BERTAS Pierre [ANTOINE Martin, Honoré, dit]

Par Justinien Raymond

Né le 5 mai 1864 à Marseille (Bouches-du-Rhône), mort le 27 avril 1950 à Marseille ; instituteur, puis homme de lettres ; militant socialiste et élu de Marseille.

Bertas, son surnom, signifie en provençal, buisson d’épines et traduisait bien le caractère de l’homme. Il était le fils de petits commerçants en quincaillerie, Pierre Antoine, et Marie Sophie Guichard. Il commença de solides études classiques qu’il ne put poursuivre en raison des ressources médiocres de sa famille. Il devint instituteur en 1882, dans cette première promotion d’instituteurs laïques nommés après le vote des lois scolaires de Jules Ferry. Il débuta à Arles où il se lia d’amitié avec Mistral, Aubanel, Félix Gras, Valère Bernard et autres poètes provençaux. Il publia lui-même ses premiers ouvrages en 1885 et 1887. Il enseigna également à La Ciotat et dans plusieurs quartiers de la ville et de la banlieue de Marseille : rue de Lodi, les Crottes, Saint-Louis.

C’est pour avoir protesté contre les lois scélérates qu’il fut déplacé et nommé à ce dernier poste. Alors, il donna sa démission avec fracas et se consacra totalement au journalisme et à l’action politique. Depuis l’âge de seize ans, il se mêlait à la vie des clubs avancés de la Belle-de-Mai. En 1887, il présidait les groupes des « Enfants de Marat » et des « Fils de 93 ». En 1885, puis en 1893, il soutint la candidature de son ami Antide Boyer ; il poursuivit en réunions publiques son adversaire Eugène Rostand, le père du poète. En 1894, il entra au Petit Provençal. L’appui de ce journal et celui de son ami Henri Goyet le firent porter sur les listes de candidats au conseil municipal de Marseille qui, menées par Siméon Flaissières, furent élues en 1895 et 1896. Il devint adjoint, délégué aux Beaux-Arts : « instituteur rebelle à l’autorité, dit une note préfectorale, il ne peut être nommé à l’Instruction publique ». Il fut la cible du Petit Marseillais et répondit si vivement à son directeur Samat, en plein conseil municipal, qu’il fut poursuivi en diffamation et, malgré une défense d’Alexandre Millerand, condamné à 25 F d’amende (29 janvier 1898). Le 31 janvier, il eut un duel avec un rédacteur du Petit Marseillais.

Ce procès et ce duel attirèrent l’attention sur son nom. Aussi, lors des élections législatives de 1898, il posa sa candidature dans la 2e circonscription de Marseille (Belle-de-Mai), contre le député sortant Auguste Bourge, radical passé au nationalisme. Il eut comme concurrent François Tassy, républicain-socialiste, et Bernard Cadenat, candidat du Parti ouvrier français (POF). Ce dernier et Bertas avaient seuls adhéré au programme de Saint-Mandé. Un comité de conciliation présidé par Henri Goyet assura entre eux une promesse de désistement. En face du guesdiste Cadenat, Bertas représentait le socialisme fédéraliste. Il défendait l’idée de Marseille port franc et de Marseille département, bénéficiant de franchises communales et commerciales, et la reliait à celle d’une République fédérale des communes française. L’influence proudhonienne est évidente : dans sa brochure la Nacionnalita Prouvençalo e lou Felibrugi (1892), Bertas avait salué en Pierre-Joseph Proudhon « le plus grand économiste du siècle ». Il recueillit 1 614 voix (7.4 %) et se désista pour Cadenat qui en avait obtenu 5 683 (26 %) et fut élu au second tour.

Le 6 février 1899, Bertas fut blessé au poignet au cours d’un second duel contre l’antisémite Girard, lieutenant de Max Régis, après une manifestation dreyfusarde.

En décembre, au 1er congrès général des organisations socialistes à Paris, salle Japy, il représenta trois groupes marseillais adhérents de la Fédération socialiste révolutionnaire, La Cité socialiste autonomiste, La Commune, La Montagne, ainsi que Le Réveil social de Mazargues affilié à la fédération départementale. Il fut encore délégué l’année suivante au congrès socialiste de la salle Wagram.

En 1900, il fut réélu par 32 000 voix conseiller municipal de Marseille et demeura à son poste d’adjoint. En 1902, il échoua aux élections cantonales dans le 5e canton de Marseille devant le socialiste indépendant Schürrer avec 1 451 voix contre 2 321 et se retira au second tour. Puis, avec la liste Flaissières, il échoua la même année aux élections municipales.

Ces deux défaites marquèrent la fin de sa carrière politique. S’il fut un moment représentant en produits chimiques, il se consacra essentiellement aux lettres provençales, à l’histoire, au journalisme. Il devint un érudit local très apprécié.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article77621, notice BERTAS Pierre [ANTOINE Martin, Honoré, dit] par Justinien Raymond, version mise en ligne le 30 mars 2010, dernière modification le 26 novembre 2022.

Par Justinien Raymond

ŒUVRE et BIBLIOGRAPHIE : Outre de nombreux écrits en langue provençale et une collaboration à plusieurs publications en cette langue, Pierre Bertas a collaboré à la République provençale dont il fut rédacteur en chef (1902), à la Marseillaise, au Cri de Marseille, à la Journée (1902-1903), au Rappel Marseillais (1904), au Petit Var (1906-1912), au Petit Provençal (jusqu’en 1908), à la Dépêche de Toulouse (1914-1919) à Massalia et au Radical (1919).
Aux Archives municipales de Marseille, un fonds Bertas rassemble 300 dossiers dont 280 manuscrits, soit environ 50 000 fiches, divers journaux, et des lettres de Mistral, Rodin, Maurras, Millerand, Paul Margueritte, etc.

SOURCES : Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, M2 III, 52 et 53 B (élections de 1898 et de 1902), M5/201 (note préfectorale n° 1 405 du 23 mai 1895). — Arch. Mun. Marseille : fonds Bertas, 20 II, 1 à 301. — Les Dictionnaires départementaux, Les Bouches-du-Rhône 1902 (p 33-34). — Bulletin municipal officiel de la ville de Marseille (26 mai 1895 et 22 octobre 1899). — J. Isoard, « Pierre Bertas, le Fédéraliste », in l’Agriculteur provençal, 4 février 1962. — Jorgi Reboul, article en provençal : « Un centenari. Pierre Bertas ». in La Sartan (mai-juin 1964). — Antoine Olivesi : « La candidature de Pierre Bertas aux élections législatives de 1898 » in Les Conférences de l’Institut historique de Provence, 42e année, n° 4, septembre-octobre 1964. — Renseignements fournis par M. et Mme Monly, neveux de Bertas, par MM. Jorgi Reboul, Lucien Gaillard et A. Olivesi.

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