PEYRACHE Sylvain, Octave

Par Gérard Leidet

Né le 20 février 1890 à L’Escale (Basses-Alpes, aujourd’hui Alpes-de-Haute-Provence), mort le 22 mai 1923 à Allauch (Bouches-du-Rhône) ; instituteur dans les Bouches-du-Rhône ; militant syndicaliste de la Fédération nationale des syndicats d’instituteurs (FNSI), puis de la fédération des syndicats des membres de l’enseignement laïque (FSMEL), et de l’Internationale de l’enseignement.

Fils de Frédéric, Paul Peyrache, cultivateur, et de Caroline Broche, femme au foyer, Sylvain Peyrache vint habiter à Marseille, son père étant décédé. Il devint instituteur, effectua son service militaire d’octobre 1911 à octobre 1913. Rappelé en août 1914, il fut nommé sergent fourrier le 17 mai 1915, puis promu sous-lieutenant au 14e régiment d’infanterie, le 27 juin suivant. Blessé par balle, il fut fait prisonnier le 8 septembre 1915 et resta en captivité à Ingolstadt (Allemagne), durant toute la fin de la guerre.

Démobilisé le 18 août 1919, il se retira à Gardanne (Bouches-du-Rhône), puis il fut nommé instituteur à Marseille (Bouches-du-Rhône).

Au lendemain de la guerre, Sylvain Peyrache correspondait avec des militants de la Fédération des instituteurs et institutrices d’Allemagne et d’Autriche. Cette association comprenait des enseignants adhérents du Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD), du Parti social-démocrate indépendant d’Allemagne (USPD), et du Parti communiste d’Allemagne (KPD, fondé autour de la Ligue spartakiste). Il ne s’agissait pas d’une organisation syndicale autonome. L’autonomie qui caractérisait le syndicalisme français ne pouvait trouver sa place dans ces pays où le mouvement syndical était subordonné aux partis politiques – notamment à la social-démocratie allemande. C’était pourtant, selon Peyrache et les dirigeants de la FNSI, ce groupement, qui était le plus proche des conceptions de la « nouvelle » Fédération de l’enseignement, et « le plus susceptible d’adhérer à notre mouvement » selon Louis Bouët. En effet, lors du 13e congrès qui se tint à Tours en août 1919, l’ancienne Fédération des syndicats d’instituteurs s’ouvrait à tous les degrés de l’enseignement, pour devenir la Fédération des syndicats membres de l’enseignement laïque (FSMEL).

Les difficultés de l’après-guerre, en ce domaine comme dans bien d’autres, ne manquaient pas, et si la « centrale du personnel enseignant socialiste » de Belgique (section du Parti ouvrier belge) semblait vouloir participer, les réponses des autres pays demeuraient moins précises, et ne permettaient guère alors, qu’un échange de publications. Peyrache et les membres du bureau fédéral de la FNSI étaient prêts cependant à former le plus rapidement possible un « bureau international provisoire ». Les syndicats de la fédération, consultés par référendum, approuvèrent la tenue, en août 1920, d’un congrès fédéral extraordinaire, avec la question de « l’Internationale de l’enseignement » à l’ordre du jour. Le lieu, Bordeaux, fut fixé par le conseil fédéral de Tours, et Peyrache fut chargé des invitations à transmettre dans plusieurs pays.

Sylvain Peyrache, secrétaire du Syndicat des instituteurs des Bouches-du-Rhône, chôma le 1er mai 1920 et participa à la grève décidée par le Syndicat de l’enseignement laïque et la CGT. Connu comme ardent syndicaliste à tendance antimilitariste, il fut, avec Gauthier (membre de la commission exécutive de l’UD-CGT), traduit devant le Conseil départemental aux « fins de censure ». Dans le département, la peine de révocation fut requise contre ses camarades marseillais Ismaël Audoye et Adolphe Bezot. Le premier avait voté l’ordre du jour du conseil fédéral décidant la grève du 1er mai, et « mis, pour son compte cette décision en application » ; le second, considéré comme « l’un des plus grands propagandistes du mouvement gréviste », s’était absenté de sa classe le 1er mai. Six membres du conseil départemental présents (les six administrateurs) sur huit restaient en fonction au CD, au moment de la consultation (les quatre délégués du personnel et deux conseillers généraux étant démissionnaires). Ce quorum suffisait néanmoins pour émettre légalement un avis. Or, si Peyrache et Gauthier échappèrent à la censure réclamée contre eux, tous deux furent déplacés d’office à la rentrée 1921, envoyés « en disgrâce » dans des postes de débutants du département, Sylvain Peyrache à Cadolive (Bouches-du-Rhône).

Les premiers pas de l’Internationale des travailleurs de l’enseignement (ITE, créée lors du congrès des 14-15 août 1922 à Paris) causaient quelques soucis au bureau fédéral. Beaucoup d’enseignants syndiqués se désintéressaient de la question. Le bureau provisoire (Ernest Vittecoq-Paul Briard) donna sa démission au conseil fédéral du 25 mars 1921. Mais surtout, une vaine polémique entre « idistes » (personne parlant l’ido, langue dérivée de l’espéranto créée au début du XXe siècle par Louis Chevreaux, dit Louis de Beaufront) et espérantistes avait sans doute provoqué cette décision du bureau. Il y eut ensuite un intermède à la tête de l’ITE assuré par Mager, instituteur allemand, qui se retrouva dans des circonstances extrêmement difficiles en butte aux persécutions de la « réaction républicaine » allemande qui réussit à le faire révoquer. Peyrache fut alors sollicité par François Bernard – chargé au bureau fédéral des relations internationales – pour assurer la direction de l’Internationale des travailleurs de l’enseignement. Il dut se récuser pour raison de santé. Peyrache était en effet, rentré d’Allemagne, souffrant de névralgies consécutives à sa blessure et atteint de tuberculose, dont il devait succomber. Ce fut Louis Boutreux, instituteur du Maine-et-Loire, qui le suppléa au sein du secrétariat général, avec Marcel Boubou, instituteur du Loiret, comme secrétaire adjoint pour la correspondance en espéranto.

Le Syndicat général de l’enseignement (pour la place singulière de ce syndicat voir Victor Gourdon), annonça dans la presse locale du 24 mai 1923, que Sylvain Peyrache était décédé le 22 mai des « suites de ses blessures de guerre » (en fait de la tuberculose évolutive détectée à la commission de réforme de juin 1922) et qu’il avait été inhumé le 24 mai à L’Escale. Pour Louis Bouët : « La Fédération unitaire de l’enseignement perdait en lui un de ses militants les plus dévoués ». Le syndicat annonça deux ans plus tard dans la presse que son épouse, née Mathilde Marcaggi, institutrice à l’école de Quo-de-Botte (quartier d’Allauch, Bouches-du-Rhône), était décédée à son tour, la levée du corps ayant lieu le 28 septembre 1925. Ils avaient un fils, Riquet.

Peyrache fut un militant pacifiste et internationaliste. Ébranlé sans doute par son expérience de la guerre, il poursuivit ses idéaux, notamment le maintien et le resserrement des liens entre enseignants allemands et français, dans des temps devenus complexes (ceux qui suivirent la catastrophe de la Première guerre mondiale). À cet égard, il continua d’écrire jusqu’au bout : peu de temps avant sa mort, il rédigea pour la revue L’École émancipée (avec Marcel Boubou, F. Bernard, L. Boutreux, et l’anarchiste individualiste Eugénie Ravet) des traductions sur l’école dans le monde.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article125961, notice PEYRACHE Sylvain, Octave par Gérard Leidet, version mise en ligne le 3 mars 2022, dernière modification le 4 mars 2022.

Par Gérard Leidet

SOURCEs : Arch. Nat. F7/13744. — François Bernard, Louis Bouët, Maurice Dommanget, Gilbert Serret, Le syndicalisme dans l’enseignement. Histoire de la Fédération de l’enseignement des origines à l’unification de 1935, en particulier tome II, « Pendant la première guerre mondiale et ses lendemains » par Louis Bouët — Loïc Le Bars, La fédération unitaire de l’enseignement (1919-1935), aux origines du syndicalisme enseignant, Syllepse, 2005 — Arch. Dép. Bouches du Rhône, registre matricule. — Le Petit Marseillais, 24 mai 1923, 28 septembre 1925, Le Petit Provençal, 24 mai, 1923, 28 septembre 1925. — Notes d’Alain Dalançon.

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