Par Gauthier Langlois
Né le 24 janvier 1842 à Saint-Gaudens (Haute-Garonne), mort à Paris le 12 mars 1881 ; avocat, poète et journaliste français républicain, rédacteur du Rappel, neveu du socialiste Philippe Faure, ami de Victor Hugo et de Garibaldi.
Il était fils de Guillaume Joseph Adolphe Maxime (1766-1858) et de Julie Eudoxie Léonide Faure (1820-1893), mariés à Paris en 1841 et résidant ensuite à Saint-Gaudens. Il avait une sœur, Gillelmine Lucy (1844-1909), mariée, en 1864 à Saint-Gaudens, avec Prosper-Louis Docteur (1840-1895), agent maritime et d’émigration vers l’Amérique, vice-consul de l’Uruguay et du Venezuela à Pau.
Du côté paternel il appartenait à une famille de juristes du Comminges, particulièrement impliquée dans les débuts de la IIe République. Son père, avocat à Paris, avait été le secrétaire de l’avocat et homme politique Adolphe Crémieux et avait notamment participé à la défense des insurgés des 5 et 6 juin 1832 en réussissant à faire acquitter Joseph Fradelle. Rentré à Saint-Gaudens, il s’installa comme avoué. Au lendemain de la révolution de février 1848 il avait fondé, dans sa ville, le club républicain radical des ouvriers réunis, était devenu conseiller municipal de Saint-Gaudens puis sous-préfet de Pamiers. Le cousin du père, Maxime Pelleport, libéral rallié à la République, était maire de la même ville. Adolphe Pelleport était également parent avec Armand Marrast, membre du gouvernement provisoire de la République puis maire de Paris et président de l’assemblée constituante et avec Jean-Baptiste Pégot-Ogier, député montagnard de la même assemblée. Du côté maternel Adolphe avait pour oncle Philippe Faure, journaliste socialiste proscrit du 2 décembre 1851, mort en exil à Jersey en 1856.
Adolphe fit d’excellentes études à Saint-Gaudens mais profita surtout des leçons de son père qu’il perdit à l’âge de quatorze ans, et de sa mère qui acheva son éducation. Puis, sur les traces de son père, il suivit des études de droit à Paris où il était étudiant en 1862. Il revint ensuite s’installer comme avocat à Saint-Gaudens.
Passionné par la poésie à l’image de son père et comme tout jeune romantique, il avait adressé, alors qu’il n’avait pas dix-huit ans, une lettre en vers à Victor Hugo qu’il considérait comme son modèle en poésie comme en politique. En effet, selon Auguste Vacquerie, « il l’adorait sous ses deux espèces, comme créateur de chefs-d’œuvre et comme auteur de progrès ». Son « Hugolâtrie » de jeune romantique le poussait à composer à tout bout de champ des vers à la louange de Hugo et de ses proches. Et au cours de sa vie il effectua de véritables pèlerinages sur les lieux de vie du poète. Mais son premier pèlerinage il les fit sur ses lieux d’exil.
Entre mai et novembre 1863 il fit un long séjour dans les îles de la Manche. En mai il était à Jersey où il se rendit probablement sur la tombe de son oncle Philippe Faure et se présenta comme son neveu aux proscrits. Invité par le poète, il séjourna ensuite à Guernesey. Il fit aussi une excursion sur l’île de Serk. De retour à Jersey il bénéficia de l’hospitalité du jersiais Philippe Asplet, ami des Hugo. Avant son départ il lui laissa, le 8 novembre 1863, une dédicace sur l’album de photo donné par la famille Hugo. Les années suivantes il revint régulièrement séjourner en été dans les îles. Il est attesté chez le docteur Louis Gornet à Jersey en 1864 et 1867, chez les Hugo à Guernesey en 1864, 1865 et 1867.
Adolphe était donc devenu un familier des Hugo. Victor le considérait presque comme un fils et lui-même considérait l’écrivain comme un père. Voici comment Nathanaël Martin-Dupont le présente dans le récit d’un repas à Guernesey. La scène se situe vers la fin de l’Empire à Saint-Pierre-Port, dans la maison de Madame Drouet, maîtresse de Victor, qui reçoit son amant et les deux fils, de celui-ci, Charles Hugo et François Hugo ainsi que Kesler et Adolphe : « Il y avait aussi Adolphe Pelleport, tout jeune, un des vaillants de Garibaldi, plus tard gérant au Rappel. La pensée de Pelleport, on pourrait dire sa vie, avait deux pôles : Garibaldi et Victor Hugo. Son amour pour ces deux hommes, était une façon de religion ; il leur rendait un culte. (...) Pelleport était l’enfant gâté et aussi l’enfant terrible de la maison. Distrait et maladroit comme les gens dont la pensée est dans le rêve, il brisait tout sur son passage, vases précieux, objets rares. Il avait toutes les audaces et l’on avait pour lui toutes les indulgences. Il disait à Victor-Hugo en face ce que d’autres auraient à peine osé penser : sincérité qu’on aurait prise pour de l’inconscience. Il ne s’expliquait pas que Victor Hugo eût écrit certaines confidences de jeunesse et il l’en grondait. Les amours du collégien le scandalisaient comme une faiblesse incompatible avec la majesté du poète. Victor Hugo l’écoutait avec bonté et souriait, lui qui n’aimait pas la critique. Au demeurant, un grand cœur que ce Pelleport, et ce qui ne gâte rien, une belle conscience. »
Romantique exalté épris de liberté, Adolphe souhaitait participer à l’unification italienne aux côtés de son autre héros, Garibaldi. Il obtint de l’écrivain le mot d’introduction suivant : « Mon cher Garibaldi, (...) je vous envoie un poète pour que vous en fassiez un héros. Victor Hugo ». Adolphe rejoignit le révolutionnaire italien en 1866 pour combattre les Autrichiens lors de l’expédition du Tyrol. Il était présent à la victoire de Monte Suello, le 3 juillet, puis à la libération de Venise en octobre. Démobilisé, il en profita pour faire son voyage en Italie, en visitant notamment Naples et Capri.
Rentré à Saint-Gaudens, Adolphe continua d’entretenir des relations avec Victor Hugo. Il lui envoya notamment un poème où il faisait l’éloge de Gustave Flourens pour sa participation à l’insurrection crétoise de 1866-1869.
En 1868 il tenta de soulever, un drapeau à la main, le peuple de Toulouse contre l’Empereur Napoléon III, ce qui lui valut un séjour à la prison Saint-Michel. À la proclamation de la IIIe République il s’installa à Paris comme secrétaire de son compatriote Oreilly Marrast, frère aveugle de l’ancien président de la constituante de 1848. Il y retrouva Hugo et Flourens et vécut avec eux le siège de Paris par les prussiens. Engagé comme garde national, il combattit dans l’artillerie sous les ordres de Victor Schoelcher. Nous ne savons pas quel fut sa position dans l’émeute menée par Flourens, le 31 octobre et qui valu à ce dernier d’être emprisonné à Mazas par le gouvernement. Mais le 16 décembre 1870 Hugo notait dans ses carnets : « A. Pelleport est venu me voir. Je l’ai chargé d’aller voir de ma part Flourens, qui est à Mazas, et de lui porter Napoléon le Petit.
Nous ne savons pas non plus son attitude vis-à-vis de la Commune, désapprouvée par Hugo mais où leur ami commun Gustave Flourens s’engagea et perdit la vie.
En pleine répression versaillaise Auguste Vacquerie lui confia la difficile tâche, en novembre 1871, de reprendre la gérance du Rappel, quotidien fondé par les anciens compagnons d’exil de son oncle (voir Barbieux). Cela lui valut un emprisonnement lorsque le journal fut suspendu dès la fin du même mois pour avoir « insulté les défenseurs de l’ordre et de la légalité ». Le 24 mars 1873, il fut à nouveau condamné, avec son rédacteur Édouard Lockroy, à un mois de prison et 500 francs d’amende pour « excitation à la haine ». La justice était alors, en l’absence de liberté de la presse qui ne sera instituée qu’en 1881, un moyen de censure pour le gouvernement. Malgré mille difficultés et plusieurs suspensions par les autorités, Pelleport réussit jusqu’à sa mort à maintenir la parution de ce journal républicain.
Parallèlement il publiait des poèmes dans plusieurs revues littéraires, notamment dans La Jeune France et des revues de province, parfois sous le pseudonyme d’Adolphe Pelle, et reprit ses pèlerinages et voyages romantiques. En 1879 il alla visiter la maison natale de Garibaldi à Nice avant de séjourner chez celui-ci à Albano (Italie) où il se trouvait en juin. À la fin de l’année il visita l’Espagne et le Maroc en passant par Madrid, où il s’imagina dans la peau du jeune collégien Hugo, et à San Sebastián, où l’écrivain avait passé des vacances. Les années suivantes il visitait la Belgique et les Pays Bas, puis, avec Paul Meurice, la chambre natale du grand homme à Besançon et la Suisse.
Toujours familier des Hugo, il les rejoignait régulièrement à Guernesey, entre 1872 et 1878, où il se prit d’affection pour les petits-enfants de l’écrivain, Georges et Jeanne, recueillis par leur grand-père après la mort de leur père Charles en 1871. Leurs relations se poursuivirent au retour des Hugo à Paris en 1878.
Les 26 et 27 février 1881, lors les fêtes du soixante-dix-neuvième anniversaire de l’écrivain, Adolphe, qui en était l’un des promoteurs, attrapa froid en accueillant les invités dehors. Victime d’un rhumatisme articulaire suivi d’une méningite, il mourut prématurément à l’âge de 39 ans, le 12 mars, peu après avoir reçu une dernière visite de Victor Hugo venu à son chevet et en présence de Clément Dulac.
Bien que n’ayant pas fait de véritable carrière politique et littéraire, Adolphe Pelleport, par sa gentillesse, était l’ami de très nombreux artistes, écrivains et hommes politiques. Aussi, pour ses obsèques, une foule d’amis où tous les journaux républicains étaient représentés conduisirent son corps à la gare d’Orléans. Parmi les couronnes se trouvait celle de Georges et Jeanne Hugo, petits-enfants de l’écrivain. Les cordons du poêle étaient tenus par quatre rédacteurs du Rappel, Henri Rochefort, Camille Pelletan, Édouard Lockroy et Auguste Vacquerie. Arrivé à la gare Louis Blanc prononça son éloge funèbre. Son corps fut rapatrié par sa mère vers sa ville natale de Saint-Gaudens, aux pieds des Pyrénées qui lui étaient chères, et inhumé le 16 mars, après un discours de l’avocat Jean Bepmale.
Ses amis lui rendirent hommage en éditant, l’année suivante, un recueil posthume d’un choix de ses poèmes, dont Victor Hugo avait trouvé le titre : Tous mes amours.
Adolphe Pelleport était franc-maçon. Il avait été initié par la loge La Renaissance par les émules d’Hiram, Orient de Paris, le 16 décembre 1872.
Par Gauthier Langlois
ŒUVRE : Arlequin démocratique, oeuvre collective d’une société de littérateurs, sous la direction de Louis Baudier, Paris, veuve Millière, 1873. —
« À Marseille », pièce de vers dédiée à Clovis Hugues, La Jeune république, 16 mars 1879. — Tous les amours ; avec une lettre de Victor Hugo ; une préface d’Auguste Vacquerie ; et l’adieu de Louis Blanc, Paris, G. Charpentier, 1882. — « Vers posthumes », Bulletin général / Société académique des Hautes-Pyrénées, 1889, p. 76-80.
SOURCES : sur le père : Armand Marrast, Procès des vingt-deux accusés du cloître Saint Méry, évènemens des 5 et 6 juin 1832, Paris, Rouanet, 1932. — Marie-Louise Guillaumin, « Armand Marrast, Adolphe Pelleport, Maxime Pelleport », Revue de Comminges, tome 119, 2003, p. 89-114. – André Berthomieux, Marie-Louise Guillaumin, « A propos des frères Maxime (1802-1859) et Adolphe (1805-1858) Pelleport et de leurs cousins, les frères Oréli (1797-1874) et Armand Marrast (1801-1852) », Revue de Comminges, 2008, p. 121-132. — sur le fils : Archives de la Haute-Garonne, Acte de naissance. — Bnf, Recueil de portraits de Victor Hugo et de sa famille ayant appartenu à Julie Foucher, sœur de Madame Victor Hugo, Billet en faveur d’Adolphe Pelleport de Victor Hugo à Verteuil, Fichier Bossu. — Maison Victor Hugo à Guernesey, Dédicaces d’Adolphe Pelleport à Philippe Asplet et poème autographe. — Le Phare de la Loire, 26 mai 1865, 27 mars 1873. — La Justice, 1er février 1881. — Le Petit parisien, 28 février 1881. — La Jeune France, 1er avril 1881. — La Lanterne, 17 mars 1881. — L’Intransigeant, 15 mars 1881, 17 mars 1881. — La Gazette anecdotique, littéraire, artistique et bibliographique, 1881, p. 171-174. — Le Rappel, 17 septembre 1877, 15 mars 1881, 16 mars 1881, 21 mars 1881, 17 août 1882, 26 août 1882, 12 octobre 1882, 12 décembre 1882. — Georges d’Heylli, « Pelle (Adolphe) », Dictionnaire des pseudonymes, Paris, 1887, p. 340-341. — Nathanaël Martin-Dupont, « Victor Hugo anecdotique », La vie montpelliéraine, 20 septembre 1903. — Jean-Pierre Barbier, Juliette Drouet, sa vie son oeuvre, p. 58-65. — Le Parisien, 23 octobre 1913, p. 1. — Le XIXe siècle, 12 mai 1918. — Anne Nicolas, « Victor Hugo et Gustave Flourens », Revue d’histoire littéraire de la France, septembre 1968, p. 731-745. — Paul-Louis Sentein, « Journal d’un substitut à Saint-Gaudens au temps des décrets », Revue de Comminges, 1987, p. 242-243. (l’éditeur du texte confond Adolphe père et fils). – André Berthomieux, Marie-Louise Guillaumin, « Adolphe Pelleport fils, poète », Revue de Comminges, 2007, p. 115-137.