ROBINET Jean, François, Eugène

Par Jean Maitron

Né le 24 avril 1825 à Vic-sur-Seille (Meurthe) ; mort à Paris le 3 novembre 1899. Jean Robinet était « médecin et homme de lettres », élu à la Commune de Paris où il siégea quelques jours.

Médecin accoucheur, il était très populaire dans son quartier, — le VIe arr. — il y donnait des consultations gratuites trois fois par semaine. Il figura parmi les exécuteurs testamentaires d’Auguste Comte et lutta contre l’Empire finissant : il souscrivit à l’érection du monument Baudin, soutint la candidature de Jules Ferry, fut arrêté le 7 juin 1869 pour outrages à agents. Il écrivit au Réveil, le 5 janvier 1870, un article d’inspiration positiviste intitulé : « Du régime industriel », où il exposait que l’existence d’un marché mondial est un fait, pour le thé par exemple aussi bien que pour l’algèbre, que la solidarité entre tous est inéluctable et que « l’action de la science sur l’art doit toujours prendre pour base et pour point de départ [...] l’ordre naturel » ; dans la même page, il disait que pour être efficace le pouvoir doit être concentré en un petit nombre de mains, et il terminait par la formule des partisans de la Commune : « Salut et fraternité ».

Durant le Siège, il fut maire du VIe arr. et membre de la Commission d’armement ; il s’intéressait aux modestes questions pratiques, étudiait par exemple avec Henri Martin le moyen de faire cesser les files d’attente en distribuant des cartes (Le Combat, 10 décembre 1870). Il compta également parmi les fondateurs de l’association « Les Défenseurs de la République ».

Le 26 mars 1871, il fut élu à la Commune pour le VIe arr. par 3 904 voix sur 9 499 votants et 24 807 inscrits. Le premier élu, Albert Leroy, avait obtenu 9 499 voix ; le second, Edmond Goupil, 5 111 voix ; le quatrième, Charles Beslay, 3 714 voix ; le cinquième, Eugène Varlin (élu dans les XVII et XIIe arr.) 3 602 voix. Il prit place le 29 à la commission de l’Enseignement, mais il démissionna dès le 30 et le Journal officiel de la Commune du 2 avril publiait le discours dans lequel il s’en expliquait, mettant en cause sa mauvaise santé ; il donna semblable argument dans une lettre au Mot d’Ordre du 10 avril. Il proposa d’abattre la colonne Vendôme, s’efforça aussi d’arrêter l’effusion de sang ; il était membre de la Ligue d’Union républicaine des Droits de Paris et, en mai, soigna de nombreux blessés. Son dossier à la Préfecture de police note même qu’il aida des suspects à se cacher ou à s’enfuir.
Il avait quant à lui échappé au procès et se présenta aux élections municipales du 2 juillet 1871, mais fut battu malgré ses 43 028 voix. Dès le 14 novembre 1871, il prenait courageusement la défense des insurgés dans un article du Radical : « En fait, l’esprit de parti [...] ne parviendra pas, aux yeux de l’opinion contemporaine et de la postérité, à représenter comme délit ordinaire, ou comme attentat de droit commun, la dernière guerre de Paris, conséquence forcée de la capitulation et dont le but général était d’assurer, par les franchises civiques de la capitale, le maintien de la République et l’amélioration des conditions sociales du prolétariat ».

Son fils Gabriel, docteur en médecine, licencié ès sciences, pharmacien, secrétaire de Jules Ferry en mars 1871, avait quitté l’Hôtel de Ville pour ne pas épouser la cause de la Commune ; mais la femme du docteur Robinet fut soupçonnée en 1873 d’entretenir une correspondance avec des exilés de Genève et le programme du docteur Robinet aux élections de 1875 comportait : la République, la levée de l’état de siège, l’installation du gouvernement à Paris, un enseignement primaire laïque, gratuit et obligatoire, la publicité des séances du Conseil municipal, l’incompatibilité des charges de député et de conseiller municipal, l’établissement de rapports fréquents entre les électeurs et leurs mandataires. Il retira sa candidature devant celle de Denfert-Rochereau, mais, en avril 1876, il organisait une réunion pour lancer une pétition en faveur de l’amnistie au nom de la justice, de la clémence et de l’intérêt général. En 1877, il était encore proposé comme candidat pour faire échec à Gambetta ; en 1879 et 1880, il accueillait des amnistiés. Il siégeait alors au conseil d’administration du « Cercle d’études sociales des prolétaires positivistes ». Il perdit sa femme l’année suivante, son fils en juillet 1887 ; il refusa de succéder à celui-ci qui avait été par deux fois conseiller municipal (1881 et 1884) et vice-président du Conseil municipal. En janvier 1890, le docteur Robinet était attaché au service de la Bibliothèque et des Collections historiques de la Ville de Paris ; à sa mort, il est dit « conservateur-adjoint ».

Sans doute fut-il disciple d’Auguste Comte et républicain plutôt que militant ouvrier, bien qu’on le trouvât en 1880 affilié « au Cercle parisien des cuisiniers socialistes collectivistes » ; néanmoins, ses paroles et ses actes disaient, avec courage souvent, sa sympathie pour les victimes de 1871.

Il était marié, père de deux filles et d’un fils, Gabriel, né en 1849, conseiller municipal de Paris ; son petit-fils, le docteur André Robinet fut maire honoraire du VIe arr. ; son arrière-petit-fils, Louis-Gabriel Robinet, fut directeur du Figaro.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article69907, notice ROBINET Jean, François, Eugène par Jean Maitron, version mise en ligne le 26 juillet 2009, dernière modification le 8 février 2020.

Par Jean Maitron

ŒUVRE : Elle comporte en particulier des études sur la Révolution française, sur Danton, sur A. Comte et le positivisme : Discours prononcé aux funérailles d’A. Comte, Paris, imp. E. Thunot, 1857. — Danton, mémoire sur sa vie privée, Paris. Chauverot et Lauwereyns, 1865. — Condorcet, sa vie, son œuvre, Paris, Librairies-imprimeries réunies, s.d. — Danton, émigré, Paris, H. le Soudier, 1887 ; — Centenaire de 1789, Danton homme d’État, Paris, Charmay frères, 1889. A. Comte et M. Aulard, à propos de la Révolution, appréciation philosophique de l’Assemblée constituante et de la Convention, Paris E. Leroux, 1893, — Dictionnaire historique et biographique de la Révolution et de l’Empire, Paris, Librairie historique de la Révolution et de l’Empire, 1898. — En outre, beaucoup d’affiches du Siège émanant du VIe arr. sont signées de Robinet, « maire provisoire » (notamment, des affiches ayant trait aux boucheries).

SOURCES : Arch. PPo., B a/1244. — PV Commune, op. cit., 30 mars (1e séance, note). — J.O. Commune, 31 mars. — Murailles 1871, op. cit., p. 104.

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