Par René Lemarquis
Né le 27 juillet 1886 aux Riceys (Aube), fusillé le 7 mars 1942 à Ville-sous-la-Ferté (Aube), prison de Clairvaux ; scieur de bois, puis vendeur de journaux ; dirigeant du Parti communiste de l’Aube ; résistant.
Le père de Maurice Romagon, Pierre, dirigeait une scierie qui employait une dizaine d’ouvriers, mais il mourut alors que lui-même n’avait que treize ans. Sa mère Julie Déon était vigneronne.
Scieur de bois, Maurice Romagon fut Compagnon du Tour de France. Il adhéra, avant l’unité socialiste, au Parti ouvrier français organisé dans l’Aube par Étienne Pédron, et participa aux manifestations de vignerons de 1910. Mobilisé pendant la Première Guerre mondiale, il s’installa avec sa femme, Edwige Romagon, née Jourdhauille (mariage le 3 septembre 1911 à Les Riceys), et ses enfants à Saint-Julien-les-Villas, où il travailla comme contremaître aux Scieries Huot. Au lendemain du congrès de Tours, il rejoignit le Parti communiste, mais son militantisme lui fit perdre son emploi. Il travailla comme ouvrier formeur en bas de soie, puis comme porteur de journaux.
Délégué au congrès fédéral du Parti communiste de l’Aube le 16 septembre 1923, Maurice Romagon fut élu membre de la commission de vérification des mandats. En juin 1924, il entra au comité directeur de la section troyenne du parti, et fut candidat en mai 1925 et mai 1929 aux élections municipales à Saint-Julien-les-Villas. Il se spécialisa dans les questions coopératives et fut rapporteur sur ce problème au congrès régional du Parti communiste en juin 1926. Il fut candidat au conseil de surveillance de la coopérative de consommation La Laborieuse en septembre 1926, septembre 1927 et mars 1928 en tant que coopérateur révolutionnaire, et en janvier 1931 il fut présenté comme candidat communiste à une élection municipale complémentaire à Saint-Julien-les-Villas.
Maurice Romagon prit nettement parti contre Henri Plard lors de la crise de 1932, avec une lettre signée « Maurice R., vieux militant de Saint-Julien », parue dans La Dépêche de l’Aube le 20 avril. Il protesta contre l’action scissionniste des amis du député de l’Aube dans la société La Lyre prolétarienne, dont il était un des membres fondateurs. En octobre 1937, il fut candidat du Parti communiste au conseil d’arrondissement dans le 3e canton de Troyes, où il fut élu au second tour avec 2 937 voix (1 246 au premier).
En 1939, Maurice Romagon remplaça Jean Flavien au secrétariat fédéral du Parti communiste. Le 1er mai 1940, Le Petit Troyen annonça sa condamnation à six mois de prison et mille francs d’amende pour « propagation de mots d’ordre de la IIIe Internationale et détention de tracts ». Il s’évada en juin 1940 de la prison de Dijon (Côte-d’Or). En juillet de la même année, il reçut, avec sa fille Cécile Romagon, la visite de Jean Baillet, qui avait été chargé par Jacques Duclos de la reprise des relations avec l’Aube. Les directives qui lui furent données étaient triples : ramassage d’armes abandonnées (Maurice Romagon, artilleur en 1914-1918, y ajouta obus et poudre d’obus), aide à l’évasion des prisonniers de guerre dont plusieurs camps étaient situés dans le département, rédaction et distribution de tracts et journaux. Il participa à la réunion clandestine du 5 septembre 1940 avec Pierre Romagon, son fils, Eugène Killian et Charles Alfred. Trois distributions générales de tracts du Parti communiste clandestin eurent ainsi lieu dans la région troyenne, à la suite desquelles Maurice Romagon, qui avait refusé de devenir clandestin comme le lui avait proposé la direction nationale, fut arrêté chez lui le 13 octobre 1940 et écroué. Les Allemands le fusillèrent à Clairvaux le 7 mars 1942 avec d’autres camarades, dont René Le Gall, conseiller municipal de Paris. Pierre Kaldor, du Secours populaire, emprisonné avec lui, a relaté ses derniers moments. Les cinq otages montèrent dans un camion qui contenait leur cercueil, le véhicule se dirigea vers un petit bois près du cimetière de la centrale puis sans poteau ni mur d’exécution ils ont été fusillés dans le dos.
Les cinq victimes sont : Paul Chabassière, René Le Gall, Félicien Parize, Maurice Romagon et Bernard Roy.
Son nom est inscrit sur le Monument commémoratif des fusillés de la prison de Clairvaux à Ville-sous-la-Ferté.
Les fils de Maurice Romagon, Pierre Romagon (né le 24 mars 1914 à Les Riceys) et Raymond Romagon, (né le 11 mai 1921 à Saint-Julien-les-Villas) furent déportés dans le convoi parti de Compiègne le 24 janvier 1943 vers Sachsenhausen. Raymond dit Tronchet mourut le 2 mars 1945 à Ellrich.
Par René Lemarquis
SOURCES : AVCC, Caen . — Albert Ouzoulias, Les Bataillons de la jeunesse. Les Jeunes dans la Résistance, Paris, Éd. Sociales, 1969. – Albert Ouzoulias, Les Fils de la nuit, Paris, Grasset, 1975. – La Dépêche de l’Aube, 1923-1937. – Le Petit Troyen, 1940-1941. – L’Aube libre, 1944. – La Dépêche de l’Aube, 5 mai 1945, octobre 1945.— FMD. — État civil.— Notes Annie Pennetier.