Par Albert Ayache, Jacques Girault
Né le 30 novembre 1905 à Paris (VIe arr.), mort le 4 mars 1994 à Paris (XVe arr.) ; professeur d’Université, géographe ; militant anticolonialiste communiste.
Fils d’Emile, Félix, Joseph Dresch, professeur d’allemand au lycée Lakanal, futur recteur de l’académie de Toulouse, et de Juliette Reau, sans profession, Jean Dresch fit ses études secondaires au lycée de Bordeaux, puis en première supérieure au lycée Louis-le-Grand à Paris. Il fut élève de l’École normale supérieure (Ulm) de 1926 à 1930. Il commença ses études supérieures en philosophie puis s’orienta vers la géographie.
En 1928, licencié ès lettres, il se rendit pour la première fois au Maroc pour préparer un diplôme d’études supérieures de géographie sur les montagnes du Pré-Rif. Reçu à l’agrégation en 1930, il fut nommé professeur d’histoire et géographie au collège musulman (1931) puis au lycée Gouraud à Rabat (1931-1941). Il poursuivit ses travaux de recherches et soutint à la Sorbonne, en 1941, une thèse de géomorphologie sur le Haut-Atlas et une thèse secondaire en géographie humaine sur les modes d’occupation du sol chez les Chleuhs. Ces deux ouvrages comprenaient de nombreuses cartes et dessins à la plume, témoignant d’observations de terrain. Alpiniste passionné, intéressé par l’analyse des formes de relief en montagne, il rédigea le premier guide d’accès au Toubkal, point culminant du Haut-Atlas marocain en 1938. Il collabora au Bulletin économique et social du Maroc fondé par René Hoffhen et aux publications du Centre d’études juridiques de l’Institut des Hautes Études marocaines.
Jean Dresch se présenta en 1929 aux élections du conseil de discipline de la Sorbonne sur la liste de l’Union fédérale des étudiants. Professeur, il adhéra à la Fédération unitaire de l’Enseignement (CGTU).
Jean Dresch adhéra au Parti socialiste, seul parti autorisé au Maroc et y entraîna Lucien Paye et Régis Blachère. Il milita dans les divers mouvements progressistes du Maroc ou de Rabat et entra en contact avec des communisants en 1935 et, en octobre 1936, il adhéra au Parti communiste du Maroc qui venait de se constituer (voir Charles Dupuy). Membre du bureau de la section de Rabat, avec Maurice Rué*, il contribua au rassemblement des communistes du Maroc, divisés depuis l’échec de la conférence régionale du 4 avril 1937. Il participa également à la création du journal communiste L’Espoir de Rabat, dont il partagea avec Rué la responsabilité. Chargé de la rubrique « Le Maroc et nous », il y traita des questions économiques, sociales et politiques qu’il connaissait bien et des effets de la colonisation sur la conduite des Marocains. Sa personnalité et la qualité de son enseignement influencèrent fortement l’intelligentsia marocaine, les nationalistes de l’Istiqlal qu’il connaissait. Il soutint notamment Mehdi Ben Barka qui fut son élève puis son ami, dont il perçut les aspirations et appuya les revendications. Ainsi une des orientations fondamentales de sa vie, la lutte contre le colonialisme, se trouvait engagée.
Jean Dresch se maria le 8 août 1930 à Paris (VIe arr.) avec Andrée, Lydie Berger. Le couple eut six enfants.
Mobilisé en août 1939 comme officier dans le 4e régiment de tirailleurs marocains, chef de la section topographique, Jean Dresch participa à l’expédition en Norvège. Il revint au Maroc, décoré de la croix de guerre, en août 1940. Il fut privé de son poste en décembre et le général Noguès lui fit savoir que sa présence était indésirable. Il fut donc renvoyé en France (1er janvier 1941). Nommé à Valence (Drôme), à Nice en mars 1941, puis au lycée Voltaire de Paris en octobre 1941, il effectua, à partir d’octobre 1941, des cours complémentaires à la Sorbonne. Il organisait en 1942, avec le club alpin français, un camp de scolaires dans le Jura. En contact avec le Front national et le Parti communiste, membre du comité de résistance du lycée, il fut chargé en janvier 1944 de l’encadrement des officiers de réserve pour les FTPF du Nord de la Seine-et-Oise. Il prit part à d’autres actions de la Résistance en Ile-de-France et, en août 1944, à la libération de Paris, en tant que membre du troisième bureau de l’état-major d’Henri Rol-Tanguy, du 27 août à décembre. Jusqu’en mars 1945, il participa à la formation des officiers FFI aux écoles de Bagnolet et de Sceaux.
De mars à mai 1945, Jean Dresch fit partie, avec l’ethnologue Michel Leiris, de la mission du ministère des Colonies chargée d’enquêter sur le travail forcé dans les colonies africaines. L’enquête en Côte d’Ivoire et en Gold Coast aboutit à un rapport qui fut à l’origine de la loi sur l’abolition du travail forcé dans les colonies proposée à Houphouet-Boigny à l’Assemblée nationale en 1946.
La carrière universitaire de Dresch commença par un poste de chargé de cours (1943) puis de maître de conférences à la faculté des lettres de Caen (1945). Professeur à la faculté des lettres de Strasbourg (1946-1948), il fut nommé professeur à la faculté des lettres de Paris sur la chaire de géographie d’Afrique du Nord (1948-1956) puis de géographie générale (1956-1969) puis à l’Université de Paris VII, de 1970 à sa retraite en 1977. Il enseigna également à l’École nationale de la France d’Outre-Mer (1947-1948), à l’École nationale d’administration (1946-1951), à l’École nationale des langues orientales vivantes (1944-1968), aux Écoles normales supérieures de Sèvres (1947-1960) et d’Ulm (1950-1969), à l’Institut d’études politiques (1946-1972). Son activité rayonna ainsi sur la jeunesse étudiante et de nombreux chercheurs, français et aussi étrangers, le plus souvent originaires du tiers-monde.
En même temps, Jean Dresch exerça des responsabilités administratives et pédagogiques : jurys d’agrégation (1947-1949, 1953-1954, 1956-1959), directions de l’Institut de géographie de l’Université de Paris (1960-1970), du Centre de documentation cartographique et géographique du CNRS (1960-1976), présidences de la commission de géographie du CNRS, du comité national de géographie (1966-1973), vice-présidence puis présidence de l’Union géographique internationale (1968-1980) , représentant de la France dans le comité consultatif pour les régions arides de l’UNESCO. Membre de divers comités de rédaction de revues, il fut docteur Honoris causa de l’Université de Wroclaw et membre étranger de l’Académie des Sciences d’URSS.
Dans les années 1940-1950, Jean Dresch effectua de nombreuses missions en Afrique équatoriale française et au Congo belge. Il publia des articles ouvrant de nouvelles voies de recherches (les villes, les modes de production et d’exploitation des sols, les formes particulières du capitalisme colonial, les migrations du travail, la géographie des investissements). En outre il poursuivit ses travaux sur le Maroc et sur les rivages africains et asiatiques de la Méditerranée. Plus tard, il consacra ses études aux aspects physiques et humains des régions arides, des montagnes dans les déserts qu’il synthétisa dans son dernier ouvrage, en 1982, Géographie des pays arides (PUF, Le géographe).
Actif syndicaliste et militant anticolonialiste, Dresch, militant du Parti communiste français pendant toute sa vie, fidèle et contestataire à la fois, combattit contre la guerre d’Indochine, pour les indépendances tunisienne et marocaine et participa à de nombreuses actions pour la paix et l’indépendance de l’Algérie. Il fut un des présidents de l’Association française d’amitié et de solidarité avec les peuples d’Afrique.
Dresch fit de nombreux séjours en URSS et dans les démocraties populaires. En 1952, il participa à la fondation de l’Association des Amitiés franco-chinoises dont il fut président pendant douze ans. Il visita la Chine à trois reprises.
Le 31 janvier 1980, fut créé à Paris, sous la présidence d’Arthur London*, un Comité pour la défense des libertés en Tchécoslovaquie, Jean Dresch y adhéra. En juin 1989, il appela à voter communiste aux élections européennes.
Dresch fit don de sa bibliothèque géographique à l’Université Paris-VIII et plus précisément au Centre de recherches et d’analyses géopolitiques devenu l’Institut français de géopolitique.
Par Albert Ayache, Jacques Girault
ŒUVRE : Nombreux ouvrages de géographie, dont en collaboration avec Pierre Birot, La Méditerranée et le Moyen-Orient, Paris, PUF, 1953, 19. — Textes de J. Dresch rassemblés par la revue Hérodote dans « Un géographe au déclin des empires », Maspero, 1979, 262 p.
SOURCES : Arch. Nat., AJ/16/ 8956, 72 AJ 57, témoignage de J. Dresch sur le Front national pour le Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale. - Albert Ayache, Histoire du mouvement syndical au Maroc, tome 1 : 1919-1942. — Albert Ayache, in Mélanges Dresch, Maspero. — Who’s who, 1979-1980. — Le Monde, 15 février 1980. — — l ’Humanité, 22 mai 1989. — Notes de Jean Dresch et d’Yves Lacoste. — Interview de J. Dresch dans Les Cahiers du CNRS, n° 2, 1989, p. 55-69.– Renseignements fournis par la famille à J. Girault. — Ces archives ont été versées à la BU de l’Université de Paris VIII, Saint-Denis.