PARROT Louis, Augustin [Pseudonyme dans la Résistance : Margeride. Pseudonyme journalistique : Augustin Fontaine]

Par Erwan Caulet

Né le 28 août 1906 à Saint-Symphorien (alors banlieue de Tours, Indre-et-Loire), mort le 24 octobre 1948 à Paris (XIXe arr.) ; écrivain, traducteur, journaliste et critique littéraire (Ce Soir, Les Lettres françaises) ; résistant.

Fils aîné d’un entrepreneur en maçonnerie et d’une mère au foyer, Louis Parrot perdit sa mère à sept ans. Son père se remaria et s’installa, requis civil, à Saint-Étienne le temps de la guerre. Bon élève, Parrot obtint un certificat d’études (mention très bien) en 1918. Mais les moyens financiers de sa famille ne lui permettaient pas la poursuite de ses études, peu encouragée de plus par le proviseur du lycée de Tours où sa famille résidait de retour après l’armistice. Il commença alors à travailler, à treize ans à peine : aide comptable à la Banque populaire de Tours puis dans une maison d’alimentation en gros. Il continua néanmoins de lire et d’écrire le soir, en autodidacte assidu.

Après une pièce jouée au théâtre de Tours, paraissent ses premiers recueils poétiques, de facture symboliste : Ode à Minerve meurtrière (1923), La Cornemuse de l’Orage (1927). Il entra en contact avec les milieux littéraires de Tours et divers poètes, relations qu’il étoffa lorsqu’il trouva à s’employer à Paris bien que la maladie l’obligeât à revenir rapidement à Tours. Il correspondit cependant avec René Char* et Pierre Reverdy.

En 1930 il était à Poitiers où il s’occupait du secteur de la littérature générale de la librairie de l’université et se lia notamment avec Jean-Richard Bloch. Il fit aussi la connaissance, en 1932, de sa future épouse, Denise (dite Denyse) Faure (née le 9 avril 1912 à Chalonnes-sur-Loire, Maine-et-Loire), étudiante en espagnol et future institutrice.

En 1934 parut à compte d’auteur Misery Farm, poèmes chargés de souvenirs personnels sur un pauvre faubourg. Envoyé à Paul Éluard, celui-ci est conquis. C’est le prélude d’une amitié (Parrot signa le premier volume de la collection « Poètes d’aujourd’hui » des Éditions Seghers consacré à Éluard en 1944 et ce dernier envisagera de faire de Parrot son exécuteur testamentaire) qui se nouera en fait début 1936 : lors d’un voyage en Espagne, Éluard y retrouva Louis Parrot devenu bibliothécaire à l’Institut français de Madrid en juin 1934, après avoir rejoint Denyse Faure en avril de la même année. En octobre 1934, Parrot était lecteur de français puis en 1935 de droit à la Faculté de Madrid. Il épousa Denyse le 16 mars 1935 ; ils eurent un fils : Jean-François.

Devenu bon hispanisant, passionné par le pays, Louis Parrot multiplia les contacts avec les intellectuels madrilènes : Rafael Alberti, Federico Garcia Lorca, Pablo Neruda… José Bergamin le fit collaborer à sa revue Cruz y Raya ; il publia dans l’Heraldo de Madrid et traduisit son premier texte : La Révolte des masses d’Ortega y Gasset (1937). Il rencontra aussi André Malraux, Jean Cassou ou Paul Nizan dans l’effervescence du Frente Popular.

La Guerre civile espagnole le surprit en vacances en France. Il ne retourna pas en Espagne mais s’engagea pleinement en faveur de la cause républicaine : participation à la tournée de « La Cobla de Barcelone » à l’automne 1936 ; rédaction d’un Panorama de la culture espagnole paru en 1937 ; traductions de ses amis intellectuels, notamment L’Ode à Salvador Dali de Garcia Lorca (avec Éluard) et L’Espagne au cœur de Neruda (préface de Louis Aragon), dans les deux cas en 1938… Dans le même temps, il devint journaliste, à la rubrique culturelle de l’Humanité (il s’est rapproché des communistes – et de Louis Aragon – et est à l’origine de la publication dans l’Humanité de Novembre 1936, poème antifranquiste d’Éluard et étape du rapprochement de ce dernier avec le PCF) et surtout à Ce Soir par le biais de ses liens avec Jean-Richard Bloch, dès le lancement du titre (mars 1937). Il s’y lia avec Andrée Viollis, Édith Thomas, Pascal Pia et George Adam. Journaliste auprès de l’Élysée, il voyagea en Afrique du Nord ou à Londres. Il collabora aussi aux revues Commune, Europe, Regards et Soutes

Après la dissolution de Ce Soir fin août 1939, Louis Parrot devint rédacteur à l’Agence Havas repliée à Clermont-Ferrand. À l’annonce de l’armistice de juin 1940, il envisagea de gagner Londres via l’Espagne mais décida de rester à Clermont, craignant d’être refoulé pour son passé antifranquiste. Un temps démissionnaire d’Havas, il utilisa en fait sa position pour diffuser les informations censurées à la Résistance.

Car, Louis Parrot s’imposa comme un vecteur important de la Résistance intellectuelle dont il fut un des premiers historiens avec L’Intelligence en guerre, panorama de la pensée française dans la clandestinité, fin 1945. Il en était une plaque tournante, en contact depuis Clermont avec ses figures majeures : Pierre Seghers, Max-Pol Fouchet et Fontaine (dès juillet 1940) mais aussi Aragon, Albert Béguin…, participant activement à leurs activités, passant et plaçant, faisant imprimer et diffusant textes et ouvrages, légaux ou non, d’autant plus qu’il était l’actif correspondant et intermédiaire d’Éluard en zone sud, qu’il hébergea (avec d’autres) à l’occasion. Il participa à la fondation du CNE et des Lettres françaises. Il y publia ainsi qu’aux Étoiles ou aux Éditions de Minuit, contribuant dans ce dernier cas à la seconde livraison de L’Honneur des poètes (mai 1944) avec « Au-devant de la vie » sous le pseudonyme de Margeride (également utilisé pour publier, aux Éditions des Trois collines de François Lachenal à Genève, Paille noire des Étables, âpre portrait de la France occupée et résistante en 1944). En juin 1944 il lança et dirigea avec Éluard L’Éternelle Revue (trois numéros clandestins puis deux légaux à partir de décembre de la même année) et, de retour dans la capitale, assura, en pleine insurrection parisienne, la reparution de trois numéros de Ce Soir (il rédigea seul le premier). Il était enfin partisan de la fermeté face aux écrivains collaborateurs (Action, 9 septembre 1944).

Fin mai 1945, tout en participant à divers autres titres (La Revue des Hommes et des Mondes, La Nef…) et à différentes expositions (Dubuffet, Miró, Soutine), tout en multipliant les voyages en Europe (Allemagne…), il devint le critique littéraire des Lettres françaises, où il écrivait également sous le nom d’Augustin Fontaine. Il y développa une critique plutôt philo-communiste, « résistantialiste » aussi, mais également marquée d’un réel souci de diversité bien que son ton se durcît au fil du temps. Cependant, plutôt favorable à l’art non figuratif et disposant de connexions avec les poètes de l’école de Rochefort (amitié ancienne avec Jean Rousselot), il sembla, à son décès (d’un cancer), en porte-à-faux avec des Lettres françaises devenues entre-temps communistes : l’hebdomadaire, tout en lui rendant hommage, ne le fit qu’assez brièvement et le remplaça immédiatement par le très orthodoxe André Wurmser (Jean Kanapa ayant auparavant assuré l’intérim lors des absences de Parrot).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article144118, notice PARROT Louis, Augustin [Pseudonyme dans la Résistance : Margeride. Pseudonyme journalistique : Augustin Fontaine] par Erwan Caulet, version mise en ligne le 13 janvier 2013, dernière modification le 19 septembre 2017.

Par Erwan Caulet

ŒUVRE : Les principales références sont citées au fil du texte ; vue d’ensemble synthétique de l’œuvre (romans, poèmes, essais, traductions) dans le recueil posthume Œil de fumée (Les Amis de Rochefort, 1953) ou L’intelligence en guerre (Le Castor astral, 1990).

SOURCES : Fonds Louis Parrot : Bibl. mun. de Tours ; Bibl. litt. Jacques Doucet (fonds Lucien Scheler) — La Grande espérance des poètes : 1940-1945, Lettres choisies et présentées par Lucien Scheler, Temps actuels, 1982 — Les Lettres françaises (28 octobre et 4 novembre 1948, 19 mai 1949) — Raymond Bindelle, « Louis Parrot n’est plus… », La revue vivante, vol. 1, n° 4, 1948 — préfaces de Jean Rousselot à Œil de fumée et L’intelligence en guerre (cités) — Luc Decaunes, Paul Éluard, Balland, 1982 — Jean-Yves Debreuille, L’École de Rochefort, théorie et pratiques de la poésie, 1941-1961, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1987 — État civil.

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