MUNCK Philippe, Jean

Par Michèle Rault, Nathalie Viet-Depaule

Né le 16 mai 1924 à Mulhouse (Haut-Rhin), mort le 1er mai 2014 ; manœuvre, fumiste ; membre d’une équipe laïque de la Mission de Paris à Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne) en 1947 ; militant syndical, militant communiste ; permanent au secrétariat fédéral CGT des Services publics et de santé (1956-1979) ; collaborateur du bureau confédéral CGT du secteur « droits et libertés » (1979-1984).

Le père de Philippe Munck, catholique traditionnel proche de l’Action française, quitta sa ville natale du Havre (Seine-Inférieure, Seine-Maritime) dans les années vingt et s’installa en Alsace, berceau de la famille, jusqu’à la guerre de 1870, pour y exercer son activité de courtier en coton et produits textiles. Sa mère, fille du catholique social Paul Bureau*, professeur de droit et enseignant à l’Institut catholique de Paris pratiquait un catholicisme plus ouvert. Philippe Munck, second d’une famille de quatre enfants, subit leur influence : il fut scolarisé au collège épiscopal de Zillisheim (Haut-Rhin) et reçut une formation religieuse au contact à la fois de prêtres traditionnels et d’autres qu’il trouvait moins dogmatiques. Il pensait à devenir lui-même prêtre mais en dehors de l’Alsace à cause de son régime concordataire. Il se sentait attiré vers une « France paganisée où l’expression religieuse [devait] combattre pour vivre ».

La déclaration de guerre allait lui permettre de réaliser son souhait. Il dut en effet quitter Mulhouse pour se réfugier à Châlons-sur-Saône (Saône-et-Loire) où se trouvait une maison familiale. Il poursuivit sa scolarité au collège Saint-Lazare jusqu’à l’exode de mai 1940 qui le conduisit à La Rochelle (Charente-Inférieure, Charente-Maritime). Revenu à Châlons-sur-Saône, ville alors occupée, il prépara le baccalauréat dont il obtint la première partie à Dijon (Côte-d’Or) en juillet 1940 et fit, en 1941, sa classe de philosophie à Châlons. Bien que toujours attiré mû par une sa vocation religieuse, il entra en classe de Mathématiques élémentaires puis passa l’hiver 1942-1943 dans un chantier de jeunesse du Vercors, expérience qu’il jugea absurde et décevante.

La recherche religieuse de Philippe Munck se nourrissait de rencontres. Il côtoyait de jeunes vicaires de la paroisse Saint-Pierre de Châlons-sur-Saône qui organisaient des colonies de vacances, et était en contact avec un prêtre de l’Action catholique étudiante, professeur au grand séminaire d’Autun (Saône-et-Loire). La guerre lui avait par ailleurs fait découvrir une autre réalité sociale. Il avait pris conscience de l’existence de la classe ouvrière et de ses difficultés et lu l’enquête sur la déchristianisation du monde ouvrier, publiée en septembre 1943 par les abbés Henri Godin et Yvan Daniel sous le titre La France pays de mission ?

En octobre 1943, Philippe Munck entra au grand séminaire d’Autun où Louis Augros, nommé directeur du séminaire de la Mission de France chargé de former des prêtres pour les régions déchristianisées, avait été supérieur. Assez rapidement, il ne put assister aux cours, car faisant partie des Alsaciens mobilisables, il dut, durant quelques semaines, se réfugier dans le Jura. Revenu à Autun le 6 juin 1944, il participa au déblaiement des ruines de la ville du Creusot (Saône-et-Loire) qui avait été bombardée. Cette période, faite d’études et d’activités, le rendait sensible à la situation sociale et aux questions concrètes. Il s’interrogeait sur la nécessité pour l’Église de se renouveler. Avec d’autres séminaristes, il contestait le directeur du séminaire qu’il jugeait timoré. À la rentrée de septembre 1944, pour avoir manifesté sa désapprobation, il fut exclu du séminaire et envoyé dans une paroisse ouvrière à Montchanin (Saône-et-Loire). Il y rencontra Henri Granger, un prêtre qui s’était déjà engagé dans une pastorale renouvelée qu’initiait la Mission de France. Ces quelques semaines, à son contact et dans les quartiers populaires lui firent ressentir le besoin « de faire autre chose et d’échapper à des carcans qui emprisonnent l’esprit ». Il revint à Autun et demanda à être reçu par l’évêque qui lui confirma la position du directeur du séminaire. Il décida de quitter le séminaire sans pour autant rejeter l’idée d’être prêtre.

Philippe Munck revint alors en Alsace et passa une année à la faculté des Lettres de Strasbourg. Il s’intéressait au marxisme comme « philosophie et conception de la société ». Il rencontra alors François Laporte, ancien supérieur du grand séminaire de Reims qui avait fait le choix de rejoindre en 1944 la Mission de Paris que le cardinal Suhard, archevêque de Paris, avait créée en 1943. Il voulait devenir ouvrier tout en continuant à vivre sa foi en dehors des cadres classiques. Au cours de l’été 1946, il prit la décision de venir à Paris pour y rencontrer des prêtres-ouvriers de la Mission de Paris. Accueilli au Kremlin-Bicêtre (Seine, Val-de-Marne) en octobre 1946 par François Laporte, il trouva, par son intermédiaire, à se loger chez des chrétiens à Arcueil (Seine, Val-de-Marne). et fut embauché comme manœuvre à la Manufacture parisienne de papiers ondulés à Ivry-sur-Seine. Il y resta tout l’hiver 1946-1947 et décida, pour pouvoir continuer à travailler manuellement, d’apprendre un métier. Admis en février 1947 au centre de formation d’Issy-les-Moulineaux (Seine, Hauts-de-Seine) dans la section « charpente métallique » pour une période de six mois, il fit la connaissance, dans ce centre, de militants syndicaux. Il prit sa première carte syndicale à la CGT. Parallèlement, il fréquentait Henri Barreau et Jean Desailly, prêtres-ouvriers au Kremlin-Bicêtre ainsi que les membres de la Mission de France féminine qui rassemblait à Ivry-sur-Seine de jeunes femmes qui voulaient partager les conditions de vie des ouvriers (voir Émilienne Josset).

Il fit également la connaissance d’anciens séminaristes et de jeunes hommes qui partageaient ses convictions et étaient en rupture avec les pratiques traditionnelles de l’Église. En mai 1947, Philippe Munck vint vivre avec deux d’entre eux dans une maison achetée par la Mission de Paris à Ivry-sur-Seine, 133 rue de Paris. Il fut avec Max Stern, ouvrier à l’usine Chausson de Gennevilliers, et Slavik Palley employé chez un marbrier d’Ivry, les trois permanents d’une équipe de laïcs de la Mission de Paris. Jean Lerebourg et Claude Ribalet s’adjoignirent à ce groupe. Jean Fourgous et Jean Moulinié le fréquentèrent aussi mais sans y vivre. Des prêtres-ouvriers (Jean Gray) venaient dire la messe « au 133 », lieu de rencontres avec les habitants du quartier et avec des personnalités telles que l’abbé Jean Boulier, membre du conseil national des Combattants de la Paix et de la Liberté ou Albin Chalandon, inspecteur des finances, ami de Max Stern. Parallèlement, Philipe Munck fit partie du groupe ivryen des Auberges de Jeunesse, prit contact avec le centre intersyndical CGT lors des grèves de 1947 et participa à la constitution du mouvement des combattants de la paix et de la liberté d’Ivry.

Après avoir travaillé à la fabrication de volets métalliques à Paris puis dans une entreprise de serrurerie à Ivry, Philippe Munck entra à la ville de Paris en 1949 comme aide-fumiste. Il se maria le 16 avril 1949 à Mulhouse, avec Marie-Thérèse Kammerer, originaire de cette ville qui, venue vivre à Ivry-sur-Seine en 1947, où elle fréquentait les nombreux chrétiens en rupture avec l’Église traditionnelle. Avec elle, il s’éloigna progressivement de l’Église et l’interdiction des prêtres-ouvriers par Rome en 1954 mit un terme à leur engagement.

Membre du syndicat CGT des Services publics de la préfecture de la Seine, il devint permanent syndical en 1952 et adhéra au Parti communiste en 1953. Il voyagea en URSS en 1953 et accéda au secrétariat fédéral CGT des Services publics et de santé en 1956. Ce fut à ce titre qu’il siégea à la section du cadre de vie du Conseil économique et social du 1er janvier 1977 au 31 décembre 1978. En 1979, lors de la création de deux fédérations distinctes, Service public et Santé, il cessa d’être permanent au secrétariat fédéral et devint collaborateur du bureau confédéral CGT du secteur « droits et libertés ». Il était particulièrement chargé de suivre les procès entre les employeurs et les salariés. Il écrivit un manuscrit au sujet des salariés de l’usine Ducellier du Val-d’Allier (Puy-de-Dôme), "Essai d’histoire des Ducellier en Auvergne". Il a été imprimé, diffusé et vendu par nos soins de la CGT sous le titre de Histoire des Ducellier - la lutte des Dudus pour vivre debout.

Philippe Munck qui habita Ivry-sur-Seine, à l’exception d’une courte période entre 1955 et 1958, eut trois enfants.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article75009, notice MUNCK Philippe, Jean par Michèle Rault, Nathalie Viet-Depaule, version mise en ligne le 25 octobre 2009, dernière modification le 19 octobre 2020.

Par Michèle Rault, Nathalie Viet-Depaule

SOURCES : Étienne Fouilloux, « Des chrétiens à Ivry-sur-Seine 1930-1960 », Banlieue rouge, 1920-1960, Autrement, 1990. — Tangi Cavalin, Nathalie Viet-Depaule, Une histoire de la Mission de France, Karthala, 2007. — Notice Paul Bureau, DBMOF, tome 20. — Notes de Philippe Munck, 1990. — Témoignages de Marie-Thérèse et Philippe Munck, 2008.

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