Né à Paris le 24 mars 1839, mort à la Ferté-Alais (Seine-et-Oise) le 25 mai 1905 ; artiste dramatique ; colonel, chef de la Xe légion fédérée pendant la Commune de Paris, déporté en Nouvelle-Calédonie.
Petit-fils d’un courtier qui fut officier du Premier Empire, Maxime Lisbonne était le fils d’un artiste peintre, décoré en juillet 1830, fait chevalier de la Légion d’honneur comme capitaine de la garde républicaine en 1848, puis réformé pour avoir refusé son concours au coup d’État de 1851.
Maxime Lisbonne s’engagea à quinze ans dans la marine et participa à la campagne de Crimée, 1854-1855 ; en avril 1857, il s’engagea de nouveau, pour sept ans cette fois, et servit au 14e bataillon de chasseurs à pied, puis au 1er régiment de zouaves, fit campagne en Italie et en Syrie, 1859-1861. De caractère difficile, il fut envoyé en Afrique aux compagnies de discipline, puis gracié à la suite d’un acte de courage lors de l’incendie de l’hôpital d’Orléansville.
Libéré en 1864, il débuta au théâtre, devint directeur des Folies-Saint-Antoine, boulevard Richard-Lenoir, en 1865, mais fit de mauvaises affaires et finalement fut mis en faillite le 29 juillet 1868. Il devint alors agent d’assurances. Le 11 juillet 1867, il avait épousé Rosalie, Élisa Dodin dont il avait un fils, né en janvier 1857, et qu’il reconnut.
Pendant le Siège, il fut élu capitaine de la Garde nationale, 1re compagnie de marche du 24e bataillon ; « soldat brave et intelligent », dit son colonel en septembre 1871 ; il se signala à Fontenay, Arcueil, à Buzenval, au fort de Montrouge, dans une reconnaissance vers Bagneux. À une réunion rue Dieu (Xe arr.), il fut élu membre du Comité central de la Garde nationale pour le Xe arr., refusa d’abord, puis se laissa forcer la main (14 mars).
Le 18 mars 1871, il suivit Brunel à la caserne du Château-d’Eau et à l’Hôtel de Ville. Les 20, 21, 22 mars, il se montra très actif, occupa des lieux publics, signa affiches et proclamations. Il prétendit avoir démissionné du Comité central le 19 mars « parce que sa position de failli ne lui permettait pas d’accepter un mandat qui exigeait une honorabilité irréprochable » (rapport de la commission des grâces, 30 août 1872, Arch. Nat.), mais, en réalité, il en demeura membre durant toute l’insurrection.
Le 3 avril, il fut nommé chef de la Xe légion avec solde journalière de 12 f et chargé en outre par intérim d’organiser la XIe à la caserne du Château-d’Eau. Il commanda le fort d’Issy du 8 au 13 mai. Le 1er mai, il avait été nommé lieutenant colonel attaché à l’état-major de La Cécilia. Du 13 au 22 mai, muni des pleins pouvoirs de La Cécilia, il commanda les remparts de la porte de Versailles jusqu’au Point-du-Jour. Le 23 mai, il organisa la défense du Panthéon et, le 25 mai, il commanda les barricades de la place du Château-d’Eau et des environs. Blessé à la cuisse le 26 mai place du Château-d’Eau, il fut soigné dans une ambulance, puis à l’hôpital militaire de Saint-Mandé. Reconnu, il fut transféré à l’hôpital militaire de Versailles.
Il fut condamné, le 5 décembre 1871, par le 3e conseil de guerre, à la peine de mort, bien qu’il eût affirmé avoir sauvé d’exécutions sommaires un agent de Versailles, un sergent de l’armée de ligne, un architecte arrêté au village d’Issy. On l’accusait d’avoir arrêté des « calotins » et des « réactionnaires ». Toutefois, on ne put prouver qu’il ait participé à l’assassinat d’un inconnu, au début d’avril, à minuit dans la cour du séminaire d’Issy : le supérieur du séminaire attesta qu’à l’époque il en était absent... Renvoyé devant le 6e conseil de guerre le 4 juin 1872, il fut condamné de nouveau à la peine de mort, peine qui fut commuée le 14 septembre suivant en celle des travaux forcés à perpétuité.
Le 11 décembre 1874, sa grand-mère maternelle, âgée de 84 ans et qui signait veuve Foussinquy, le nom étant souligné de trois points en ligne, demandait en vain sa grâce au président de la République. Lisbonne venait de faire deux mois de cellule pour envoi à l’administration d’une lettre jugée calomnieuse. Il encourut à deux reprises, au cours des années suivantes, outre trois punitions insignifiantes, une peine de trente nuits de prison pour arrogance envers un surveillant, puis envers le directeur de l’administration pénitentiaire (Le Mot d’ordre, 5 février 1880).
Après l’amnistie, Maxime Lisbonne, « ce d’Artagnan de la Commune » (E. Lepelletier, op. cit.), « Le Murat de la révolution sociale » (L’Intransigeant, 27 mai 1905) se fit tout d’abord directeur de théâtre et aux Bouffes du Nord monta notamment Nadine de Louise Michel, en 1882.
Dans le même temps, il se lançait dans le journalisme et, le 27 novembre 1884, paraissait le premier numéro de L’Ami du Peuple. Les articles de Lisbonne étaient souvent d’une grande violence, ainsi qu’en témoignent les lignes suivantes du 2 août 1885 :
« Nous ne comptons que sur la Révolution pour sauver la République.
Vive la Révolution sociale !
Feu ! Feu ! Partout ! »
Lisbonne se livra également à des créations tapageuses. C’est ainsi qu’il ouvrit, en octobre 1885, une Taverne du Bagne, 2, boulevard de Clichy.
Paul Lafargue, dans une lettre à Engels du 19 novembre 1885 (cf. Correspondance... t. I), a conté ainsi l’événement : « Lisbonne, cabotin de profession, vient d’avoir l’idée géniale d’ouvrir un café où les portes sont des grilles, où les tables sont enchaînées, où tous les garçons sont vêtus comme des galériens, traînant la chaîne et la double chaîne [...]. Le succès a été fou ; on fait queue pour aller boire un bock dans le bagne du citoyen Lisbonne, qui le fait payer double d’ailleurs. Les gens du monde y vont en voiture, et sont heureux de s’entendre tutoyer et d’être rudoyés par des gardes-chiourmes, qui se servent du langage académique du bagne pour parler aux clients. »
Lisbonne se déplaçait alors dans une voiture, « panier à salade » miniature, traîné par deux poneys et conduit par deux gendarmes en uniforme. Et ses cartes de visite, dont un exemplaire est conservé aux archives de la préfecture de police, étaient ainsi libellées :
« MAXIME LISBONNE,
ex-forçat de la Commune. »
Trois ans plus tard, il inaugurait la Brasserie des Frites révolutionnaires. En 1889, il était candidat fantaisiste aux élections législatives. Au temps des attentats anarchistes, après accord avec les compagnons, il fit apposer sur les murs de Montmartre l’annonce suivante (mars 1894) :
« Le Salut public de Montmartre.
Compagnie d’assurances contre l’explosion de la dynamite.
Le Directeur exécutif, Maxime Lisbonne. »
Ces outrances, ces tapageuses réclames, ces facéties ne l’enrichirent pas et il fit une seconde fois faillite, le 23 octobre 1894, alors qu’il tenait un cabaret « Le Casino des concierges ».
En juin 1893, il était allé, avec Marius Tournadre et Achille Le Roy, présenter un candidature collective à l’Académie français, en laissant une marmite (à la Ravachol) et leurs cartes de visite à l’intérieur. (voir la photo des trois "académicides").
Selon un rapport de police du 3 juillet 1901, il logeait alors en garni à 40 F par mois. En 1897, il quitta Paris pour la Ferté-Alais où sa belle-sœur possédait une propriété, mais il revint dans la capitale l’année suivante et ouvrit un nouveau cabaret : « Le Ministère des Contributions directes », rue La Rochefoucauld. Mais il se trouva bientôt dans le dénuement le plus complet. Invoquant les services rendus par son père, il chercha à obtenir un secours du ministère de la Guerre. Selon Lepelletier, on lui attribua une petite recette buraliste à la Ferté-Alais et c’est là qu’il mourut le 25 mai 1905. Il y fut enterré le 27. Sa femme lui survécut neuf ans (28 février 1914). Leur petit-fils, mobilisé le 1er août 1914, fut très grièvement blessé en Lorraine et mourut le 20 août 1914 ; il avait vingt-deux ans.
ŒUVRES : Réponse au « Pater » de M. François Coppée de l’Académie française, 1890, 32 p. (se trouve dans le carton Arch. PPo., B a/1157). — Lisbonne écrivit ses Mémoires. Le manuscrit signé « Portugal » fut utilisé par E. Lepelletier pour écrire son Histoire de la Commune de 1871, trois vol. 1911-1913, et en 1967, par Marcel Cerf qui a publié Le D’Artagnan de la Commune (le colonel Maxime Lisbonne), préface de Jean Savant, 278 p. Elles ont finalement été publiées, présentées et annotées par Marcel Cerf, dans la revue La Commune, nos 5 (1976), 7 (1977), 11, 12 (1978) et 14 (1979).— Des journaux qu’il créa, le plus important fut L’Ami du Peuple, 112 numéros (27 novembre 1884-7 août 1885).
SOURCES : Arch. Nat., BB 24/732, n° 5556. — Arch. Min. Guerre, 6e conseil. — Arch. PPo., B a/1157. — E. Lepelletier, Histoire de la Commune de 1871, op. cit. — Procès-Verbaux de la Commune de 1871, op. cit. — Gazette des Tribunaux, 4 décembre 1871. — Bruhat, Dautry, Tersen, la Commune de 1871, op. cit.