FAILLY (de) Irène, Gisèle, Isabelle, Solange, dite FÉRY

Par Nicolas Palluau

Née le 20 juillet 1905 à Paris (XVIe arr.), morte le 4 mars 1989 à Paris (XVIe.) ; institutrice ; réformatrice sociale par l’éducation nouvelle, spécialiste de la formation des cadres.

Figure charismatique des CEMEA, Gisèle de Failly entretint une relation complexe avec l’aristocratie catholique dont elle était issue. Fille du comte de Failly, elle rompit avec son milieu, adopta le nom de sa mère (Féry) tout en n’hésitant pas à utiliser sa particule dans les couloirs ministériels. Chez elle, éducation du peuple et vieille noblesse ne pouvaient se rencontrer. Lorsqu’elle s’intéressa à l’éducation nouvelle, cette jeune catholique demeura fidèle à son milieu aristocratique. La préoccupation de Gisèle de Failly restait de répondre à la question sociale. Elle chercha les conditions psychologiques permettant de mettre à distance la reproduction sociale au sein du prolétariat. Sa jeunesse studieuse rencontra l’éducation nouvelle par l’étude de maîtres (Claparède, Ferrière, Montessori, Wallon), la fréquentation de cénacles élitistes (GFEN) et la visite de quelques établissements phares (école Decroly à Bruxelles, Odenwaldschule en Hesse). En 1934, elle passa une licence de psychologie appliquée.

Titulaire du baccalauréat en 1927, étudiante à la faculté des sciences de Paris, elle obtint des certificats d’études supérieures (mathématiques générales en 1928, physique générale en 1929, chimie générale en 1930). En 1934, elle passa un diplôme d’études de psychologie appliquée à l’Institut de psychologie de Paris. Elle enseigna comme institutrice suppléante à l’école de filles de Courbevoie (octobre 1937-1938), au cours complémentaire de filles de Colombes (octobre 1938-1939), titulaire aux CC de Meung-sur-Loire (Loiret, octobre 1939-janvier 1940), de la place Lucien Herr à Paris (janvier 1940-juin 1940), de la rue Rouelle (Paris, XVe, 1941-1942) puis de la rue La Fontaine (Paris, XVIe) jusqu’à la Libération. Elle fut intégrée dans le corps des adjoints d’enseignement en 1963, puis titularisée comme surveillante générale en 1966, affectée pour ordre au lycée Joseph Fabre à Rodez (Aveyron) jusqu’à sa retraite en 1970

Gisèle de Failly rompit avec son milieu lorsqu’elle mobilisa ses connaissances au service d’une politique socialiste, d’Henri Sellier, maire de Suresnes. Elle fut chargée de coordonner les « éléments du service social », mission transversale entre la politique urbaine des cités-jardins et les familles bénéficiaires. Puis, en janvier 1936, Gisèle de Failly fut embauchée par l’Hygiène par l’exemple (HPE). Depuis 1920, cette association d’hygiénistes pasteuriens et d’enseignants équipait les écoles primaires en matériel sanitaire. Présidée par le sénateur Honnorat, fondateur de la Cité universitaire internationale de Paris, l’HPE fut installée dans la résolution de la question sociale par la diffusion de l’hygiénisme dans l’enseignement populaire. La secrétaire générale de l’HPE, Germaine Mascart, missionna Gisèle de Failly pour organiser en juillet 1936 la Maison de campagne des écoliers. Elle accueillit des petits parisiens dans un bâtiment scolaire équipé par l’HPE à Saint-Maurice-sur-Moselle (Vosges). Le nom donné à l’expérience traduisait la distance avec la forme sanitaire des colonies de vacances alors dominante. La compétence médiocre des personnels d’encadrement – significativement appelés des « surveillants » – invita Gisèle de Failly à réfléchir à leur formation.

En décembre 1936, Gisèle de Failly rencontra André Lefèvre*. Celui-ci alliait déjà pédagogie et réforme sociale à la « Maison pour tous », l’ancêtre des MJC rue Mouffetard. Délégué général des Éclaireurs de France, André Lefèvre* fut aussi un des formateurs de leur camp école de Cappy (Oise) où passaient depuis 1923 les chefs en formation. Tous deux s’accordaient sur un modèle de colonie de vacances éducative, mixte et à taille humaine. La formation de ses cadres ne demeurait pas théorique mais embrassait tous les domaines pratiques. Avec l’HPE, les Éclaireurs de France et la Fédération des Éclaireuses initiaient une formation nommée « Centre d’entraînement pour la formation du personnel des colonies de vacances et des maisons de campagnes des écoliers ». Le directeur de l’enseignement primaire Théodore Rosset appuya le projet et la Ligue de (Cécile Brunschvicg, Suzanne Lacore). 1937 vit l’organisation de deux centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active à Beaurecueil (Bouches-du-Rhône) et à Breteuil-sur-Iton (Eure) auxquels Gisèle de Failly – alias Griffon – participa comme formatrice. Dans Marianne et Vendredi, la journaliste Juliette Pary installa les « stagiaires » et le « stage » parmi le vocabulaire social. Gisèle de Failly fut de tous les centres d’entraînement (4 en 1938, 11 en 1939). Pendant la guerre, elle dirigea leur développement en zone Nord (6 en 1941, 18 en 1942, 9 en 1943) et y accueillit les premiers enseignants détachés.

À la Libération, les CEMEA se reconstituèrent autour de leur délégué général Henri Laborde. Mise à la disposition des CEMEA (octobre 1944), titulaire du diplôme de directrice de colonies de vacances (21 avril1947), responsable des publications, directrice de la revue Instructeurs, Gisèle de Failly lança en 1946 les éditions du Scarabée et la revue Vers l’éducation nouvelle pour laquelle elle rédigea près de 120 articles. Avec Laborde, elle fonda aussi l’expérience pédagogique de l’école nouvelle de Boulogne (1947-1952). Pour le congrès de 1957, Gisèle de Failly rédigea « les principes qui guident notre action ». Elle y réaffirma les fondements de la formation d’éducateurs pour les colonies de vacances : stages laïques, mixtes, courts, sans enfant, en internat, immergeant les adultes dans l’enfance en donnant des connaissances théoriques et en laissant place à la pratique et au jeu. Elle accompagna l’essor des CEMEA de la prudence enseignée par son milieu d’origine, spécialement à travers le principe de cooptation des instructeurs. Elle était aussi le secrétaire de Vacances et loisirs de la jeunesse dont le siège était commun avec celui des CEMEA, 6 rue Anatole de la Forge (Paris, XVIIe arr.). À la mort d’Henri Laborde en 1967, Gisèle de Failly lui succéda comme déléguée générale puis céda son poste en 1969 à Denis Bordat.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article49718, notice FAILLY (de) Irène, Gisèle, Isabelle, Solange, dite FÉRY par Nicolas Palluau, version mise en ligne le 3 avril 2009, dernière modification le 27 août 2022.

Par Nicolas Palluau

ŒUVRE : Principes qui guident notre action. Vers l’éducation nouvelle, 1957. — « S’il avait été difficile de naître, il serait plus difficile encore de grandir », in Denis Bordat, Les Cemea, qu’est-ce que c’est ? Paris, Maspero, 1976, p. 19-49.

SOURCES : Arch. Nat., F/17/30074/B. — APPO, B 13, 43458 (dossier Bonissel). —Olivier Douard, notice « Gisèle de Failly » in Geneviève Poujol, Madeleine Romer, Dictionnaire biographique des militants. De l’éducation populaire à l’action culturelle, Paris, L’Harmattan, 1996, p. 138-139. — Francis Lebon, Une politique de l’enfance. Du patronage au centre de loisirs, Paris, L’Harmattan, 2005. — Jean Houssaye (dir.), Colos et centres de loisirs : recherches, Vigneux, Matrice, 2007. — Thèse en cours, université Paris I. — Notes de Jacques Girault.

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