LEJEUNE Lucienne, Eugénie [née MORARD]

Par Daniel Grason

Née le 20 juillet 1902 à Paris (Xe arr.), morte le 28 mars 1988 à Toulon (Var) ; souffleuse de verre ; militante du Comité mondial des femmes contre la guerre et le fascisme ; militante communiste ; déportée politique.

Fille de Lucien, François, vingt-six ans, mouleur en cuivre et d’Elisabeth Laloire, vingt-et-un ans, journalière. Elle épousa le 26 décembre 1925 Victor, Ignace Vésan en mairie du XXe arrondissement de Paris. Elle se maria en seconde noces avec Lucien, Jean Lejeune le 13 novembre 1937 en mairie de Montreuil-sous-Bois (Seine, Seine-Saint-Denis). En 1941 le couple vivait en hôtel au 3 rue Parmentier à Paris (Xe arr.).
Lors de l’information ouverte en juillet 1941 contre André Bréchet, il avait été découvert au cours de la perquisition d’un local loué sous le nom de Largillier au 12 avenue de l’Opéra (1er arr.) plusieurs lettres adressées à madame Lejeune 13 rue des Docteurs-Déjérine (XXe arr.). Les policiers eurent ainsi la preuve qu’elle partagea sa chambre avec une autre militante Simone Claudet connue par la police comme communiste. Le 1er juillet 1941 les policiers perquisitionnèrent son logement en son absence. Ils saisissaient un numéro de La Vie Ouvrière de mars 1941 ; plusieurs brochures, des exemplaires des Cahiers du bolchévisme du troisième trimestre 1940.
Le nom de Lejeune était mis en observation par le service des garnis. Elle fut identifiée et interpellée le 27 février 1942 à l’hôtel du 13 rue Parmentier à Paris (XIe arr.). Alors que les policiers perquisitionnaient se présenta une femme disant se nommer Barcant. Fouillée, elle portait trois cartes d’identité, toutes fausses. Elle se nommait en fait Céline Josselovitz, née Wilkowski, était agent de liaison entre le Parti communiste clandestin et le Comité mondial des femmes du XXe arrondissement.
Lucienne Lejeune et Céline Josselovitz furent emmenées dans les locaux des Brigades spéciales à la Préfecture de police pour y être interrogées. Dans le sac à main de Lucienne Lejeune étaient saisis deux carnets sur l’un était noté des rendez-vous : « samedi 10 janvier à midi Clarisse, dimanche 11 janvier Thérèse à 10 heures, lundi 12 janvier madame Lisa 34 rue Faidherbe, jeudi 15 janvier Suzanne 6 h 1/2, Place St Michel… »
Sommée de s’expliquer, elle répondit que le 12 janvier elle devait rencontrer une femme avec « pour but la vente de mes meubles. Quant aux autres rendez-vous, je ne puis vous donner aucune explication à leur sujet. » Des notes de frais figuraient « à quoi correspondaient ces dépenses de voyages et dans quels but ces derniers étaient entrepris » questionna un inspecteur. Lucienne Lejeune répondit « Ces frais correspondent à un voyage que j’ai entrepris pour me ravitailler », elle refusa d’indiquer le lieu.
Avaient été saisis, une carte de viande et charcuterie de février 1942 entamée, deux cartes de textile entamées à deux noms différents. Elle répondit « Je ne me souviens plus par qui m’a été remise cette feuille. » L’adresse de Marguerite Chagneau figurait sur un feuillet de papier, elle ne s’en souvenait pas. Des noms et prénoms avec numéros de téléphone étaient notés, elle donna des explications sur ceux qui concernaient des problèmes de travail ou de ravitaillement, pour les autres, elle ne se souvenait pas.
Elle affirma n’avoir jamais appartenu au Parti communiste et n’avoir jamais eu aucune activité en faveur de l’organisation clandestine. Elle prétendit ne pouvoir expliquer dans quelles conditions les lettres qui lui étaient destinées furent découvertes dans un local du parti en juillet 1941 et elle affirma être étrangère au dépôt fait dans sa chambre 13 rue des Docteurs-Déjérine de tracts communistes, de stencils et de papier blanc, ayant quitté ce domicile le 4 juin 1941 pour se rendre en zone libre.
Elle déclara enfin n’avoir eu aucune relation d’ordre politique avec les femmes Josselowitz et Chagneau. Les dénégations de Lucienne Lejeune parurent invraisemblables aux policiers. Les documents découverts sur elle où à ses différents domiciles et sur lesquels elle refusa de donner des explications plausibles aux policiers semblaient bien en effet se rapporter à son activité clandestine. L’arrivée inopinée de Céline Josselovitz avait renforcé la conviction des policiers sur son rôle actif dans l’organisation, ainsi que le fait d’avoir loué une chambre chez les époux Braun au 69 rue de l’Agriculture à Colombes (Seine, Hauts-de-Seine). Or, dans cette chambre avait été saisi un papier sur lequel était écrit : « Chagneau ; 8 rue Louis-Ganne Esc. 38 – 5e gauche. »
Entendue par un juge d’instruction le 23 mars 1942, elle affirma « Je n’ai jamais appartenu au parti communiste et depuis la dissolution de ce parti je n’ai exercé aucune activité en sa faveur. Je n’ai jamais été sollicitée par personne. » Elle ne comprenait pas pourquoi elle avait été interpellée. Le juge lui présenta alors des lettres écrites à son nom et à son adresse au 13, rue des Docteurs-Dégérine dans le XXe arrondissement. Les lettres avaient été saisies dans une chambre 12 avenue de l’Opéra (Ier arr.), lieu occupé notamment par André Bréchet.
La Section spéciale de la Cour d’Appel de Paris condamna le 27 juillet 1942 Lucienne Lejeune à huit ans de travaux forcés. Elle fut transférée à la Centrale de Rennes (Ile-et-Vilaine). Elle quitta la prison de Rennes pour le Fort de Romainville (Seine, Seine-Saint-Denis), le 13 mai 1944 elle était dans le convoi de 567 femmes qui partit de la gare de l’Est, les prisonnières arrivèrent le 18 mai à Ravensbrück (Allemagne). Elle fut affectée dans un Kommando de travail dépendant du camp de concentration de Neuengamme à Hanovre.
Á une date inconnue elle a été envoyée au camp de Bergen-Belsen. Le camp a été libéré par l’armée Britannique le 15 avril 1945, matricule 39177, Lucienne Lejeune était vivante ainsi que Cécile Josselovitz qui était dans le même groupe de résistantes. Une épidémie de typhus sévissait dans le camp, les déportées furent consignées dans les baraquements pour éviter la propagation de l’épidémie. Le 1er mai les femmes ont été les premières évacuées, le 20 mai 1945, l’armée anglaise détruisit entièrement le camp au lance-flammes.
Son mariage ayant été dissous le 31 décembre 1947 par le Tribunal civil de Lyon (Rhône). Elle épousa Karl Ragnar Svensson le 26 décembre 1953 à Paris en mairie du Ve arrondissement.
Lucienne Morard épouse Svensson mourut le 28 mars 1988 à Toulon (Var).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article199727, notice LEJEUNE Lucienne, Eugénie [née MORARD] par Daniel Grason, version mise en ligne le 2 février 2018, dernière modification le 2 février 2018.

Par Daniel Grason

SOURCES : AN Z/4/54. – Arch. PPo. GB 063, BA 2056. – Livre-Mémorial, FMD, Éd. Tirésias, 2004. – État civil numérisé de Paris Xe arrondissement V4E 9097 acte n° 3164.

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