côtoyaient les affaires politiques dans l’agenda de Gustave Joly, mêlé à celui de Henry Torrès. Précisons qu’au fil du temps, la presse le mentionnait tantôt comme le secrétaire de ce dernier tantôt comme son collaborateur. Évoquons, parmi ces affaires politiques, le procès de l’anarchiste italien Ernesto Bonomini (ou Ernest Bonomini, dans la presse), qui se déroula à partir de la fin juillet 1924 et retrouva la même équipe des trois défenseurs que pour celui de Germaine Berton. Ils étaient également tous trois aux Assises, le 19 avril 1926 dans le cadre de la « fusillade de la rue Damrémonté », où des communistes étaient accusés d’avoir tiré sur des militants des Jeunesses Patriotes en avril 1925, et de les avoir tués (voir notamment La Dépêche de Toulouse du 20 avril 1926).

En juillet 1926, Gustave Joly et Henry Torrès assistèrent Buenaventura Durruti et de Francisco Ascaso, quand ils furent arrêtés à Paris, sous inculpation d’ association de malfaiteurs, de port d’armes prohibées et d’usurpation de passeports » (L’Œuvre, 4 juillet 1926). C’est en leur présence que les deux anarchistes espagnols furent entendus dans le cadre de l’instruction. Ils comparurent en correctionnelle le 7 octobre, accompagné de Gregorio Jover, arrêté en juillet – accusé d’avoir attenté à la vie du roi Alphonse XIII – et menacé d’expulsion, ce dernier étant défendu uniquement par Gustave Joly.

En janvier 1927 eut lieu le procès des « conjurés catalans » (Le Petit parisien, 20 janvier 1927). Avec le colonel Macia (défendu par Henry Torrès) et le commandant Ricciotti Garibaldi (défendu par César Campinchi) comparaissaient seize inculpés (défendus, outre par Gustave Joly, notamment par Pierre Cot, Pierre Lœwel, Jean-Louis Thaon, Tony Truc et Alexandre Zévaès).
Fin décembre 1927, Gustave Joly défendit, avec Henry Torrès, l’anarchiste italien Santo Pollastro, accusé de vol (La Liberté, 15 décembre 1927). Les deux hommes s’occupèrent ensuite de l’antifasciste italien Alvise Pavan, qui avait tué en mars précédent à Paris un informateur de la police italienne (Le Populaire, 8 juillet 1928). Ils obtinrent la liberté du réfugié italien Alfredo Angeletti, dont l’Italie réclamait l’extradition, l’accusant d’avoir été complice de l’attentat contre le roi d’Italie en avril (L’Œuvre, 1er novembre 1928).

Entre-temps, Gustave Joly avait fait partie des signataires de la protestation des « membres du Barreau français » au sujet d’un ancien député roumain, Boris Stefanoff, inculpé de menées communistes et emprisonné dans des conditions particulièrement difficiles : ils y rappelaient « l’affirmation solennelle de la déclaration des droits de l’Homme, dont la valeur est universelle, que chacun a droit à la liberté de pensée » (La Volonté, 27 janvier 1928). Parmi les nombreux signataires, relevons les noms de Betty Brunschvicg, Maurice Delépine, Maurice Juncker, Jean Longuet, Louis Noguères, Maurice Paz, Paul Ramadier et Marcel Willard.

Bien que de plus en plus spécialisé dans les affaires politiques ou sollicité pour celles-ci, Gustave Joly ne dédaignait toujours pas les affaires de mœurs, affaires souvent sensationnelles qui contribuèrent à n’en pas douter à sa célébrité aux côtés de son mentor Henry Torrès. Il revêtait aussi, seul, la robe d’avocat, par exemple à Nancy (Meurthe-et-Moselle), en avril-mai 1927, pour l’assassinat d’une femme perpétré par son époux, surnommé le « Landru nancéen » (Le Petit journal, 10 avril 1927).

À partir de la fin 1928, Torrès et Joly furent occupés – avec comme secrétaire Gérard Rosenthal – par le cas de l’ancien ministre des Finances Louis-Lucien Klotz, inculpé de faux et d’émission de chèques sans provision. C’est Pierre Bénard qui rendit compte de la séance devant la chambre correctionnelle dans L’Œuvre du 12 juillet 1929.

À partir de la fin 1929, Joly défendit, avec Torrès, trois italiens (Alberto Cianca, Alberto Tarchiani et Giuseppe Sardelli) arrêtés sous inculpation de détention d’explosifs. En 1930, il défendit un ouvrier italien, Francesco Ghezzi. Condamné par un tribunal fasciste, il s’était réfugié en Russie, où il avait été arrêté par la Guépéou, et emprisonné sans jugement. Gustave Joly intervint auprès de l’ambassadeur soviétique à Paris, « pour obtenir soit la mise en jugement légale du condamné, soit sa libération » (L’Œuvre, 10 décembre 1930).

Il semble que ce soit au début des années 1930qu’il s’essaya à l’exercice de la rédaction d’articles, préalable à l’inauguration future d’une carrière de journaliste. Il commença à collaborer à La critique sociale de Boris Souvarine à partir du n° 3 d’octobre 1931. C’est dans les pages de comptes rendus qu’on l’y trouvait, et sous la signature « G. Joly ». Il y collabora jusqu’en septembre 1933, y critiquant des ouvrages divers, des Sources du fascisme de Silvio Trentin aux Origines et fondation de la IIIe République de l’historienne et avocate Marie de Roux, en passant par Parlementarisme et régime présidentiel de l’ancien président de la République chilienne, Arturo Alessandri. En 1934, il collabora à l’hebdomadaire de sensibilité libertaire Les Hommes du jour. Le 14 mars 1935, signe de sa notoriété, il participa à un débat au Club du Faubourg, « Pour et contre les jésuites » : son intervention s’intitulait « Le Jésuites contre la République » (L’Œuvre, 14 mars 1935).

Sa carrière de journaliste – toujours sous la signature « G. Joly » – prit un envol remarquable quand il commença à travailler pour L’Œuvre à la mi-1936, en se distinguant par des articles sarcastiques sur le Parti social français (PSF). Relatant sa venue aux assises de ce dernier pour feindre de vouloir y adhérer, il termina ainsi son article du 30 juin : « Pas besoin d’aller à Médrano ce soir : en lisant la prose du vaillant colonel de la Rocquechonot, j’aurai le cirque à domicile. » Il publia à partir d’août des articles de commentaire sur la situation espagnole, interviewant également à l’occasion des responsables politiques ou syndicaux espagnols de passage à Paris de cette fin 1936 à la mi-1937. Il interviewa notamment le commissaire à la propagande de la Généralité de Catalogne, Jaume Miratvilles et Largo Caballero, alors chef du gouvernement espagnol,

À partir de septembre 1936, la place de Gustave Joly se fit plus importante dans le quotidien L’Œuvre, y ayant souvent les honneurs de la Une. Sa plume s’y exerça en tant que chroniqueur, aussi bien sur l’actualité politique (avec une propension à vitupérer les fascismes, que l’on retrouve dans son éphémère contribution à La Vague fin 1936-début 1937) ; sur l’actualité économique (« Toujours la vie chère », 25 août 1937) ; sur les arts (« Artisan pas mort », 23 mai 1937) ; sur l’histoire (« La seconde insurrection des "Canuts" », 9 avril 1937 ; « Valmy, victoire du moral », 20 septembre 1937). Nombre de ses articles se caractérisaient par un ton humoristique, ironique et également badin, qui sied à la chronique, mais il savait par ailleurs manier la gravité — sans toutefois omettre sa verve sarcastique — comme par exemple le 15 juin 1937 au sujet de l’assassinat de Carlo Rosselli. Il lui arrivait aussi parfois de consacrer ses livraisons à des affaires judiciaires : ainsi commenta-t-il le 28 février 1937 le procès du « roi de l’évasion » Georges Rème, défendu par Henry Torrès ; ou, le 10 août 1937, la décision de grâce enfin rendue pour Marie Mancini, innocente emprisonnée depuis huit ans et défendu par le même Torrès. Sa plume s’y déploya aussi en tant que reporter, lors des obsèques des victimes de la fusillade de Clichy (L’Œuvre, 22 mars 1937), ou en Espagne.

Il fut en effet envoyé spécial de L’Œuvre en Espagne à la mi-novembre 1936, situation qu’il suivait depuis le début de la guerre, comme indiqué plus haut. Il connaissait d’ailleurs bien l’Espagne, où il s’était rendu fin octobre 1933 en tant que journaliste à l’occasion du transfert des cendres de Vicente Blasco Ibáñez de Menton (Alpes-Maritimes), où il était mort en exil, à Valencia. Outre cette ville, il avait alors visité Séville, Madrid et Barcelone. En novembre 1937, il livra des reportages sur les réfugiés espagnols en France, enfants et combattants blessés, mais cette fois-ci dans La nouvelle Espagne antifasciste – Nueva España antifascista, hebdomadaire bilingue créé en septembre 1937, financé en partie par la CNT et dirigé par Albert Soulillou. Dans l’un comme dans l’autre de ces deux périodiques, il publia des articles de commentaire sur la guerre. Ses opinions anarchistes, qui purent s’exprimer sans fard dans l’hebdomadaire bilingue affleurèrent même dans L’Œuvre, où il rendit un vibrant hommage à Buenaventura Durruti, le 24 novembre 1936 – hommage réitéré, un après, dans un numéro « anniversaire » de La nouvelle Espagne antifasciste – Nueva España antifascista.

Rappelé le 12 avril 1939, Gustave Joly fut renvoyé dans ses foyers le 20.

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, il publia les 22 et 23 septembre 1944 dans L’Aurore une série sur « La cinquième colonne ou le "Cheval de Troie" modernisé ». Il y livra ensuite plusieurs articles, et, fin 1945, y entreprit une collaboration à une rubrique hebdomadaire « Soirs de Paris », dans laquelle il écrivait des critiques théâtrales. Son journal l’envoya à Berlin en avril 1946, à Rome en mai, pour y suivre les élections ayant lieu dans ces deux pays. Mais il y poursuivit ensuite ses critiques théâtrales ou dans le domaine général des spectacles (chansonniers, cirque…).

Le 18 mai 1945, il y signa un « In Memoriam », dédié à Charles Wolff, qu’il avait probablement côtoyé en 1935-1936 à l’université populaire Henri Barbusse fondée par Albert Soulillou à Boulogne-Billancourt (Seine, Hauts-de-Seine), ou lors de la guerre d’Espagne. Résistant, arrêté un an auparavant « par les miliciens dans le Tarn-et-Garonne [et] assassiné par la Gestapo. […] Charles Wolff avait dénoncé longuement et minutieusement, avant la guerre, les menées nazies dans son Alsace natale », rappelait Gustave Joly dans son hommage. Il y saluait aussi le « journaliste informé, critique d’art sagace et délicat, [et l’] un des premiers chroniqueurs de la musique enregistrée […] ».

On relève ensuite et en outre son nom dans l’hebdomadaire Claudine, dirigé par Yvonne Philippe-Roques, (veuve de Philippe Roques). Le 30 janvier 1946, il y publia une critique théâtrale de La Folle de Chaillot, dont les interprètes étaient alors Marguerite Moreno et Louis Jouvet.

Gustave Joly était membre du bureau de la section de la Seine du Syndicat National des Journalistes (SNJ) dans les années Cinquante.

Il s’était marié le 19 janvier 1928 avec Marie-Thérèse Gay, et s’était remarié le 15 septembre 1972 avec Ginette Lhéritier.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article245554, notice JOLY Gustave par Anne Mathieu, version mise en ligne le 8 mars 2022, dernière modification le 21 mars 2022.

Par Anne Mathieu

ŒUVRE : Préface : Dominique Pado, Maurras, Béraud, Brasillach : trois condamnés, trois hommes, trois générations, O. Pathé, 1945.

SOURCES : Anne Mathieu, « Le martyrologe révolutionnaire de la répression stalinienne en Espagne dans les périodiques antifascistes français (juillet 1936-décembre 1937) », in Mourir en révolutionnaire, XVIIIe-XXe siècles (Michel Biard, Jean-Yves Frétigné, Jean-Numa Ducange, Dir.), Paris, Société des études robespierristes, « Etudes révolutionnaires », 2021, pp. 261-271. — Anne Mathieu, Nous n’oublierons pas les poings levés – Reporters, éditorialistes et commentateurs antifascistes pendant la guerre d’Espagne, Syllepse, 2021. — Arch. de Paris, registre matricule. — Data Bnf. — Journaux et articles de presse cités dans la notice.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
fiches auteur-e-s
Version imprimable