Par Daniel Grason, Michèle Rault
Né le 3 mars 1925 à Krasnik (Pologne), fusillé par condamnation le 21 février 1944 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; mécanicien domicilié à Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne) ; membre de la Jeunesse communiste ; résistant FTP-MOI.
Immigré juif polonais, Wolf Wajsbrot passa son enfance au 153 avenue de Paris à Ivry-sur-Seine et apprit le métier de mécanicien. Il était membre de la JC. Ses parents furent arrêtés au cours de la rafle du 16 juillet 1942 et parqués au Vel’ d’Hiv’ (Paris, XVe arr.). Ils furent déportés au départ de Drancy ou de Pithiviers (Loiret) à Auschwitz (Pologne), où ils moururent.
Wolf Wajsbrot entra en contact avec (ou fut contacté par) des résistants de la MOI. Le 3 janvier 1943, il participa à l’attaque d’un groupe d’Allemands avenue Lowendal à Paris, avec le 2e détachement FTP-MOI. Il devint permanent en juillet 1943, muté au 4e détachement, dit « des dérailleurs ». Il prit part le 13 août 1943 à la tentative de déboulonnage de voies ferrées à Châtelet-en-Brie (Seine-et-Marne) ; le 21 août, il fut dans l’équipe qui fit dérailler un train sur la ligne Reims-Rethel ; le 27 août, dans celle qui fit dérailler un train de marchandises sur la ligne Paris-Troyes ; le 4 septembre, il contribua à un déraillement près de Loupeigne (Aisne).
Les policiers des Renseignements généraux filèrent pendant plusieurs semaines des combattants des FTP-MOI et des militants de la MOI, repérant où ils habitaient. Le commissaire politique des FTP-MOI de la région parisienne, Joseph Dawidowicz, fut identifié par la police le 18 octobre 1943. Responsable aux effectifs, il coordonnait le travail politique, disposait de liaisons avec la direction de la MOI et avec celle des FTP ; il était également le trésorier des FTP-MOI, un poste clef.
Le 21 octobre, les policiers suivirent le détachement des dérailleurs et notèrent : « Boczor sort à 7 h 20 du 85 rue Turbigo, prend le métro à République et descend porte d’Ivry. À pied, il se rend à l’angle du boulevard Masséna et de la rue de Patay où il rencontre à 8 heures Stanzani [...] Stanzani se rend 41 avenue de Choisy où il pénètre à 10 h. Il reparaît à 10 h 45 portant un panier en osier ; il prend le métro à la porte de Choisy et à 11 h 45 sort à Gare de l’Est. À 11 h 20, il s’installe sur un banc dans le hall. À ce moment, nous apercevons Boczor qui circule, puis Goldberg, Martiniuk (Geduldig), Fingercweig et Elek qui arrivent successivement. [Goldberg>76023] porte sur le dos un sac de camping paraissant lourdement chargé. Fingercweig porte une musette bourrée. Elek un sac de camping. Nous apercevons également Wajsbrot qui circule dans le hall avec une musette pleine sur le dos. [Goldberg>76023], Fingercweig, Martiniuk, Elek prennent le train à 11 h 45 pour Troyes par équipe de deux, Boczor paraît surveiller l’opération. Wajsbrot et Stanzanj ne prennent pas le train de 11 heures. »
Des inspecteurs de la Brigade spéciale no 2 (BS2) prirent le même train jusqu’à Troyes, continuant à observer les combattants sans intervenir. Ils observèrent le 22 octobre trois FTP-MOI prenant le train à 7 h 30 et arrivant gare de l’Est à 10 heures. La seconde équipe de FTP-MOI, dont Wolf Wajsbrot, prit un autre train en direction de Troyes, mais descendit soixante-huit kilomètres avant à la gare d’Hermé (Seine-et Marne) et sabota la voie ferrée. Le 26 octobre, des inspecteurs de la BS2 arrêtèrent Joseph Dawidowicz à midi en gare de Conflans-Sainte-Honorine (Seine-et-Oise, Yveline). Les perquisitions de ses domiciles clandestins permirent de découvrir, notamment, des listes d’effectifs, des comptes rendus d’activité de la MOI, des ordres du jour des FTP, un état numérique dactylographié des divers détachements. La direction des Renseignements généraux décida une opération d’ensemble : le 17 novembre 1943, soixante-sept membres des FTP-MOI et de la MOI furent interpellés par des inspecteurs de la BS2, dont Wolf Wajsbrot.
Il fut arrêté chez son amie Sarah Danciger, militante de la MOI, 35 rue des Archives à Paris (IVe arr.). Il portait deux fausses cartes d’identité, aux noms de Marcel Plantrou et de Marcel Lambert. Deux pistolets automatiques furent saisis, ainsi qu’un code d’honneur des FTP et des tracts de l’organisation. Des inspecteurs de la Brigade spéciale no 2 (BS2) l’interrogèrent dans les locaux des BS. Il reconnut cinq sabotages de voies ferrées. Livré aux Allemands, il fut emprisonné à Fresnes (Seine, Val-de-Marne).
Wolf Wajsbrot fut l’un des vingt-trois accusés qui comparurent le 18 février 1944 devant le tribunal du Gross Paris qui siégeait rue Boissy-d’Anglas (Paris, VIIIe arr.). La presse collaborationniste aux ordres des Allemands, dont Le Matin, s’en fit l’écho : « Le tribunal militaire allemand juge 24 (en fait 23) terroristes ayant commis 37 attentats et 14 déraillements. Un Arménien, Missak Manouchian, dirigeait cette tourbe internationale qui assassinait et détruisait pour 2 300 francs par mois. »
Les vingt-trois accusés furent tous condamnés à mort, y compris la seule femme du groupe, Olga Bancic qui fut transférée en Allemagne ; condamnée à mort une nouvelle fois à Stuttgart, elle fut guillotinée dans la cour de la prison le 10 mai 1944.
Wolf Wajsbrot fut passé par les armes le 21 février 1944 à 15 h 47 avec les vingt et un autres hommes condamnés à mort le 18 février 1944, dont Missak Manouchian et trois autres Ivryens : Celestino Alfonso, Roger Rouxel et Robert Witchitz.
Wolf Wajsbrot fut inhumé au cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne) le 21 février 1944 division 40, ligne 45, n° 31 puis transféré le 6 juillet 1949 au cimetière parisien de Pantin (Seine-et-Oise, Seine-Saint-Denis).
La Médaille de la Résistance lui fut accordée à titre posthume par décret du 31 mars 1947, publié au JO du 26 juillet 1947
Le ministère des Anciens Combattants attribua à Wolf Wajsbrot la mention « Mort pour la France » à titre militaire le 26 février 1958.
Le nom de Wolf Wajsbrot figure sur la cloche du Mémorial de la France combattante au Mont-Valérien, et sur les plaques commémoratives dédiées au groupe Manouchian à Ivry-sur-Seine, au Blanc-Mesnil (Seine-et-Oise, Seine-Saint-Denis), près de la gare d’Évry-Petit-Bourg, Évry-Courcouronnes (Seine-et-Oise, Essonne) où furent arrêtés Missak Manouchian et Joseph Epstein, au 19 rue au Maire à Paris (IIIe arr.), au 40 rue Groupe Manouchian à Paris (XXe arr.), à Vaulx-en-Velin (Rhôneà, à Marseille (Bouches-du-Rhône), et à Valence (Drôme).
Par Daniel Grason, Michèle Rault
SOURCES : Arch. PPo., PCF carton 15, rapports hebdomadaires des Renseignements généraux sur l’activité communiste, 77W 2122, GB 190 (photo). — Arch. com. Ivry-sur-Seine. — DAVCC, Boîte 5, Liste S 1744 098/44 (Notes Thomas Pouty). — Gaston Laroche (Boris Matline), On les nommait des étrangers, E.F.R., 1965. — David Diamant, Les Juifs dans la Résistance française, 1940-1944, Le Pavillon, Roger Maria éditeur, 1971. — David Diamant, Combattants, héros & martyrs de la Résistance, Éd. Renouveau, 1984. — Annette Wieviorka, Ils étaient Juifs, résistants, communistes, Éd. Denoël, 1986. — Stéphane Courtois, Denis Peschanski, Adam Rayski, Le sang de l’étranger, les immigrés de la MOI dans la Résistance, Fayard, 1994. — Boris Holban, Testament, Calmann-Lévy, 1989. – Le Matin, 19, 20, 21 et 22 février 1944. — Site Internet Mémoire des Hommes. — MémorialGenWeb. — Répertoire des fusillés inhumés au cimetière parisien d’Ivry.