MAHEU Edouard.

Par Jean Puissant

Bruxelles (pr .Brabant, arr. Bruxelles ; aujourd’hui Région de Bruxelles-Capitale), 18 août 1857 − Bruxelles, janvier 1897. Typographe, imprimeur pour le mouvement socialiste, frère de Joseph Maheu.

Fils de Josse, Joseph Maheu et de Marie-Joseph Segers décédée à Sint-Martens Bodegem (Bodeghem Saint-Martin, aujourd’hui commune de Dilbeek, pr. Brabant flamand, arr. Hal-Vilvorde) en 1891, Edouard Maheu est décrit dans une fiche de la police de la manière suivante : « Edouard Maheu, locataire, position aisée, enfant légitime, catholique, bonne conduite, sait lire et écrire, possède une éducation supérieure, mesure 1 m 68, il a des cheveux et une moustache blonde, des yeux bruns, un nez ordinaire une figure ronde et une corpulence assez forte. »

Imprimeur, Edouard Maheu a ses ateliers et ses bureaux situés dans l’ancien hôtel particulier d’Eugène Anspach au n°18, rue des Sables à Bruxelles, rue qui devient une véritable (petite) Fleetstreet à la fin du siècle. Il y imprime Le National belge de 1883 à 1885 et le quotidien libéral progressiste La Réforme, depuis les débuts, le 17 février 1884, jusqu’en 1890 ou 1895. Il est propriétaire de quatorze actions de la société La Réforme (1885) dont il est un des fondateurs. Maheu emploie Gustave Defnet, correcteur, Antoine Delporte, typographe, et son frère, Joseph Maheu, également typographe. Louis Bertrand est l’expéditeur du journal.

Edouard Maheu travaille également pour le Parti ouvrier belge (POB). Il imprime notamment Le Peuple à ses débuts. Selon Charles Delfosse, il aurait expliqué que « Comme imprimeur, je gagne 10 frs par jour sur le tirage de votre journal » (sur une presse dédiée à cette tâche). « Une fois le prix (de la presse) atteint, elle sera à vous. »

C’est Edouard Maheu qui imprime Le Catéchisme du peuple d’Alfred Defuisseaux* en mars 1886. En raison de la fuite de ce dernier lors du procès aux assises de Bruxelles, puis son défaut aux assises d’Anvers après cassation de l’arrêt, il est poursuivi comme imprimeur. En l’absence de l’auteur, il est condamné, avec l’éditeur de la version flamande De Witte, à deux mois de prison, ce qui déclenche le schisme avec Defuisseaux. Ce dernier est condamné à cinq ans de prison mais il refuse de se rendre, d’autant plus que le procureur Demaret a brandi la menace d’interdiction de l’hebdomadaire En avant pour le Suffrage universel, fondé par Defuisseaux et imprimé également chez Maheu. En décembre 1886, c’est la rupture. Maheu refuse de poursuivre l’impression de l’hebdomadaire et facture à Defuisseaux un important montant pour ses brochures Le Catéchisme du peuple, Mes procès et les premières éditions de l’hebdomadaire. Defuisseaux réplique que toutes ces publications ont dû rapporter de l’argent.

Edouard Maheu, ne voulant pas faire de prison, quitte le pays. Il disparaît ensuite de la scène, échaudé par ses déboires judiciaires et financiers autour du mouvement ouvrier. Il reste l’imprimeur de La Réforme, mais finit par remettre ses affaires à un Désiré Voglet (membre de la famille Voglet ?). En fait, il y a eu rupture avec le POB, comme le souligne Charles Delfosse à ses obsèques le 28 janvier 1897. Ce dernier constate que Le Peuple n’est pas représenté aux funérailles, mais bien La Réforme qui s’exprime par la voix d’Émile Féron. Il poursuit, évoquant Maheu « modèle du bon et loyal garçon, généreux, serviable… ouvrier d’élite. »

Mais Edouard Maheu n’est pas seulement un imprimeur bienveillant. Il partage les idées du milieu militant. Il a signé le Manifeste républicain du 23 septembre 1884. Il imprime Le Manifeste anarchiste de Ferdinand Monnier ou Monier pour lequel il est condamné à une amende de quarante francs en 1886 (défaut de mention d’éditeur).À cette occasion, Maheu affirme que Monnier est un illuminé et qu’il lui a demandé d’avance trente-huit francs pour 6.000 exemplaires. Prévenu pour outrage à la police le 24 avril 1886, condamné à des amendes à plusieurs reprises pour délit de presse, annonce de loterie non autorisée, « attaque à la force obligatoire des lois et offenses au Roi » en décembre 1886, il est alors défendu par Guillaume De Greef. Par la suite, Maheu sera l’imprimeur des Hommes du jour. Revue biographique de la politique, des sciences, des arts, de la littérature, etc., deuxième série du socialiste liégeois Charles Delfosse en rupture avec le POB.

En 1884, Edouard Maheu habite, avec son frère Joseph, avenue Philomène puis rue Van Praet à Schaerbeek (Bruxelles) avant de s’installer à Bruxelles. Maheu, comme on peut le constater, n’est pas directement un militant mais il joue un rôle important comme imprimeur au moment où se crée le POB. Son entreprise donne du travail à une véritable cellule de fondateurs du POB.

Époux de Mathilde Michez née à Bruxelles en 1851, il n’a pas d’enfant.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article183907, notice MAHEU Edouard. par Jean Puissant, version mise en ligne le 22 août 2016, dernière modification le 2 mai 2020.

Par Jean Puissant

SOURCES : Archives générales du Royaume, Parquet général 223 b − DELFOSSE C., La Bataille, 31 janvier 1897 − DEPAEPE J.-L., « La Réforme », organe de la démocratie libérale (1884-1907), Louvain-Paris, 1972 (Cahiers du Centre interuniversitaire d’histoire contemporaine, 64) − PUISSANT J., L’évolution du mouvement ouvrier socialiste dans le Borinage, Bruxelles, réédition, 1993.

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